OPINION

Développement durable et transition énergétique
Le Québec doit pouvoir compter sur le monde municipal

Force d’inertie ou force de progrès ? Parfois à l’avant-garde, les municipalités peuvent aussi être le sable dans l’engrenage du tournant du Québec vers le développement durable. Leur nouvelle autonomie doit pourtant venir avec de nouvelles responsabilités.

Pour tenir les ambitieux engagements de sa transition énergétique, le Québec aligne les politiques publiques : il a notamment adhéré à un marché du carbone, créé le Fonds vert et adopté une politique de mobilité durable.

Ce mouvement devra s’accélérer au cours de la prochaine décennie pour réduire tel que prévu, d’ici 2030, de 40 % notre consommation de pétrole et de 37,5 % nos émissions de gaz à effet de serre.

Un dernier arrimage reste à faire pour assurer le succès de cette transition inévitable : la mise à contribution des forces vives du monde municipal.

Les villes sont au cœur de la solution en ce qui concerne plusieurs des enjeux environnementaux majeurs de notre époque. Qu’il s’agisse de planifier une croissance à faible bilan carbone, de réduire le risque d’inondation par une occupation raisonnée du territoire, de reconnaître la valeur des milieux humides et de prendre les moyens de les protéger, de tempérer la convoitise des spéculateurs pour les terres agricoles, c’est à l’échelle des municipalités locales ou régionales que se prennent nombre de décisions.

Au cours des dernières années, plusieurs municipalités ont joué un rôle proactif en matière de protection de l’environnement. On peut citer, par exemple, la volonté de mieux protéger les sources d’eau potable et l’engagement pris par les élus locaux de mettre en œuvre l’accord de Paris sur le climat. En revanche, il est préoccupant de constater que dans d’autres cas, le municipal se retrouve à contre-courant du développement durable.

Dans plusieurs dossiers, les interventions de nombre d’acteurs municipaux visent à diminuer les ambitions du gouvernement ou à retarder les processus décisionnels. 

Les prises de parole se succèdent pour, ici, remettre en question la protection des milieux humides, là, revendiquer la mainmise sur le territoire agricole, ailleurs, réclamer un énième élargissement autoroutier – sans oublier l’effort mis à différer et à neutraliser les orientations gouvernementales en aménagement du territoire.

On a vu des acteurs clés du monde municipal remettre en cause des acquis comme le Plan d’aménagement et de développement métropolitain de Montréal ou même la Loi sur la protection du territoire agricole, au nom d’une autonomie et d’un droit au développement érigés en véritables dogmes.

Avec de grands pouvoirs viennent pourtant de grandes responsabilités. L’autonomie obtenue par les municipalités dans divers domaines ne les libère pas de la responsabilité d’adhérer à des règles communes, basées sur la science et cohérentes avec l’urgence d’agir en matière de climat et de développement durable.

Les rivières, les gaz à effet de serre, la congestion ne s’arrêtent pas aux frontières municipales. L’étalement urbain n’est pas un droit fondamental.

Souvent invoquée, la dépendance à la taxe foncière ne peut demeurer une excuse pour poursuivre la fuite en avant dans un développement résidentiel et commercial anarchique, coûteux à tous points de vue.

Certaines municipalités ont déjà testé des mesures fiscales innovantes. Si la fiscalité est le principal obstacle au changement de pratiques, les municipalités doivent s’y attaquer de concert avec l’État, au lieu de multiplier les combats d’arrière-garde et de poursuivre l’incessante guérilla politique contre les grands objectifs du Québec en développement durable.

Nous continuons de penser que le monde municipal peut être un allié pour faire du Québec une société plus verte, à l’avant-garde de la transition écologique qui s’amorce.

Nous croyons en l’expertise des élus locaux et en leur engagement pour leurs milieux. Nous les appelons à prendre le parti de la protection de l’environnement, et à cesser de s’accrocher à certains types de développement qui nous mènent à notre perte, autant localement que globalement.

* Cosignataires de la lettre : Nathalie Dion, présidente de l’Ordre des architectes du Québec ; Marcel Groleau, président général de l’Union des producteurs agricoles ; Steven Guilbeault, cofondateur et directeur principal d’Équiterre ; Alexandre Turgeon, président exécutif de Vivre en Ville

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.