OPINION

L’industrie du vêtement à la croisée des chemins

Le secteur de la mode est bien vivant au Québec et le renouvellement d’une partie de ses acteurs est normal, voire souhaitable

Les deux dernières années ont été parmi les pires de l’histoire des détaillants de vêtements au Québec.

Des enseignes prestigieuses comme Mexx, Jacob, Parasuco et Smart Set ont fermé ou réduit fortement leurs activités. Beaucoup d’autres connaissent des difficultés importantes qui ont poussé certaines à se mettre à l’abri de leurs créanciers, comme Laura Canada.

Le secteur mode-habillement connaît au Québec, à l’instar d’autres régions du monde, des moments critiques qui suscitent des questionnements sur les raisons et les conséquences d’un tel bouleversement, particulièrement à Montréal, troisième métropole de fabrication de vêtements en Amérique du Nord.

Ces transformations ne datent pas d’hier, mais elles ont culminé avec l’ouverture presque totale des marchés, qui a fait perdre 47 % des emplois entre 2002 et 2006. L’an dernier, on a estimé que près de 300 points de vente et 1700 emplois étaient menacés dans la vente au détail à cause de la restructuration de certaines entreprises.

La combinaison de facteurs structurels, institutionnels, technologiques et concurrentiels fait que cette industrie se retrouve à la croisée des chemins.

L’abolition progressive des quotas (2005) et des tarifs (2012) sur les importations, l’arrivée massive de chaînes européennes et américaines extrêmement populaires et le développement fulgurant du commerce électronique ont contribué à changer de façon importante le paysage concurrentiel au Québec.

Une sorte de sélection naturelle s’est opérée à travers les années. De nombreuses entreprises (des détaillants et surtout des manufacturiers) n’ont pu répondre aux pressions concurrentielles auxquelles elles étaient soumises. D’autres, mieux structurées et plus ouvertes sur leur environnement, ont réussi à faire évoluer leur modèle d’affaires.

Aujourd’hui, la recette du succès doit combiner deux ingrédients critiques : cibler et connaître de façon approfondie le marché cible et lui offrir du service. Le service dans un sens large, en offrant au consommateur un ensemble d’éléments, souvent intangibles, qui permettent non seulement de répondre et de dépasser ses attentes, mais ultimement de créer un lien affectif avec une marque.

Des entreprises comme Löle, Second Denim, Sportives plus, Atelier B. constituent des exemples concrets de l’utilisation simultanée de ces deux ingrédients. Avec l’évolution et l’ouverture des marchés, les acteurs de notre industrie doivent choisir entre la production locale de masse et ce qu’ils doivent valoriser.

SPÉCIFICITÉ MONTRÉALAISE

Dans cette optique, Montréal a réussi depuis quelques années à développer des domaines d’expertise : 

La mode éthique : Montréal pullule de petites entreprises dans cette branche, encouragées par la valorisation des aspects environnementaux, sociaux et équitables d’une partie de la société.

La mode technologique : Montréal est en train de devenir un centre spécialisé dans les vêtements technologiques ou connectés comme le prouve la dernière collaboration entre Polo Ralph Lauren et l’entreprise montréalaise OMsignal.

Le commerce électronique : Des entreprises comme Frank & Oak, Beyond the rack et Ssense sont considérés comme des pionniers dans le domaine, non seulement au Canada, mais également aux États-Unis et autres marchés étrangers.

Le design : Il révèle une ville créative, ouverte et multiculturelle, qui a donné naissance à des griffes de renom qui sont reconnues internationalement pour la qualité de leur travail comme Rad Hourani ou Marie Saint Pierre.

Le secteur de la mode est donc bien vivant au Québec et le renouvellement d’une partie de ses acteurs est normal, voire souhaitable. La réussite et le dynamisme de ce secteur ne sont possibles que grâce à l’engagement et la coopération. La création de la grappe mode au printemps dernier offre à cet égard une structure intéressante pour le faire.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.