Une institution à moderniser
Le Mouvement Desjardins se prépare à faire des annonces importantes sur le plan technologique d’ici trois ou quatre mois. Ces annonces contribueront à moderniser l’organisation, fondée par Alphonse Desjardins il y a 116 ans, à un moment où l’innovation est fondamentale pour la coopérative de Lévis, comme elle l’est pour l’industrie des services financiers.
Les fintechs – ces entreprises qui appliquent les technologies à la finance traditionnelle (assurance, gestion d’actifs, etc.) – font de plus en plus de bruit, au point de constituer un enjeu qui pousse les institutions financières à ajuster leur modèle d’affaires.
De passage dans les bureaux de La Presse la semaine dernière pour une rencontre éditoriale, le grand patron du Mouvement Desjardins n’a pas voulu préciser la nature des projets technologiques qui seront bientôt dévoilés publiquement.
Guy Cormier a par contre souligné que l’organisation s’active, notamment, autour des robots-conseillers (projet-pilote avec Qtrade en Ontario) et de la chaîne de blocs (« blockchain »), un registre virtuel de transactions aux applications potentielles multiples.
Celui qui a succédé l’an passé à Monique Leroux à la tête de Desjardins affirme que l’organisation travaille aussi « très fort » sur la reconnaissance vocale pour ses centres d’appels.
« Lorsqu’une personne téléphone chez Desjardins, nous devons l’authentifier. On lui pose plusieurs questions [adresse, placements, etc.]. La personne veut juste exposer son problème. En téléphonant et en disant “Bonjour, je suis Guy Cormier”, la machine détectera par la voix si c’est bien Guy Cormier. »
Si le projet devient suffisamment concluant, il pourrait permettre d’améliorer le service à la clientèle. « C’est un exemple de biométrie et d’intelligence artificielle sur lequel on travaille », dit le gestionnaire de 47 ans.
Si Guy Cormier voit les fintechs comme une occasion d’affaires, il admet que Google, Apple, Facebook et Amazon l’empêchent parfois de dormir.
« Ces entreprises ont toute une machine. Elles sont menaçantes, car elles ont beaucoup de liquidités, une capacité d’agilité et de rapidité sur les marchés qui est très grande et elles ont accès à un grand réseau de consommateurs déjà existant. »
« Si Amazon et Facebook décident de se lancer dans le monde du paiement… », dit-il en laissant imaginer les conséquences qui pourraient en découler.
« C’est préoccupant, mais la bonne nouvelle, dit le diplômé de HEC Montréal, c’est que Desjardins est un partenaire d’Apple. » En octobre dernier, le Mouvement Desjardins est devenu la première institution financière québécoise à offrir à ses clients le service de paiement par appareil mobile Apple Pay.
Les nouveaux espaces financiers de Desjardins consacrés aux projets des jeunes dans plusieurs campus universitaires de la province offrent une vision de la succursale de demain du groupe. Ces espaces semblent d’ailleurs avoir été inspirés par une certaine entreprise de Cupertino, en Californie.
« Tu entres là et tu as l’impression d’entrer dans un Apple Store. Ce sont les points de service du futur, car ils marient technologie, modernisme et en même temps une présence humaine. »
— Guy Cormier
Ces espaces financiers occupent moins de pieds carrés que les succursales traditionnelles. On y trouve notamment un ou deux conseillers, un guichet et des tablettes.
Celui qui terminera au printemps sa première année complète à la direction de Desjardins précise que les espaces étudiants, aussi connus sous le nom de 360d, ont été réalisés en partenariat avec des fintechs de Montréal.
Guy Cormier rêve d’un Mouvement Desjardins plus simple. Plus moderne aussi. « Emmener Desjardins résolument dans le XXIe siècle », dit le père de quatre enfants âgés de 20 à 25 ans. Les défis à surmonter pour y arriver ne sont toutefois pas que technologiques.
« J’ai le privilège d’hériter d’un Mouvement Desjardins très solide financièrement, prospère et bien administré. Par contre, les efforts déployés pour en arriver là au cours des dernières années nous ont peut-être parfois distraits ou amenés à nous éloigner de nos membres », dit celui qui dirige une organisation dominante au Québec (40 % du marché hypothécaire), mais qui s’impose aussi à l’extérieur de la province. Desjardins est le troisième assureur de dommages en importance au pays et quatrième assureur-vie.
« En fin de compte, il faut être meilleur dans le service aux clients et devenir les champions de la proximité. »