Mois de l’archéologie
Morceaux d’histoires
La Presse
Montréal fêtera bientôt ses 375 ans. Son territoire a une histoire beaucoup plus ancienne, toutefois. Des traces d’occupation amérindienne font dire aux archéologues que certains secteurs de la ville sont fréquentés depuis environ 5000 ans par des populations autochtones.
« Le but du Mois de l’archéologie, c’est de faire prendre conscience aux gens du patrimoine qui se trouve sous leurs pieds », résume Yves Monette, archéologue et chercheur invité à l’Université de Montréal. Ce que l’archéologie révèle, selon lui, c’est le quotidien qui ne se trouve pas dans les archives, plans et autres documents écrits sur lesquels peuvent se baser les historiens.
« L’archéologie, c’est de l’histoire, mais matérielle. Les écrits, si on parle de la Nouvelle-France, parlent de l’élite. On retrouve des documents notariés et des archives judiciaires. Le peuple se trouve peu dans ces documents-là, précise-t-il. L’archéologie permet de toucher au quotidien des gens moins fortunés. »
Il y a beaucoup de simulations de fouilles parmi les activités du Mois de l’archéologie. Mais aussi de vraies, notamment dans l’est de la rue Saint-Paul, un endroit longtemps situé en marge du cœur de Montréal. C’est toutefois un site d’intérêt, selon Yves Monette, en ce qui a trait à la présence amérindienne.
« Vers ce qui est aujourd’hui le croisement des rues Notre-Dame et Berri, il y a déjà eu une butte naturelle, rasée depuis longtemps. Le fait de retrouver des vestiges d’occupation amérindienne dans ce secteur-là a soulevé des questions. On sait que, dans la vallée du Mississippi, les Mound Builders construisaient des tumulus et que ces constructions revêtaient une dimension sacrée, explique-t-il. On peut se demander si, à Montréal, cette butte avait une signification particulière pour les populations amérindiennes. »
Il fait aussi valoir l’intérêt que suscite le site de la Maison Nivard-De Saint-Dizier, dans l’arrondissement de Verdun, qui date de 1710. « Au XVIII
siècle, les marchands tiennent boutique rue Saint-Paul, mais on voit qu’ils se déplacent peu à peu vers l’ouest. Les Amérindiens arrivent en canot chaque été pour échanger des fourrures et on dirait qu’il y a des marchands qui voulaient les intercepter avant qu’ils ne se rendent à Montréal, où se tenait la foire commerciale.« Il y en a qui sont allés s’installer jusqu’à Senneville. C’était une stratégie marchande », poursuit-il. Les archéologues ne savent jamais à l’avance ce qu’un site, comme celui de la Maison Nivard- De Saint-Dizier, par exemple, va révéler. Yves Monette, spécialiste des poteries de l’époque française, assure toutefois que ses collègues rompus aux fouilles trouvent encore des pièces « en bon état », « fragmentées, mais souvent remontables ».
En plus de fragments de vaisselle ou de poterie, les chercheurs peuvent espérer tomber sur des objets de verre, des outils en pierre utilisés par les Amérindiens, de la quincaillerie, des pièces d’armement… Il s’agit d’un patrimoine fragile et « non renouvelable » auquel il croit qu’on doit prêter attention.
« Il y a des prises de conscience qui ont été faites, mais il y a encore beaucoup de travail à faire », juge l’archéologue. La démolition du village des Tanneries, sur le chantier de l’échangeur Turcot, l’automne dernier, montre selon lui qu’il y a encore beaucoup de sensibilisation à faire. Même en haut lieu.