Consommation

L’eau potable en cinq questions

En mars, une sortie publique de l’organisation écologiste Équiterre alertait la population au sujet de la présence d’un pesticide dangereux dans l’eau potable, l’atrazine. Le point en cinq questions.

Que trouve-t-on dans l’eau du robinet ?

Les méthodes de chimie analytique étant désormais très performantes, il est possible de trouver des traces de tout ce qui est utilisé en grande quantité dans notre société : médicaments, hormones, plastiques et pesticides. Des métaux lourds également, dont le plomb, des bactéries et des sous-produits de chlore utilisé dans le processus de désinfection.

Le mois dernier, Équiterre a alerté la population au sujet de la présence de résidus d’atrazine, un pesticide très utilisé depuis les années 60, dans l’eau potable. Les taux moyens de ce contaminant détectés par le scientifique Sébastien Sauvé (116 ng/l) sont inférieurs à la norme en vigueur ici (3500 ng/l), mais supérieurs à celle adoptée en Europe (100 ng/l), où l’atrazine est interdite depuis une douzaine d’années, mais encore détectée dans des cours d’eau [1 ng = 1 milliardième de gramme].

« Ce qu’on retrouve, c’est moins de 10 % de la norme elle-même pour bon nombre de pesticides, précise toutefois Denis Gauvin, conseiller scientifique à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) sur les dossiers de l’eau potable. Il faut mettre en perspective les risques qu’ils représentent pour la santé. »

Comment les eaux sont-elles traitées ?

L’eau brute est traitée en fonction de son niveau de contamination bactériologique (E. coli, coliformes fécaux et entérocoques) et chimique, ce qui englobe les contaminants naturels et ceux produits par les humains (pesticides, nitrates, hydrocarbures). Plus les analyses démontrent qu’une eau est dégradée, plus les exigences du traitement sont élevées, explique Denis Gauvin. Et plus la population desservie est importante, plus les échantillonnages sont fréquents.

Le plus grand risque à gérer pour l’eau potable est de nature microbiologique, selon Benoît Barbeau, titulaire de la Chaire industrielle CRSNG en eau potable, et c’est là qu’on investit d’abord en désinfectant l’eau. Pour ce faire, on utilise du chlore, dont il reste des sous-produits dans l’eau du robinet. Jusqu’à 100 fois plus que les pesticides.

« On accepte qu’il [...] reste [du chlore] dans l’eau, parce qu’on estime que les bénéfices surpassent de loin les risques pour la santé. »

— Benoît Barbeau, titulaire de la Chaire industrielle CRSNG en eau potable

L’eau peut ensuite être contaminée de nouveau dans le réseau de distribution, notamment par la présence de plomb dans la plomberie domestique, un métal lourd reconnu comme étant nuisible à la santé, en particulier pour les enfants et les fœtus.

L’eau du robinet est-elle bonne à boire ?

Réponse courte : oui. Plusieurs experts l’ont confirmé à La Presse. « Je bois l’eau du robinet. Souvent », dit Sébastien Sauvé, le chimiste qui a fait les analyses utilisées par Équiterre. Il ajoute cependant que, « par précaution », il a aussi une cruche de 18 litres à la maison. Il juge que, sur certains plans, on est dans une « zone grise ».

« Il y a une multitude de produits qui sont à des niveaux de traces dans l’eau, et la science n’a pas établi de seuil d’impact [sur la santé] pour quantité de ces produits. »

— Sébastien Sauvé, chimiste

« On ne peut jamais être sûr à 100 % », convient Denis Gauvin. Des pesticides ont été retrouvés dans un très faible nombre d’analyses (0,4 %, dit-il) et les quantités observées « respectent toutes les normes et se situent majoritairement à moins de 10 % de la norme ». L’enjeu des microcontaminants exige d’être envisagé de manière beaucoup plus globale et nuancée, estime Benoît Barbeau, qui déplore que l’accent ne soit mis que sur l’eau potable. « On est exposés par de multiples sources, entre autres la nourriture. Surtout pour les pesticides, notre exposition vient principalement des fruits et des légumes », dit-il. 

Nos normes sont-elles assez sévères ?

Benoit Barbeau assure que les normes québécoises en matière d’eau potable sont parmi les plus sévères au monde. Il existe différentes technologies qui permettraient d’enlever un peu plus de certains contaminants, selon Sébastien Sauvé, mais qui coûteraient plus cher. Le chercheur avoue ne pas se sentir rassuré par la norme canadienne au sujet de l’atrazine, mais ne plaide pas forcément pour l’adoption de la norme européenne. « Les deux sont probablement exagérées », dit-il. La nôtre, trop permissive et celle de l’Europe, trop restrictive. Il juge qu’il faut s’appuyer sur des critères basés sur le risque, qui tiendrait compte d’un principe de précaution. « Ça revient à une question de coût-bénéfice. Il n’y a pas que l’eau potable qui demande des fonds pour s’améliorer », dit Benoît Barbeau, qui n’est pas convaincu que c’est en investissant davantage dans l’eau potable qu’on va avoir le meilleur impact global sur la santé publique. « Il faut aller à la source », dit-il. Mieux traiter les eaux usées rejetées dans le fleuve, par exemple, qui deviennent ensuite une source d’eau potable.

Pourquoi boire de l’eau ?

Le corps est composé à 65 % d’eau. C’est plus encore pour le cerveau, qui en contient 76 %. L’eau contribue à l’ensemble des processus vitaux : elle sert entre autres à réguler la température corporelle, permet l’activité neurologique du cerveau et est nécessaire au transport des nutriments à travers le corps. Elle contient également des minéraux essentiels pour la santé. Puisqu’une partie de cette eau est éliminée continuellement, notamment à travers l’urine et la transpiration, il est vital de la renouveler tout au long de la journée par l’alimentation ou les boissons. Il est recommandé d’en consommer environ 3 litres chaque jour, dont 1,5 à 2 litres sous forme liquide. En boire à petites doses fréquentes permet d’éviter la déshydratation. L’eau est la meilleure de toutes les boissons, disent les nutritionnistes. Elle est neutre, sans sucre « et elle ne coûte rien », fait remarquer la nutritionniste Marie-Claude Paquette, aussi conseillère scientifique à l’INSPQ. « Ça devrait toujours être notre premier choix pour se désaltérer. »

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