Le tour de force de Marc-André

Syndrome du X fragile

Passer 30 minutes parfaitement immobile, seul, dans une machine à résonance magnétique assourdissante. Pour n’importe qui, il s’agit d’une expérience déroutante. Mais pour des patients atteints du X fragile, une déficience intellectuelle qui rend hyperactif, anxieux et sensible au bruit, c’est à peu près la définition du cauchemar parfait. C’est pourtant l’exploit qu’a accompli ce mois-ci Marc-André Lafontaine. Histoire d’un tour de force qui l’a rempli de fierté… et qui donnera un sérieux coup de pouce aux scientifiques qui veulent traiter son syndrome.

Le syndrome

Le X fragile est une forme de déficience mentale causée par un défaut sur le chromosome X. Même si elle est peu connue, elle touche 1 homme sur 4000 et 1 femme sur 6000. Anxiété sociale, difficultés d’apprentissage, hyperactivité : les symptômes sont très variables. Ils sont souvent plus marqués chez les garçons, qui n’ont qu’un chromosome X. Les filles, qui en ont deux, peuvent compenser avec celui qui fonctionne correctement. Environ un tiers des garçons touchés souffrent aussi d’autisme.

Notre rencontre avec Marc-André Lafontaine nous a convaincus que les patients atteints du syndrome ne sont pas tous dépourvus d’humour. Quelques jours avant notre rencontre, Marc-André avait visionné des films d’Astérix. « Chic, deux Romains pour moi ! », s’est-il exclamé d’une voix de stentor en apercevant le vidéaste et le journaliste de La Presse. Il a fait durer le jeu, parlant comme un personnage de film tout au long de nos discussions.

À 26 ans, Marc-André joue au hockey et au basketball et a déjà participé aux Olympiques spéciaux. Il occupe un emploi à Cultures à partager, à Boucherville, où il retire la couverture de livres endommagés destinés à être recyclés.

« Je coupe des livres et c’est très important », a-t-il expliqué à La Presse.

L’étude

Si Marc-André a passé 30 minutes immobile dans un appareil de résonance magnétique, ce n’est pas pour le plaisir. Il est l’un des 16 participants d’une étude menée par les professeurs-chercheurs François Corbin (également médecin biochimiste) et Jean-François Lepage, qui travaillent à la faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke et au Centre de recherche du CHUS.

Les chercheurs veulent tester une hypothèse étonnante : ils croient qu’un médicament contre l’acné, la minocycline, et un autre contre le cholestérol, la lovastatine, peuvent aider les patients atteints du X fragile s’ils sont pris ensemble.

« Le X fragile est causé par l’absence d’une protéine qu’on appelle FMRP. Notre objectif est d’essayer de remplacer cette protéine par des médicaments qui vont jouer le même rôle dans le cerveau et augmenter sa plasticité », explique le professeur Corbin.

En utilisant la résonance magnétique fonctionnelle, les chercheurs examinent le fonctionnement du cerveau des patients atteints de X fragile avant la prise de médication. Les participants prendront ensuite les deux médicaments pendant trois mois, puis reviendront passer le même test afin de voir s’il y a des changements dans le fonctionnement de leur cerveau.

« Ce qu’on pense, c’est qu’on va voir des changements significatifs dans l’activité cérébrale qui vont se traduire à long terme par une amélioration des comportements et des capacités d’apprentissage, dit le professeur Corbin. On ne veut pas traiter les symptômes, mais changer la trajectoire du X fragile afin d’améliorer l’autonomie des patients et alléger le fardeau des familles. »

L’importance

Les recherches effectuées par les professeurs Corbin et Lepage suscitent un grand intérêt parmi la communauté scientifique, selon ces derniers.

« Il y a beaucoup de monde qui regarde ce qu’on fait actuellement », dit le professeur Corbin.

C’est que le syndrome du X fragile est une déficience particulière : contrairement à l’autisme, par exemple, on connaît sa cause exacte, et on peut même le diagnostiquer avec une simple prise de sang.

« L’avantage que nous avons, c’est qu’on sait ce qui se passe, dit le professeur Corbin. Et si on réussit à traiter le X fragile, on peut penser que ça va fonctionner pour d’autres formes de déficience, comme l’autisme. »

Le secret

Quand les professeurs Corbin et Lepage ont proposé de faire passer des tests de résonance magnétique de 30 minutes aux patients atteints de X fragile, le moins qu’on puisse dire est qu’ils ont suscité l’incrédulité.

« Dans les congrès scientifiques, tout le monde nous disait qu’on allait se planter », raconte le professeur Corbin.

Une quinzaine de patients comme Marc-André, pourtant, participent actuellement à l’étude sans problème. Le secret ? Une minutieuse préparation des participants dans une salle qui recrée l’appareil de résonance magnétique.

Les chercheurs sont à la recherche de patients atteints du X fragile pour participer à leur étude. 

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.