Chronique

Comme un cheval de Troie

La dernière fois que j’ai parlé à Chantal Nicol, elle ne portait plus à terre, elle avait réussi à ramasser assez d’argent pour adapter la maison pour Katou, née avec un syndrome mystérieux. Le gouvernement fournissait 20 000 $, à condition qu’elle et son mari payent l’autre moitié de la facture.

Katou a 11 ans et demi, elle demande les soins d’un enfant de 1 an.

Les couches, le bain à donner.

Des nuits parfois courtes, la surveillance constante.

J’avais raconté leur histoire en octobre dernier, le cousin du mari avait lancé une campagne de sociofinancement pour amasser l’argent qui manquait, que le couple n’avait pas. L’objectif a été atteint, même dépassé, entre autres grâce à une dame qui a donné, en passant par moi, 10 000 $ de façon totalement anonyme.

Presque 30 000 $ ont été amassés.

L’animateur de radio Marto a lui aussi lancé un appel à la générosité de ses auditeurs, ils ont répondu présents. Du lot, une décoratrice, elle venait de partir quand j’ai appelé Chantal pour prendre des nouvelles. « Katou va avoir une belle chambre rose. Elle aura de la stimulation pour les cinq sens. »

La chronique aurait dû s’arrêter ici, après avoir ajouté que Chantal et son mari avaient reçu comme prévu les 20 000 $ du PAD, pour Programme d’adaptation du domicile.

Ça ne s’est pas passé comme ça.

« Quand on est parvenus à avoir le montant qu’on devait fournir, on a demandé les plans. On a attendu, les plans ne venaient pas. On nous disait que ça s’en venait, mais les plans n’arrivaient pas. On a fini par appeler au bureau du député, un vendredi, on les a eus au début de la semaine… »

C’était en décembre. « Les plans ont été acceptés par les trois parties, par nous les parents, par la MRC et par l’ergothérapeute du PAD. Tout le monde était d’accord pour l’agrandissement, pour installer un bain. Après ça, on devait avoir les devis plus précis pour les travaux à faire, pour pouvoir aller en soumission. »

L’hiver a passé, pas de devis.

Fin mars, on leur a annoncé que les plans et devis étaient prêts. « On était tellement contents, on se disait : “Enfin ! Après tout ce temps, on va finalement pouvoir trouver un entrepreneur et commencer les travaux !” »

On ouvre le champagne ?

« Les plans n’avaient rien à voir avec ce sur quoi on s’était entendus, ils les avaient modifiés sans nous en parler. Il n’y avait plus d’agrandissement, même s’ils avaient dit oui, il fallait utiliser l’espace du salon, on n’aurait plus eu de salon. Il n’y a plus de bain non plus, c’était une douche. J’en pleurais… »

La rampe d’accès dans le garage avait été remplacée par une rampe de 50 pieds derrière la maison.

« Selon leurs calculs, la pente dans le garage était trop abrupte. Mais ça, c’est si Katou contrôlait la chaise roulante, ce qui n’arrivera jamais. En France, il y a trois mesures pour les rampes. Ici, on ne tient pas compte des besoins réels. »

— Chantal Nicol

Cela sans compter le déneigement de la rampe de 50 pieds.

Ils ont envisagé l’option d’une plateforme élévatrice. « On en avait trouvé une usagée à 3000 $, mais avec le PAD, il faut que tout soit neuf. Finalement, ça nous coûtait 16 000 $ de plus pour avoir une subvention de 23 000 $. »

Pendant ce temps-là, Chantal et son mari continuaient à s’éreinter à monter leur fille à l’étage pour lui donner son bain. « Pour nous, la plateforme, ce n’est pas ça la priorité. Pour nous, c’est d’avoir une chambre pour elle au rez-de-chaussée et un bain qui monte à notre hauteur. »

Mais le PAD ne l’entendait pas comme ça.

« La semaine passée, on s’est assis, mon mari et moi, et on a pris la décision de laisser tomber le PAD. On était tannés d’attendre, toujours attendre. On est épuisés, mentalement et physiquement. Il y a deux semaines, pour la première fois, j’ai pensé à la possibilité de placer Katou, jamais je n’avais envisagé ça avant. »

Deux jours plus tard, les travaux ont commencé.

La facture devrait osciller autour de 45 000 $. « Et c’est mon chum qui fait le gros de la job. C’est ça que j’aurais voulu éviter. Si au moins on pouvait payer des gens pour lui donner un coup de main… Et il y a Katou à travers tout ça. »

Et leurs quatre autres enfants. « Ils sont plus vieux, mais ils sont toujours à la maison et ils ont besoin de nous. On a l’impression de ne pas leur en donner assez. »

Tout l’argent est utilisé pour les travaux.

Et il en manquera, autour de 15 000 $. « Je ne sais pas du tout ce qu’on va faire. Je n’ose même pas penser à ça, j’aime mieux ne pas envisager ça maintenant. Tout ce qui m’importe, c’est que les travaux sont commencés. Après trois ans, les travaux sont finalement commencés… »

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