politique

Alors que les libéraux observent avec attention les successeurs potentiels de Philippe Couillard, la CAQ réagit au sondage Ipsos-La Presse en disant s’attendre à ce que ses plus proches rivaux « se resaisissent » dans les prochains mois.

Analyse

Les libéraux réfléchissent à l’après-Couillard

Québec — Dans les officines libérales, beaucoup de gens ont porté attention à la façon dont le titulaire de l’Éducation, Sébastien Proulx, se débrouillait avec le verdict embarrassant de l’Institut du Québec sur le taux de décrochage au Québec.

Il ne faut pas croire que l’enjeu de la qualité de l’enseignement a subitement soulevé un intérêt inattendu chez les apparatchiks. Ils s’intéressaient plutôt à la façon dont l’ancien adéquiste se débrouillait devant l’adversité.

Il n’y a pas de fronde, de réunions secrètes en soirée. On ne voit pas non plus de prises de position pour challenger le chef. Ils s’en défendront avec la dernière énergie, mais bien des libéraux se surprennent à réfléchir à l’après-Couillard, advenant la défaite que lui prédisent les sondages ou une victoire à l’arraché qui l’amènerait à passer le relais.

La brochette des candidats potentiels fait vite consensus quand on observe les élus actuels sur les banquettes libérales. Un peu partout, les mêmes noms reviennent : Sébastien Proulx, Dominique Anglade, André Fortin et, bien sûr, Pierre Moreau. Qui représenterait le plus le renouveau d’un parti qui a régné pendant presque 15 années consécutives ? Qui a pu cultiver suffisamment d’appuis, de loyautés chez les militants ? Nouveauté et appuis, les principaux ingrédients des courses à la direction des partis n’ont pas changé.

On peut conjecturer sur l’arrivée d’un Alexandre Taillefer, après une défaite du PLQ aux prochaines élections. L’homme d’affaires est, dit-on, très déterminé à faire le saut. Des gens qu’il a pu rencontrer à Québec sont surpris du niveau de son intérêt pour le processus de décision au gouvernement. Mais sa décision est plus difficile à prédire que la chute d’un météore.

Sébastien Proulx a un défaut : il vient de l’ADQ. Il a aussi une qualité : il vient de l’ADQ ! Si la CAQ l’emporte, le courant de centre droit sera au goût du jour.

S’ils doivent remplacer Philippe Couillard, les militants – le choix du prochain chef se fera au suffrage universel – voudront probablement rompre avec le passé. C’est ce qu’ils ont fait quand ils ont préféré M. Couillard à MM. Moreau et Bachand qui représentaient davantage la continuité de l’ère Charest.

C’est aussi ce qu’ils ont fait il y a 50 ans quand ils ont préféré Robert Bourassa aux plus expérimentés Claude Wagner et Pierre Laporte. Renouveau encore avec Claude Ryan en 1978. Il a perdu les élections, et Robert Bourassa, qui avait su cultiver des loyautés, est revenu en selle – battant Daniel Johnson, associé à l’époque Ryan. Johnson n’a pas eu à livrer bataille – son adversaire évident, Gérald Tremblay, ayant déclaré forfait. Jean Charest n’avait pas d’adversaires non plus. Il a su, autant que Bourassa, développer un réseau de partisans indéfectibles.

On ne le surprendra pas à faire un geste équivoque, mais Sébastien Proulx se prépare, est très présent sur le terrain, se positionne, au cas où… Il a une jeune famille, mais il habite Québec, ce qui allège un peu le fardeau. Il aura un premier test le 1er octobre : il doit conserver sa circonscription de Jean-Talon qui risque d’être la seule à échapper au raz-de-marée caquiste qui se prépare à Québec.

Dominique Anglade a, comme Proulx, l’avantage de la nouveauté. On dit qu’elle jouit à l’avance de l’appui des communautés culturelles, des néo-Québécois qui pèsent lourd dans le membership au PLQ. Femme, issue des minorités visibles, sa candidature offre des avantages évidents. Des collègues ont senti qu’elle sondait ses appuis. L’ancienne présidente de la Coalition avenir Québec répond studieusement à l’Assemblée nationale, avec un sens certain de la répartie. On ne la reprendra pas à répéter que la vente de Rona était « une bonne affaire ».

Bien des militants libéraux observent aussi avec sympathie le jeune ministre des Transports, André Fortin. L’ex-employé de cabinet de Jean Lapierre circule depuis longtemps dans les cercles du PLQ. Les nostalgiques lui voient même une certaine ressemblance avec Robert Bourassa – longiligne et frêle. Aux Transports depuis un an, il a fait oublier les problèmes récurrents des Jacques Daoust et Laurent Lessard. En Chambre, il répond avec un aplomb étonnant, compte tenu de son parcours. Des gens qui le connaissent bien sont convaincus que, conscient de ses limites actuelles, il ne serait pas partant pour une course.

Le quatrième en lice, Pierre Moreau, est un aspirant évident. Sa victoire est probable dans Châteauguay. Son handicap ? Sa longue carrière, qui l’associe au régime Charest. Son avantage ? Sa longue carrière, qui lui a permis de nouer des amitiés solides, de cultiver des appuis au-delà des dossiers ponctuels. L’homme aux costumes trois-pièces est moins actif depuis un moment sur le parquet de l’Assemblée nationale. Son geste ambigu, au moment d’appuyer la tirade de Jacques Chagnon, « qu’on accuse ou qu’on s’excuse », en refroidit encore certains, six mois plus tard. En revanche, grâce à son portefeuille à l’Énergie, il sillonne les régions avec assiduité. À la différence des autres, le temps joue contre lui. Une course rapide après un gouvernement minoritaire l’avantagerait ; si les militants estiment avoir tout le temps devant eux, c’est une autre histoire.

Philippe Couillard n’a pas cultivé beaucoup de loyautés auprès des membres du PLQ. Avec sa personnalité plus introvertie, en dépit de sa profondeur indéniable, il n’allume pas les militants, ne suscite pas l’enthousiasme. S’il remporte les élections, il aura un laissez-passer. S’il ramène un gouvernement minoritaire, plus encore si le PLQ se retrouve dans l’opposition, les libéraux cesseront de réfléchir à l’après-Couillard… pour le préparer.

Sondage Ipsos-La Presse

La CAQ s'attend à ce que l'écart se resserre avec le PLQ

Québec — Si elle se maintient en tête des intentions de vote, la Coalition avenir Québec (CAQ) s’attend à ce que « ça se resserre au cours des prochains mois » avec les libéraux.

Jean-François Roberge, député caquiste de Chambly qui a été envoyé par son parti, hier, pour commenter entre autres les résultats du sondage Ipsos-La Presse, estime que ses adversaires « vont se ressaisir et qu’ils ne seront pas encore mauvais pendant cinq mois ».

« Je m’attends à ce que ça se resserre au cours des prochains mois. On a quand même des adversaires redoutables qui sont là depuis très longtemps. »

« Le Parti libéral est un parti qui a de l’histoire, […] ils vont se ressaisir, [mais] ça ne m’inquiète pas. »

— Jean-François Roberge, député de la CAQ

« J’ai du vécu, donc, dans une certaine mesure, c’est mon rôle de dire à tout le monde qu’il faut continuer à travailler fort, a pour sa part affirmé François Bonnardel, leader parlementaire caquiste. Je ne tiendrai jamais les libéraux pour battus, [ils] ont une base extrêmement solide. »

« Je pense [que la CAQ] a raison parce que je m’attends à ce que nous gagnions un gouvernement majoritaire », a ensuite répondu le ministre de la Santé Gaétan Barrette, prenant volontiers la balle au bond alors qu’il arrivait au caucus libéral.

Avantage CAQ

Dans le sondage Ipsos-La Presse publié hier, la CAQ se maintient en première position des intentions de vote au Québec avec 35 %, ce qui représente un point de pourcentage de plus qu’en février dernier. Plus récemment, la maison de sondage Léger plaçait la formation politique de François Legault en baisse, tombant de 39 % jusqu’à 34 % en avril.

De son côté, le Parti libéral obtient 32 % des intentions de vote (une augmentation de deux points depuis la dernière enquête, en février), alors que le Parti québécois glisse à 20 % (un recul de trois points). Québec solidaire, dont les trois sièges actuels sont situés à Montréal, récolte à nouveau 8 % des intentions de vote à l’échelle nationale.

« La situation de M. Legault est aussi bonne cinq mois avant les élections que celle de Denis Coderre cinq mois avant les élections à Montréal ou celle de Thomas Mulcair cinq mois avant l’élection à Ottawa. Ces deux personnages ont pris leur retraite politique, un fait de la radio et l’autre est retourné à l’université », a analysé hier le chef du Parti québécois, Jean-François Lisée.

« Je regarde ça et je me dis qu’il ne faut pas accorder trop d’importance à un sondage cinq mois avant l’élection. »

— Jean-François Lisée

François Gendron, député péquiste d’Abitibi-Ouest et doyen de l’Assemblée nationale, explique une partie des difficultés du PQ par la crise qui plombe le Bloc québécois à Ottawa.

« Il y a une corrélation entre la situation actuelle et les problèmes du Bloc. Nos frères de cause sont en difficulté, on va espérer qu’ils vont régler ça le plus vite possible », a-t-il dit.

Pour Gabriel Nadeau-Dubois, co-porte-parole de Québec solidaire, dont l’appui stagne à l’échelle nationale, « il y a des circonscriptions précises où [QS] va concentrer [ses] efforts et [le parti] est confiant de faire des gains ».

— Avec Martin Croteau, La Presse

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