La retraite d’une battante

La Québécoise Josée Bélanger a le sentiment du devoir accompli

Josée Bélanger se souvient d’une discussion qu’elle a eue avec son père quand elle était encore adolescente. Le paternel lui demandait ce qu’elle voulait faire dans la vie. Bélanger, du haut de ses 15 ans, pensait que la réponse était évidente : elle allait devenir une joueuse de soccer professionnelle.

« Je ne te demande pas quelle est ta passion, mais ce que va être ton métier, celui qui va te faire gagner des sous ! » a rétorqué son père, un peu sceptique.

Josée Bélanger, première Québécoise à marquer un but en Coupe du monde, racontait hier l’anecdote au moment d’annoncer sa retraite. À l’âge de 31 ans, l’attaquante teigneuse, médaillée olympique, souvent blessée, souvent ressuscitée, a décidé d’accrocher ses crampons.

« C’était il y a 15 ans. Il y avait encore moins d’opportunités pour les femmes au soccer. Mais le fait d’avoir persévéré et réalisé mon rêve, j’en suis fière, lance-t-elle. J’ai fait mon bout de chemin à moi. C’est pour ça qu’aujourd’hui, je me sens accomplie. »

« J’ai eu la confiance de quitter Coaticook et de vivre mes passions. »

— Josée Bélanger

Son père, qui a fait carrière dans le monde agricole, comme plusieurs membres de la famille Bélanger, est devenu le plus grand fan de Josée. Il a suivi son parcours l’été dernier à Rio, quand elle a remporté une médaille de bronze avec l’équipe canadienne.

À son retour du Brésil, Josée Bélanger hésitait. La diplômée en kinésiologie allait-elle passer à un autre chapitre de sa vie ou se lancer dans un autre cycle olympique ? C’est finalement à l’issue d’une discussion avec l’entraîneur de l’équipe nationale féminine, John Herdman, qu’elle a pris sa décision.

« John m’a demandé de quoi j’étais la plus fière dans mon parcours. Le fait d’avoir réussi à jouer défenseur, une position à laquelle je n’étais pas habituée, à la veille de la Coupe du monde ; le fait d’être maintenant bilingue, ou presque ; le fait d’avoir réussi à vivre l’éloignement, d’avoir trouvé le courage de vivre loin de ma famille, de mes amis ; d’avoir vécu des expériences enrichissantes... »

À la fin de cette énumération, Josée Bélanger a senti qu’elle avait atteint ses objectifs. Elle a décidé de tourner la page. Elle veut maintenant inspirer les jeunes joueuses. Elle va d’ailleurs lancer une école de soccer dès cet été. Elle a aussi le projet de fonder une famille.

« Je suis prête à quitter sur une note positive. J’ai réalisé tous mes rêves de jeune fille, dit-elle. J’ai pris le temps de réfléchir et je me sens épanouie et fière. J’ai de beaux projets qui m’attendent. »

Le long chemin des femmes au soccer

Le moment qu’elle chérit le plus dans sa carrière, c’est ce but marqué en pleine Coupe du monde 2015. C’était contre la Suisse, un superbe tir du pied gauche qui permettait au Canada de l’emporter 1-0 et de passer en quarts de finale.

Ce but était d’autant plus savoureux que Bélanger avait dû faire une croix sur le Mondial de 2011. Elle s’était blessée à une cheville alors que sa carrière prenait son envol. Elle s’était soignée, s’était de nouveau taillé une place dans l’équipe canadienne, avait accepté de jouer à la défense pour 2015, et puis ce but…

« Je devenais la première Québécoise à marquer en Coupe du monde. J’avais l’impression de contribuer à quelque chose de très grand », dit cette athlète particulièrement éloquente.

Au fil de sa carrière, elle a joué en Suède et aux États-Unis, pour un salaire infiniment plus bas que celui d’un homme d’un talent équivalent. Si elle avait été un homme, prendrait-elle sa retraite à 31 ans ?

« Peut-être que s’il y avait eu une équipe professionnelle à Montréal, j’aurais poursuivi mon parcours. J’aurais pu avoir un impact ici, dans ma communauté, au Québec. Peut-être que ça m’aurait permis de poursuivre quelques années. »

— Josée Bélanger

Mais contrairement à Patrice Bernier avec l’Impact, Bélanger n’a pas cette équipe ici. Pire, elle a vu au fil des ans plusieurs portes se fermer pour les joueuses.

« Quand j’ai grandi, il y avait du soccer semi-professionnel au Québec. Il y a eu l’Extrême de Montréal, les Comètes de Laval, l’Amiral de Québec, et maintenant, ça n’existe plus, déplore Bélanger. On est dans un creux de vague. Mais j’ose croire que les choses vont s’améliorer. Je ne comprends pas qu’au Canada, on ne puisse pas avoir une ligue professionnelle. »

En juillet, elle aimerait commencer un nouveau chapitre de sa vie en tenant une journée de formation pour les joueuses (la date exacte et le lieu restent à déterminer). Pour Bélanger, ce sera une occasion de faire avancer, à sa manière, le soccer féminin.

Ce sera aussi une manière de motiver ces joueuses, de leur rappeler que tout est possible, comme quand elle avait 15 ans et rêvait à contre-courant.

« Ce sera pour les filles U12 et U14, parce que c’est un âge symbolique pour moi. C’est à ce moment-là que j’ai rêvé d’aller aux Jeux olympiques, que j’ai réalisé qu’il y avait de grands objectifs à avoir en tant que femme dans le soccer, explique Bélanger. J’aimerais en aider d’autres à avoir ces rêves. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.