Stratégies

Le secret du décollage d’Air Canada

Mener une entreprise, c'est avant tout une affaire de stratégie. Chaque vendredi, des dirigeants révèlent quelques éléments de leur plan d'action et de leur vision.

En à peine deux ans, l’action d’Air Canada a progressé de plus de 160 % et en grande partie grâce à ses efforts, le nombre de passagers à l’aéroport Montréal-Trudeau connaît des hausses historiques. Ces résultats impressionnants sont le fruit d’une stratégie axée sur le marché américain qui s’est mise en branle dès 2009.

« C’est à l’arrivée de [Calin] Rovinescu comme président que la stratégie a été décrite », se souvient Lucie Guillemette, vice-présidente générale et chef des affaires commerciales d’Air Canada.

C’était en 2009. Air Canada faisait face à une crise de liquidités, son régime de retraite avait un immense trou de 650 millions de dollars, elle devait renégocier quatre conventions collectives et son réseau s’était recroquevillé sur le Canada. Mais M. Rovinescu avait un plan.

« C’est là qu’on a commencé à comprendre quel était le cheminement et là que le désir d’augmenter notre présence internationale a vraiment commencé », affirme Mme Guillemette, qui était elle-même entrée à la haute direction un an plus tôt, après presque 20 ans au sein de l’entreprise.

limite à dépasser

Pour devenir un grand acteur et multiplier les liaisons internationales, Air Canada avait besoin de passagers. Et il y avait une limite au nombre que pouvait lui fournir le marché canadien.

« Pour toutes les liaisons internationales, on est dépendants des connexions en Amérique du Nord », résume Mark Galardo, vice-président à la planification du réseau.

L’entreprise a donc commencé à multiplier les liaisons transfrontalières avec les États-Unis, particulièrement avec les marchés un peu moins desservis par des liaisons directes avec l’Europe. À Montréal, cela a notamment mené à l’ajout de liens vers Denver, Dallas, Washington (Dulles), Houston, Philadelphie et, encore cette semaine, Baltimore et Pittsburgh.

« Ce qu’il y a d’unique à Montréal, c’est que c’est une ville francophone avec une démographie différente de Toronto ou Vancouver, qui permet d’atteindre des marchés francophones mondiaux comme Genève, Bruxelles, Lyon ou l’Afrique du Nord. »

— Mark Galardo

« Quand on regarde une ville comme New York, il y a beaucoup de capacité provenant de transporteurs américains ou européens fonctionnant sans escale », poursuit Mme Guillemette.

« Mais quand on regarde notre réseau transfrontalier, on opère dans 55 ou 56 destinations aux États-Unis et dans la majorité de ces marchés, on compétitionne également avec les transporteurs américains, qui opèrent eux aussi avec une escale. »

C’est donc des marchés américains « secondaires » que proviennent les nouveaux passagers d’Air Canada et, par extension, des trois grands aéroports canadiens. Mais aussi de certaines villes d’importance.

« Boston est très bien desservie par British Airways, Air France et Lufthansa, mais elle n’a pas de vols directs vers Genève, Bruxelles, Casablanca ou même Shanghai. Voilà pourquoi Montréal est efficace, souligne Mark Galardo. Même à Chicago, il n’y a pas de vols directs vers plusieurs villes de France ou d’Afrique du Nord. Il y a tout un potentiel. »

En 2016, Air Canada s’est hissée dans le top 20 des transporteurs actifs aux États-Unis pour les marchés transatlantiques et transpacifiques. Mais sa récolte, très importante à son échelle, représente moins de 1 % du marché.

« Il y a beaucoup de possibilités de grandir », constate M. Galardo.

Deux changements

Même si l’idée est née en 2009, ce n’est qu’en 2013 qu’elle a véritablement pu être mise en place. Il y avait les problèmes financiers à régler, mais aussi des avions à commander, ce qui s’accompagne inévitablement d’un délai.

Pour Mme Guillemette, deux grands événements ont permis la mise en place de la stratégie. Le premier est l’entrée en service du 787 de Boeing, que M. Galardo décrit comme un « game changer » pour le réseau international de l’entreprise.

« Il a permis notre expansion internationale de façon profitable », affirme Mme Guillemette.

Air Canada s’attend d’ailleurs à une autre petite révolution du genre avec l’entrée en service sur son réseau de la C Series de Bombardier, prévue vers la fin de 2019.

« Ça va nous permettre d’ouvrir de nouvelles routes, croit M. Galardo. Par exemple un Montréal-Seattle ou un Montréal-San Diego. Aujourd’hui, avec notre flotte d’Airbus A319, nous n’avons pas les coûts pour être rentables sur ce type de marché. Et l’Embraer 190 n’a pas le rayon d’action nécessaire. »

Le deuxième événement est la création en 2013 de la filiale Air Canada Rouge, dont la structure de coûts inférieure a elle aussi permis d’ajouter des destinations qui n’auraient pas été profitables autrement, notamment pour alimenter les vols internationaux en passagers, en plus de faciliter l’alternance annuelle entre les destinations d’été et d’hiver.

Air Canada en bref

Siège social : Montréal

Employés : 28 000

Revenus*

2013 : 9,49 milliards

2017 : 12,43 milliards (+ 31 %)

Bénéfice net*

2013 : 16 millions

2017 : 2049 millions

* Pour les neuf premiers mois de l’année

FORCES

– Un réseau avec trois plaques tournantes fortes

– Existence de la marque Rouge qui procure de la flexibilité

– Flotte jeune

FAIBLESSES

– Service à la clientèle à améliorer

– Taxes et frais aéroportuaires élevés au Canada

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