Chronique

Subban, le dossier chaud
de Bergevin

Enfant, Francis Bouillon jouait au hockey dans les ruelles de son quartier. Comme tous ses camarades, il rêvait de remporter la Coupe Stanley. Le scénario était toujours le même, mais cela ne diminuait en rien l’enthousiasme du groupe d’amis.

« Tu scores un but, tu garroches tes gants et ton hockey en l’air, et tu brandis une poubelle comme si c’était la vraie Coupe ! », se rappelait Bouillon, jeudi, quelques heures avant le dernier match de la série entre les Rangers et le Canadien.

À ce moment, tous les espoirs étaient encore permis pour ses coéquipiers et lui. Le défenseur de 38 ans espérait tellement que l’aventure se poursuive ! Même s’il évolue dans la LNH depuis 1999, il s’agissait de sa première participation à une demi-finale. C’est dire combien il est difficile de se rendre si loin en séries éliminatoires.

« J’en apprécie chaque instant, expliquait Bouillon. Pour moi, c’est peut-être une dernière chance de remporter la Coupe. Ce serait l’fun que ça arrive. Surtout que j’ai toujours voulu la gagner avec le Canadien… »

Daniel Brière partageait les mêmes sentiments. Âgé de 36 ans, lui aussi a atteint l’étape de sa carrière où le temps file en accéléré. « Je suis prêt à tout pour obtenir la Coupe », disait-il après la victoire du Canadien sur les Bruins, conscient qu’il s’agissait peut-être de la dernière fois que les astres étaient si bien alignés dans sa carrière.

Une occasion perdue est en effet perdue à jamais. André Savard, l’ancien DG du Canadien, me racontait récemment combien il était venu près de remporter la Coupe à sa première saison dans la LNH, en 1973-1974. Mais son équipe, les Bruins de Boston, avait été éliminée en finale. Quarante ans plus tard, le rappel de ce douloureux printemps lui faisait encore mal. « Je n’ai jamais obtenu une autre chance… », disait-il.

À la fin du match de jeudi, Bouillon et Brière étaient déçus en se rendant au vestiaire pendant que les Rangers célébraient leur victoire.

Oui, ç’aurait été formidable que ces deux gars, qui représentent si bien le Québec dans la LNH, luttent jusqu’au bout pour le titre. Et que, pour reprendre l’image de Bouillon, ils scorent un but décisif, garrochent leurs gants et leur hockey dans les airs et brandissent la Coupe. Comme dans la ruelle lorsqu’ils étaient enfants.

Mais la fenêtre s’est refermée.

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Francis Bouillon sera-t-il de retour avec le Canadien la saison prochaine ? Et Andrei Markov ? Et Brian Gionta ? L’avenir d’autres joueurs, peut-être même celui de Daniel Brière, est aussi en suspens. Pour Marc Bergevin, l’homme qui devra trancher, les prochaines semaines seront très occupées.

Un des cas les plus intrigants est celui de Thomas Vanek. Le Canadien lui offrira-t-il un nouveau contrat ?
Souhaite-t-il lui-même poursuivre sa carrière à Montréal ? Comme l’impression que les deux parties ne montreront guère d’empressement à poursuivre leur association.

Cela dit, Bergevin doit éviter un piège : surévaluer ses effectifs en raison du beau parcours du CH en séries. L’administration précédente avait réagi ainsi, en 2011, après que l’équipe fut venue à un cheveu d’éliminer les Bruins de Boston en première ronde. Rappelez-vous :
la victoire s’était décidée au septième match, en prolongation, au TD Garden.

Sept semaines plus tard, lorsque les Bruins ont remporté la Coupe Stanley, le Canadien a erronément pensé qu'il détenait les outils pour lutter contre les meilleurs la saison suivante. Mauvais diagnostic : le Canadien a terminé au dernier rang de l’Association de l’Est !

Le sport professionnel est une grande roue qui tourne très vite. Les équipes doivent sans cesse définir leurs faiblesses et trouver les moyens de les combler. Sinon, elles sont doublées par des concurrents plus agressifs.

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Les dossiers prioritaires s’empileront vite sur le bureau de Bergevin. Mais aucun ne sera plus important que le renouvellement du contrat de P.K. Subban.

Ce printemps, le Canadien a subitement découvert que le numéro 76 n’était pas seulement un joueur avec « un beau potentiel », pour reprendre la désolante expression de Michel Therrien en janvier dernier.

Gagnant du trophée Norris en 2013, Subban a été, avec Carey Price, le pilier de l’équipe cette saison. Si Bergevin ne lui accorde pas un contrat à long terme, comme le font les autres équipes avec leurs joueurs-vedettes, il lui enverra un très mauvais message.

Bien sûr, la facture sera salée. La LNH prévoit une augmentation significative de ses revenus au cours des prochaines années, ce qui entraînera une hausse marquée du plafond salarial. Don Meehan, l’agent de Subban, prendra sûrement en compte cette inflation durant les pourparlers.

Le Canadien a tenu la ligne dure dans ses négociations avec Subban en janvier 2013. Au bout du compte, celui-ci a accepté un contrat de transition de deux ans. Mais cette fois, Subban est en position de force. L’organisation aurait tort de pousser l’affaire en arbitrage.

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Bergevin et ses conseillers devront aussi réfléchir au type d’équipe qu’ils veulent aligner la saison prochaine.

Les séries ont démontré que la rapidité était devenue un axe essentiel du succès. La victoire du Canadien aux dépens des Bruins s’explique en partie par un avantage sur le plan de la vitesse, tout comme celle des Rangers aux dépens du CH.

L'action ne manquera pas au cours des prochaines semaines. La saison des joueurs est terminée, mais celle de Marc Bergevin entre dans une phase déterminante pour la suite des choses.

QUEL IMPACT POUR LA LNH ?

La vente des Clippers de Los Angeles à Steven Ballmer pour 2 milliards touche indirectement la LNH. L’ancien PDG de Microsoft était en effet associé à Chris Hansen, l’investisseur qui souhaitait redonner à Seattle son équipe de la NBA.

Du coup, comme le rappelle ESPN.com, Hansen perd un partenaire aux poches profondes. En plus, cette transaction aura un impact à la hausse sur le prix demandé lorsqu’une autre équipe deviendra disponible. Cela risque de bouleverser le modèle financier de Hansen.

D’autre part, la NBA dit qu'elle n'envisage pas d’expansion. Cela signifie que le projet de construction d’un nouvel amphithéâtre à Seattle est retardé. Pas question pour la Ville d’aller de l’avant sans l’assurance d’obtenir une équipe.

La LNH rêve de s’implanter à Seattle. Mais sans nouvel édifice, le projet ne se concrétisera pas. Inévitablement, la suite des choses influera sur la réflexion de la LNH en vue d'une éventuelle expansion.

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