Chronique

Les yeux sur Marc Bergevin

Pour un gestionnaire aguerri, la vie n’est pas un long fleuve tranquille.

Un défi relevé avec succès, un autre apparaît très vite. Et les attentes de toutes les parties prenantes – employés, analystes ou grands patrons – augmentent sans cesse. Dans un monde aussi concurrentiel, peu importe le secteur d’activités, se reposer sur ses lauriers n’est pas envisageable.

Le cas de Marc Bergevin illustre mon propos. L’étape initiale de son séjour aux commandes du Canadien est complétée. Il peut dire mission accomplie.

En moins de trois ans, le DG a stoppé l’hémorragie apparue sous les régimes précédents et revigoré l’organisation. Le Canadien va dans la bonne direction. Résultat, la confiance du public à son endroit est immense.

Mais comme un entrepreneur devant gérer la croissance inattendue de son entreprise, Bergevin affronte déjà un nouveau défi : déterminer la stratégie optimale pour la suite des choses.

Doit-il demeurer fidèle au plan d’origine, source du succès actuel, ou profiter d’une conjoncture favorable pour accélérer le développement ?

Pareille décision peut être déchirante. La liste des « plus » et des « moins » s’équilibre souvent. L’impact de chaque option sur l’avenir à court, à moyen et à long terme doit être mesuré.

À l’approche du 2 mars, date limite des transactions dans la LNH, Bergevin se retrouve dans cette situation. Doit-il ou non tenter un gros coup pour augmenter les chances du Canadien de remporter la Coupe Stanley ?

Faut-il céder des espoirs susceptibles de devenir d’excellents joueurs afin de renforcer l’équipe dès maintenant ? Est-ce logique de payer un prix élevé pour obtenir une pièce manquante au puzzle, comme un marqueur naturel ou un défenseur d’expérience ?

Juste pour le plaisir, analysons les deux côtés de la médaille.

***

1- OUI, BERGEVIN DOIT FONCER !

De bonnes raisons militent en faveur de ce scénario.

D’abord, l’absence de grands favoris dans l’Association de l’Est. La possibilité que le Canadien se retrouve en finale de la Coupe Stanley est réelle.

Le Lightning de Tampa Bay, les Red Wings de Detroit et les Penguins de Pittsburgh sont des adversaires redoutables. D’autres équipes pourront aussi mêler les cartes. Mais le Canadien a démontré sa valeur cette saison. Son classement est éloquent. Cette occasion se représentera-t-elle chaque printemps ? Pas sûr !

Ensuite, Carey Price connaît une saison formidable. Sa seule présence devant le filet est un atout psychologique en faveur du Canadien. Elle gonfle le moral de ses coéquipiers et diminue celui de leurs adversaires.

À peine une poignée de joueurs ont cet impact dans la LNH. Price est encore jeune et devrait poursuivre sur cette lancée. Mais peut-on être absolument certain qu’il demeurera si dominant ? Ne vaut-il pas mieux battre le fer pendant qu’il est chaud ?

Enfin, Michel Therrien a la gouvernail bien en main. Sous son leadership fort, les joueurs s’amusent, et l’ambiance est bonne. En séries éliminatoires, l’état d’esprit d’un club est essentiel au succès.

Bref, les perspectives du CH sont excellentes. À Bergevin de donner le dernier coup de pouce !

2- NON, BERGEVIN DOIT ÊTRE PATIENT !

De bonnes raisons appuient aussi ce raisonnement.

Au cœur des succès du Canadien, en plus de Price, on retrouve des joueurs en émergence : P.K. Subban, Max Pacioretty, Brendan Gallagher, Alex Galchenyuk…

Dans une saison ou deux, ils composeront un des meilleurs groupes de la LNH. Pourquoi brusquer les choses en cédant un espoir susceptible de venir les épauler ? Le temps joue en faveur du CH.

Ce n’est pas tout : la pièce manquante au puzzle se trouve peut-être déjà parmi la relève. À quoi bon l’hypothéquer ? Avec le recul, échanger Ryan McDonagh aux Rangers de New York en 2009 n’a pas été une idée géniale…

Ensuite, le CH joue très bien. Pourquoi altérer cette chimie ? Un nouveau joueur ne garantit pas le succès.

Tenez, l’an dernier, les Blues de St. Louis croyaient avoir réglé leur problème devant le filet en s’offrant à gros prix Ryan Miller. Ils ont été éliminés en première ronde.

Enfin, Bergevin ne doit pas déroger à son plan. Le Canadien veut être dans la course chaque saison, c’est le mandat fixé par Geoff Molson. Alors, mieux vaut ériger l’édifice brique par brique.

***

Entre ces deux pôles, il existe sûrement un espace où Bergevin peut agir en respectant le plafond salarial.

Car si le DG n’améliore pas l’équipe avant le 2 mars, les fans espérant une transaction ne seront peut-être pas les seuls déçus. Des joueurs pourraient aussi accuser le coup. Deux exemples me le font dire.

Ainsi, en mars dernier, Bergevin a donné une formidable dose d’adrénaline au Canadien en obtenant Thomas Vanek. Cette addition a galvanisé le groupe car elle envoyait un message fondamental : la direction croit en vos chances.

L’arrivée du gros attaquant a donné de l’énergie à l’équipe, qui a terminé la saison en force. Même si Vanek a déçu en séries, ne minimisons pas la portée de son acquisition. Si Bergevin ne complète pas d’échange cette année, le contraste avec 2014 sera majeur.

Au baseball, Alex Anthopoulos est demeuré inactif à la date limite des transactions l’été dernier. Le DG des Blue Jays de Toronto a été critiqué par deux vétérans, Jose Bautista et Casey Janssen. L’équipe s’est ensuite affaissée.

***

La date limite des transactions est le moment le plus délicat de la saison pour le DG d’une équipe qui a des ambitions.

Il sait que certains de ses plus chauds adversaires réaliseront un échange-clé, s‘améliorant ainsi sur-le-champ.

Il sait que les clubs « vendeurs » voudront lui extirper le maximum en échange du joueur convoité.

Il sait que son entraîneur-chef accepterait avec plaisir du renfort.

Mais il doit aussi penser aux prochaines saisons.

Tous les yeux sont tournés vers Marc Bergevin. Bien hâte de voir ses choix.

BOUCHARD ET LA BELGIQUE

Sans doute dans l’espoir de justifier sa regrettable absence aux matchs de la Coupe Fed le week-end dernier à Québec, Eugenie Bouchard a expliqué à son arrivée en Belgique l’importance de se présenter « assez tôt » à un tournoi lorsque possible.

La stratégie n’a pas fonctionné, puisqu’elle a perdu décisivement les deux derniers sets de son affrontement d’hier. Bouchard manquait manifestement de compétition. La Coupe Fed l’aurait pourtant aidée à retrouver le rythme des matchs avant d’aborder ce nouveau droit de la saison.

Un point positif de cette défaite : Bouchard aura du temps pour s’entraîner avec Sam Sumyk au cours des prochains jours.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.