Stratégie Bonduelle

Confondre les sceptiques avec des oignons congelés

Bonduelle, connue au Québec pour sa marque Arctic Gardens, en convient comme vous : il y a trop d’eau dans les oignons, les poivrons et les champignons surgelés pour les griller convenablement.

Or, cet inconvénient sera bientôt chose du passé grâce au lancement d’une gamme de légumes unique au monde, obtenue au moyen d’un nouveau procédé breveté, inventé chez nous.

Avez-vous déjà tenté de faire caraméliser des oignons surgelés ? Le défi est pratiquement insurmontable. Normal, en gelant, l’eau contenue dans le légume en brise la structure cellulaire, ce qui lui fait perdre sa consistance originelle à tout jamais.

C’est précisément pour résoudre ce problème que Bonduelle a testé la déshydratation partielle des légumes par micro-ondes sous vide (MOSV). Ce procédé retire un pourcentage précis d’eau (entre 15 et 30 % selon la variété), avant la surgélation.

La technologie a été inventée en Colombie-Britannique, mais pour un autre usage. C’est l’équipe de Bonduelle au Québec qui a eu l’idée de l’essayer avec des légumes. Cinq ans de recherche et développement (R-D) ont été nécessaires pour peaufiner le processus, dont Bonduelle a acquis l’exclusivité mondiale.

Pour commercialiser le produit baptisé InFlavor, 5 millions de dollars ont été investis dans l’usine de Sainte-Martine, en Montérégie. Quelques clients industriels sont approvisionnés depuis février. Mais il faut encore augmenter la capacité de production pour desservir les consommateurs. Le lancement dans les épiceries est prévu pour la fin 2017 ou le début 2018.

Le défi du prix de détail

La gamme InFlavor suscite pas mal de scepticisme, admet le directeur général de Bonduelle Amériques, Daniel Vielfaure. « C’est normal ! Si je vous parle d’une tomate ou d’un concombre surgelé, a priori, vous n’y croirez pas ! » Eh oui, le procédé a été testé sur ces deux légumes-fruits et ça fonctionne.

Mais le plus grand défi de Bonduelle sera d’expliquer aux consommateurs pourquoi ses légumes « paraissent chers ».

« Si je prends un sac de 400 g de champignons et que j’enlève 25 % d’eau, il ne reste que 300 g dans le sac. Il y a le même nombre de champignons, mais le consommateur est habitué d’acheter au poids. »

— Daniel Vielfaure

Qui plus est, le sac sera plus cher que celui de 400 g traditionnels puisqu’il requiert un processus additionnel. Le dirigeant parle d’une « prime » pour des légumes « qui caramélisent plus vite que du frais et qui ne prennent pas en pain » dans le sac.

Les défis de la conserve

Daniel Vielfaure n’abandonne pas pour autant la bonne vieille boîte de conserve qui affiche des ventes stables (légumes en baisse, légumineuses en forte croissance). Il veut en exploiter le potentiel et « l’améliorer » car il s’agit d’un contenant qui inspire confiance. « Une conserve, c’est un coffre-fort. Quand on met de la qualité dans le contenant, le consommateur l’accepte. »

D’ailleurs, en France, Bonduelle fait un tabac avec ses légumes haut de gamme de marque Cassegrain, la plus populaire du pays. Légumes à la thaïe avec lait de coco et coriandre, tajine de carottes et olives avec miel et cumin… les mélanges sortent de l’ordinaire dans leur boîte rectangle qui s’ouvre d’un seul doigt et se vendent en ligne ! « L’ouverture facile, en Europe, c’est le standard », note M. Vielfaure, en soulignant que c’est l’une des améliorations à apporter ici.

Bonduelle Amériques n’a toutefois pas l’intention d’importer les conserves Cassegrain (vendues 3,65 €, environ 5 $), car elles seraient trop chères pour les Canadiens. « Produire localement serait la solution… »

Daniel Vielfaure veut aussi accroître la R-D dans le domaine des végétaux marins (algues), un secteur en pleine croissance duquel Bonduelle est encore absent. Et il demeure toujours à l’affût d’acquisitions. En outre, il aidera l’entreprise américaine Ready Pac Foods à vendre ses salades en bols individuels dans les supermarchés du Canada. Ce géant des légumes et fruits portionnés a été acquis par Bonduelle, en mars.

Beaucoup de projets, donc, pour profiter pleinement de la tendance de l’heure : manger davantage de légumes, au détriment de la viande. « Il y a beaucoup de croissance de consommation, mais encore plus de désir de croissance. Alors il faut rendre ça encore plus facile pour tout le monde. »

Forces

Actionnaire principal (famille Bonduelle, en France, qui détient 60 % des actions) qui pense à long terme

Culture d’innovation… malgré ses 160 ans !

Grande autonomie des dirigeants locaux, grâce à un modèle d’affaires décentralisé

Faiblesses

Bonduelle Amériques tarde à prendre sa place dans le créneau du légume frais. Mais l’acquisition le mois dernier de Ready Pac Foods aux États-Unis corrigera bientôt cette lacune

Ne possède pas les usines nécessaires pour bien desservir la côte ouest américaine en légumes surgelés

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