Opinion : santé

La fin des CLSC ?

La décision du Dr Barrette de transférer les ressources des CLSC aux médecins pratiquant en cabinet privé illustre une piètre connaissance de cette ressource.

Plusieurs, parmi les médecins qui n’ont pas eu à travailler dans un CLSC ou d’en utiliser les ressources, y voient un élément mineur du réseau ; un joueur qu’on tolère à peine, en marge du vrai « business » de la maladie. Si le passé est garant de l’avenir, il y a peut-être lieu d’y regarder de plus près avant de procéder à son démantèlement en s’appuyant sur des perceptions erronées.

Dès sa création, le réseau des CLSC a dû affronter le refus des médecins de s’associer à cette ressource publique de première ligne, complémentaire aux hôpitaux et basée sur l’approche multidisciplinaire. Avec l’accord du gouvernement, les médecins ont réagi en multipliant les cabinets privés à but lucratif. Leur fonctionnement, entièrement couvert par les fonds publics, était complètement autonome en matière d’offre de services.

Certains médecins ouverts d’esprit ont accepté de travailler en CLSC. Grâce à leur contribution associée à celle des autres professionnels, le Québec est devenu le leader canadien en matière de services à domicile.

Cette intervention permet le passage d’une personne malade de l’hôpital aux soins à domicile et selon les cas, vers les soins palliatifs. Ces étapes cruciales de l’existence sont vécues, grâce à eux, dans l’harmonie et le respect de la personne malade et de ses proches.

Ayant réalisé qu’elle ne pouvait y avoir accès à un médecin, en particulier les soirs et les week-ends, une grande partie de la population n’a jamais utilisé les services des CLSC et continue à engorger les urgences. Malheureusement, on a injustement associé cette absence de services médicaux à un manque d’efficience en gestion des CLSC. Il aurait été plus justifié d’en attribuer la responsabilité au refus des médecins de contribuer aux cliniques médicales avec ou sans rendez-vous dans l’établissement public de première ligne. Ce faisant, on a aussi occulté l’efficience avec laquelle étaient gérés les autres services du CLSC et tout particulièrement les services à domicile qui ont toujours été accessibles sept jours sur sept.

INFO-SANTÉ

Il est aussi important de rappeler que c’est par l’intermédiaire des CLSC qu’un grand nombre de pratiques novatrices et efficientes pour la première ligne ont été développées. Mentionnons les services téléphoniques Info-santé. Ils ont été dépréciés par le corps médical avant même leur mise en service, mais le public apprécie que les conseils dispensés par téléphone réduisent les déplacements injustifiés. Cette façon de faire contribue au désengorgement des cliniques d’urgence.

On doit aussi aux CLSC le développement des services de sages-femmes et la création de maisons de naissance. Au Québec, cette innovation – pourtant centenaire en Europe – a elle aussi été décriée par des médecins. Enfin, c’est d’abord en CLSC, après d’âpres discussions avec le ministère, que les qualifications et l’autonomie des infirmières bachelières ont été reconnues.

Même en faisant abstraction de l’augmentation des coûts liés à une gestion privée à but lucratif, la décision du ministre Gaétan Barrette de transférer ces ressources publiques aux GMF ou aux cabinets privés de médecins paraît singulière. Connaissant la personnalité collective des médecins qui souffrent d’une sévère résistance à la collégialité propre aux groupes interdisciplinaires, on peut douter du succès de cette initiative en matière d’amélioration de la qualité du service. À moins, bien sûr, de ne viser que le démantèlement de ce réseau public. Auquel cas, le succès de la méthode « doctorocentriste » du gouvernement actuel sera une réussite.

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