Mariloup Wolfe

Le coût de la célébrité

Mariloup Wolfe est la tête d’affiche de Sur-Vie à compter du 6 avril à Séries+. Une minisérie inspirée d’une idée qu’elle a eue avec son ex-mari, Guillaume Lemay-Thivierge, avant leur séparation en 2015. Discussion sur la vie privée, la carrière publique, les dérives médiatiques et le coût de la célébrité.

Il y a plusieurs mises en abyme dans Sur-Vie, qui peuvent rappeler ta propre vie. L’idée de base était la tienne. Dans quelle mesure est-ce resté ton projet ?

Le cheminement a été tumultueux. À la base, quand j’étais en couple avec Guillaume, on avait un désir de créer un projet pour jouer ensemble. Mais l’idée de départ ne ressemble pas du tout à la série. Même si la prémisse est semblable : un couple d’acteurs tente sa chance à Hollywood, perd tout, est endetté, et accepte de faire une téléréalité. Le projet a été confié à Fabienne [Larouche] et il est devenu autre chose. Je me suis séparée entre-temps et j’ai décidé de me retirer de la création et d’accepter d’embarquer dans le projet à titre d’actrice. De lâcher prise en ce qui concerne ce que j’avais envie de dire initialement, même si je chérissais ce projet-là depuis des années. J’étais dans une année de lâcher-prise de toute façon ! Il est resté de mon idée initiale des questionnements sur la téléréalité, sur la gloire, sur la popularité, la célébrité. Jusqu’où les gens sont-ils prêts à aller pour être connus ? Est-ce si le fun que ça ? (Rires) Ça fait aussi partie de ma vie.

Tu es consciente que le public, forcément, risque de faire des parallèles entre la série et ta rupture médiatisée. Est-ce que c’est plus difficile à jouer quand la réalité semble rejoindre la fiction ?

Non. Je m’en fous un peu. Je ne trouve tellement pas que c’est ma vie ! Pour les gens, ça peut avoir cet effet-là, ça peut être mélangeant, mais ça ne ressemble en rien à moi. Oui, je suis une actrice, et mon personnage est sur le bord de la séparation. Il y a des parallèles que les gens vont pouvoir faire : il y a des blagues sur l’adultère, des dialogues qui ont des échos dans ma vie. Mais ça ne me dérange pas. Ce qui est dit dans le scénario est ce qui est dit de toute façon dans les médias. C’est ce que les gens radotent dans leurs chaumières ; les rumeurs et tout ça, je l’assume. Les réseaux sociaux, les potins, la vie publique, ça fait mal à un certain moment, mais on n’a pas le choix de se construire une carapace pour passer au travers si on veut continuer dans ce milieu. Ma carapace est très épaisse maintenant, parce que je suis passée à travers plusieurs épreuves : que ce soit Gab Roy, les rumeurs sur mon couple, ma séparation ou même mon tournage mouvementé avec une grève [la première saison de Ruptures, qu’elle a réalisée]. J’en ai vécu beaucoup dans les trois dernières années. Je me suis construit une force intérieure. J’ai une carapace que je souhaiterais presque ne pas avoir, mais c’est la seule façon que j’ai de me protéger. Savoir quoi lire et quoi ne pas lire. Ce qui te fait mal et ce qui te fait du bien. Pour répondre à ta question : si ça peut amener des cotes d’écoute à la série parce que ça intrigue les gens, ça ne me dérange pas. Je sais où j’en suis dans ma vie. J’ai lâché prise.

Il est question dans la série de la gestion des réseaux sociaux. C’est la mère de ton personnage, jouée par Carole Laure, qui s’occupe de son compte Facebook. Comment gères-tu ça ?

J’ai vécu un phénomène particulier avec les réseaux sociaux. Quand il y a eu toute l’histoire de Gab Roy et les rumeurs de séparation avec Guillaume il y a trois ans, j’avais 500 fans sur Facebook. En 24 heures, je suis passée à 50 000 fans…

Ayoye ! Quelle curiosité malsaine…

Les gens voulaient savoir. Et je ne savais pas comment gérer ça. Tout le monde commentait l’histoire de Gab Roy : c’était le prétexte à des débats sur la liberté d’expression, sur les droits de la femme, etc. J’étais toujours associée à ça par les réseaux sociaux, que je le veuille ou non. Alors j’ai engagé quelqu’un pour gérer les réseaux sociaux. Pendant huit mois, cette personne-là a fait le ménage. Elle a bloqué des mots, pour s’assurer que certaines choses n’apparaissent plus. Je ne lisais plus rien parce que c’était trop blessant. Quand la crise est passée, j’ai repris possession de mon compte. Aujourd’hui, il y a plus de 230 000 personnes qui suivent ma page Facebook. Je suis sur Instagram depuis un an, et c’est ce qui m’amuse le plus. J’ai plus de 100 000 abonnés. Je « poste » très peu de photos de mes enfants, et quand il y en a, c’est de dos ou de profil. Je mets peu de choses personnelles, mais quand j’en mets, c’est fou combien il y a plus d’intérêt. Si tu mets des photos de ta cuisine, ça fait jaser ! Il y a deux ans, j’ai failli quitter les réseaux sociaux, parce que je ne trouvais pas ça toujours sain. Mais c’est rendu quasiment une obligation dans notre travail. C’est même parfois monnayable pour certains contrats d’avoir autant d’abonnés. C’est dur de faire de la promo de nos jours, alors si tu peux rejoindre 230 000 personnes en un clic, c’est avantageux.

Tu parles de Gab Roy. Le Journal de Montréal a décidé de rencontrer un troll misogyne qui me fait penser à lui. Celui qui a menacé des féministes en disant qu’elles mériteraient aujourd’hui d’être sur la liste de Marc Lépine…

J’étais sur cette liste-là ! À cause du livre de Léa [Clermont-Dion].

Ce « roi des trolls » autoproclamé a seulement 175 abonnés sur Twitter. Je trouve que le mieux, c’est de l’ignorer. Trouves-tu qu’il faut confronter ces gens-là dans les médias ?

Je suis d’accord avec toi. Pourquoi leur donner de l’importance ? Si on ne les nourrit pas, ils vont disparaître. Je l’ai vécu récemment avec un gars qui commentait méchamment tout ce qui me concernait sur les réseaux sociaux. Ça a duré des mois. J’ai fini par me tanner et je lui ai écrit en privé. Il ne croyait pas que c’était vraiment moi au début. Je lui ai demandé ce que je pouvais faire pour calmer la haine qu’il entretenait à mon égard. Il s’est excusé en me disant qu’il ne pensait pas que j’en serais blessée. Et il m’a avoué qu’il voulait juste mettre de l’huile sur le feu et « faire jaser les matantes ».

Comment vis-tu avec l’attention constante qu’on te porte dans les magazines à potins et les sites de nouvelles de vedettes ? Il y en a de plus en plus…

Dans la dernière année, j’étais pas mal tannée. Je fais souvent le front des magazines sans le vouloir. J’arrive au dépanneur et je vois une couverture de magazine avec ma photo et une citation qui sort de je ne sais où. Ou je mets une photo sur Instagram du petit chat que je viens d’adopter et HollywoodPQ, enVedette.ca, Le sac de chips, whatever en fait une nouvelle avec un titre accrocheur : « Elle a un nouvel amour dans sa vie ! » Les gens cliquent et c’est mon chat. Ceux qui ne cliquent pas commentent quand même : « Ah ben y était temps ! » J’ai publié l’an dernier une photo sur les réseaux sociaux avec mon ami Benoît McGinnis sur le tournage de 30 vies et des sites ont repris ça avec un titre accrocheur qui laissait entendre que c’était mon nouveau chum. Et les gens commentent…

Quand, au début de Sur-Vie, on demande en voix hors champ : « Sais-tu ce que ça coûte d’être célèbre ? », la réponse, c’est que ça coûte plus cher aujourd’hui qu’il y a 10 ou 15 ans ?

Mets-en ! Vraiment. Tout ce que tu fais est sur les réseaux sociaux où tout le monde a une opinion sur tout. Tout le monde se cache derrière son écran de cellulaire ou d’ordinateur. Les opinions sont gratuites et personne ne les assume vraiment. Les choses sont déformées, et répandues à une vitesse folle. C’est épeurant. Mais il faut faire avec. Parce qu’il faut nourrir ses réseaux.

Est-ce qu’il y a des avantages qui viennent avec ce coût plus élevé de la célébrité ?

C’est une excellente question que je me pose cette année. Sur le plan professionnel, il y a des avantages. Mais sur le plan humain, je pense qu’il y a surtout des inconvénients.

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