Le péril orange : Opinion

Les cônes orange font-ils peur aux touristes ?

Depuis près d’une décennie, de nombreux observateurs montréalais s’interrogent périodiquement sur les impacts négatifs que le festival des cônes orange aurait sur le tourisme. Les nouvelles sont bonnes à cet égard : nos problèmes de congestion ne font pas la une des quotidiens étrangers, et donc n’affectent pas a priori la perception qu’ont les voyageurs de la métropole.

En fait, en y regardant de plus près, Montréal ne fait même pas partie du top 10 mondial des villes les plus congestionnées, apparaissant seulement au 81e rang de l’indice de trafic de Tom Tom. Même à l’échelle nord-américaine, nous sommes bien loin de Los Angeles ou de San Francisco, et nous devons nous rabattre sur l’échelle canadienne pour apparaître bon troisième, loin derrière Vancouver et Toronto.

Est-ce à dire que tout va bien et que ces inquiétudes sont vaines ? Bien sûr que non.

Montréal est particulière, tant par son caractère insulaire que par le fait que les principaux contingents de touristes qui la visitent, les Ontariens et les Américains, arrivent à près des deux tiers par automobile.

Et bien souvent, les Américains goûteront à l’attente dès leur passage à la douane canadienne.

Si le trafic des heures de pointe constitue le lot commun des métropoles, Montréal se caractérise par une congestion quasi permanente et par de nombreux détours si abscons que même les Montréalais s’y perdent.

Et c’est là que le bât blesse, puisque nos pauvres touristes, qui tentent tant bien que mal de laisser leur automobile à l’hôtel ou à leur lieu d’hébergement, sont confondus par tous les détours et retards qu’ils se voient imposer.

Si la congestion routière ne dissuade pas d’emblée les touristes de choisir Montréal, on peut suspecter que la répétition des entraves et des embûches – puisque nous faisons face à cinq années de travaux routiers intensifs à venir – pourra assombrir partiellement l’expérience vécue à destination par les visiteurs. Le problème principal de Montréal, d’un point de vue touristique, tient au fait que les alternatives à la voiture proposées aux touristes reposent également sur l’utilisation de la route.

De l'aéroport au centre-ville, le chemin de croix

Pour aller ou revenir de l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau, il faut prendre soit l’auto, le taxi, la limousine ou encore l’autobus. Si lentement nous sommes en voie de régler les problématiques d’achalandage à la douane aéroportuaire, c’est désormais les taxis et les navettes qui font l’objet d’une trop longue attente.

Revenant récemment d’un voyage en France, en tout début d’après-midi un vendredi, quelle ne fut pas ma joie d’arriver le premier dans le grand hall des voyageurs, et d’être capable de passer prestement la douane ! Or, arrivé à la porte des taxis, j’ai découvert une file d’attente de plus d’une heure… Pourquoi ? Parce qu’avec la fermeture de la bretelle de l’autoroute 720, les taxis, limousines et navettes peinaient à se rendre au centre-ville déposer leurs clients, et encore plus à revenir à l’aéroport. Et passons sous silence le décor glauque qui s’offre aux touristes sur la route les menant au centre-ville… Tous ces délais et désagréments génèrent une fort mauvaise première impression à nos invités.

Au final, est-ce catastrophique pour le tourisme à Montréal ? Je ne le crois pas. Néanmoins, ce n’est pas une raison pour rester les bras croisés. Il faut prioritairement concrétiser – et rapidement – la mise en place de moyens de transport alternatifs (par exemple le réseau de train électrique de la Caisse de dépôt), qui mettront Montréal sur le même pied que les métropoles les plus performantes en matière de mobilité.

Des outils intelligents

Les initiatives de « ville intelligente » doivent aussi offrir des solutions efficaces et pertinentes pour les touristes qui se déplacent sur le territoire montréalais. À l’heure où ces derniers se baladent en permanence avec leur téléphone intelligent, il faut les doter des outils pour déjouer les cônes orange et les labyrinthes qui en découlent.

Être touriste, c’est être un invité, pour qui les repères sur le territoire sont souvent inexistants. Notre responsabilité comme hôte est de les accommoder pour qu’ils nous apprécient, reviennent et parlent positivement de Montréal, tant à leurs proches que sur les médias sociaux. Il ne s’agit pas ici d’un choix trivial, mais du simple bon sens économique : Tourisme Montréal estime à 2,9 milliards de dollars les dépenses des touristes dans la métropole en 2015.

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