Immobilier

Vers une nouvelle définition du courtage

Après des années de batailles contre DuProprio devant les tribunaux, l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ) espère remporter une victoire définitive à l’automne grâce à une loi plus restrictive.

L’OACIQ mise gros sur la révision de la Loi sur le courtage immobilier, annoncée en mars dernier par le ministre des Finances, qui devrait aboutir à un projet de loi d’ici quelques mois. La nouvelle législation devrait contenir une définition plus précise de la notion de courtage immobilier, qui pourrait du même coup encadrer les activités d’entreprises de vente sans intermédiaire comme DuProprio. Ou les empêcher de faire certains gestes.

« Actuellement, il y a de la confusion, et c’est ça qu’il faut clarifier », résume la nouvelle présidente et chef de la direction de l’OACIQ, Nadine Lindsay, dans sa première entrevue depuis son entrée en poste il y a trois mois.

L’avocate, qui a œuvré pendant plus de 20 ans dans le secteur financier avant d’aboutir à l’OACIQ, dit avoir eu « beaucoup de belles rencontres » avec les responsables du ministère des Finances au cours des derniers mois. La clarification de ce qui constituera – ou pas – un acte de courtage dans la nouvelle loi représente « la base de tout », selon elle.

« On veut une précision dans la simplicité, pas des grandes phrases qui ne veulent rien dire. L’important, c’est qu’on ait une définition qui va déterminer ce qui constitue une activité de courtage, de façon simple, qui pourra être comprise par tout un chacun. »

— Nadine Lindsay, présidente et chef de la direction de l’OACIQ

LONG COMBAT

Cela fait plus de six ans que l’OACIQ se bat sans trop de succès pour prouver que DuProprio exerce des activités de courtage de façon illégale. L’organisme a notamment été débouté par la Cour du Québec et la Cour supérieure.

L’OACIQ a poursuivi ses efforts avec une nouvelle requête en matière civile – plutôt que pénale – en 2013, que DuProprio a tenté de faire rejeter jusqu’en Cour suprême. L’issue de cette démarche devrait être connue au cours des prochains mois.

Qu’importe le résultat des procédures judiciaires toujours en cours, Nadine Lindsay insiste sur le fait qu’un flou persiste quant aux rôles et responsabilités des « entreprises d’assistance » comme DuProprio. L’OACIQ en a recensé une dizaine au Québec, qui offrent une panoplie de services allant de la prise de photos à la publicité en passant par les conseils juridiques.

« On reçoit des appels de consommateurs qui ont besoin d’aide dans des transactions qui ont mal tourné, et qui ont fait affaire avec des entreprises d’assistance, avance-t-elle. Malheureusement, on ne peut pas les assister parce qu’ils n’ont pas fait affaire avec un professionnel assujetti à l’OACIQ. »

CONFLIT D’INTÉRÊTS ?

L’OACIQ a pendant longtemps eu la double mission de représenter à la fois les intérêts des consommateurs et des courtiers immobiliers. Dans un rapport sur le courtage immobilier publié au printemps 2015, le ministère des Finances souligne d’ailleurs que l’OACIQ « est perçu, surtout par les courtiers eux-mêmes, comme un organisme de défense des intérêts commerciaux des courtiers et des agences ».

Nadine Lindsay est bien consciente de cette « confusion » persistante, même si la mission de l’OACIQ a été recentrée essentiellement autour de la défense des consommateurs au cours des dernières années. Les intérêts des 14 205 courtiers de la province sont plutôt représentés par la Fédération des chambres immobilières du Québec.

Mme Lindsay nie que les démarches entamées contre DuProprio – ainsi que les nombreuses rencontres avec le ministère des Finances – visent d’abord à protéger le chiffre d’affaires des courtiers. « Absolument pas », tranche-t-elle. Les courtiers ont réalisé des ventes totales de 20,2 milliards de dollars l’an dernier, en hausse de 7 % sur un an.

Quoi qu’il en soit, la dirigeante admet qu’un coup de barre devra être donné dans la gouvernance de l’OACIQ. Québec recommande que davantage de membres du conseil d’administration – ainsi que le président – soient nommés par le gouvernement, ce à quoi Nadine Lindsay montre une certaine ouverture. À l’heure actuelle, 10 des 13 sièges du C.A. sont occupés par des courtiers.

PAS COMME À VANCOUVER

La présidente de l’OACIQ plaide enfin pour le maintien de la formule d’autoréglementation de l’industrie immobilière en vigueur au Québec. Le gouvernement de la Colombie-Britannique a fait grand bruit en juin dernier en retirant à l’industrie le droit de se gérer seule, après la révélation de nombreux dérapages.

« C’est sûr que la situation de la Colombie-Britannique est totalement différente de celle du Québec, avance-t-elle. L’autoréglementation au Québec a fait ses preuves. Ça n’empêche pas qu’on a de l’amélioration à faire sur certains éléments, et on a la volonté d’améliorer le tout. »

QUÉBEC VEUT RÉFORMER LE SECTEUR FINANCIER

Le ministre des Finances du Québec, Carlos Leitao, a annoncé son intention de réformer le secteur financier lors du dépôt du budget provincial, en mars dernier. Sept lois – dont celles sur le courtage immobilier – seront révisées dans le cadre d’un projet de loi omnibus. Parmi les principales recommandations du gouvernement, on retrouve l’exclusion du courtage immobilier locatif des activités réservées aux courtiers, ainsi que le transfert de la supervision du courtage hypothécaire à l’Autorité des marchés financiers (AMF). La notion de courtage immobilier devra aussi être « clarifiée ». Québec espère pouvoir présenter ses modifications législatives à l’automne, a confirmé l’attachée de presse du ministre.

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