OPINION

Vers une médicalisation de l’activité sportive ?

Ainsi, les médecins québécois auront la possibilité de prescrire de l’activité physique à leurs patients.

Quelle bonne nouvelle ! Nous avons enfin pris collectivement conscience de l’importante d’intégrer l’activité physique dans nos vies ainsi que ses multiples bienfaits sur les plans physique, psychologique, social, voire de la performance scolaire ou au travail.

On devrait donc se réjouir ? Permettez-moi d’émettre quelques nuances et mises en contexte.

Je ne suis pas contre le sport. Je suis marathonien, je cours cinq jours par semaine et je fais des recherches dans le domaine de l’activité physique pour essayer de mieux comprendre son impact sur le plan psychosocial. Je suis donc a priori favorable à tout ce qui va dans le sens d’accroître et d’intégrer le sport dans ce qu’on pourrait appeler la banalité de la vie quotidienne. Cependant, j’exprime quelques bémols.

Il est vital que la pratique d’une activité physique ne soit pas imposée. En effet, la motivation à entreprendre une telle activité est, dans ce contexte, bien moindre et l’impact, assez mitigé. Il est nécessaire que la prescription ne soit pas imposée par le médecin, mais soit une demande du patient ou encore un pacte entre les deux.

Ensuite, pourquoi sont-ce les médecins qui devraient prescrire de l’activité physique ? Si, dans certains cas spécifiques, il est clair que cela incombe de leur responsabilité (reprise d’une activité à la suite d’une blessure physique importante ou encore de problèmes cardiaques), il m’apparaît que dans l’immense majorité des cas, ce n’est pas vraiment nécessaire.

Nous formons, dans nos universités, d’excellents professionnels – kinésiologues, physiothérapeutes, professionnels de l’activité physique, intervenants sociaux ayant recours au sport dans leur pratique – pouvant prendre cette responsabilité. Pourquoi ne pas leur faire confiance ?

D’un point de vue plus philosophique et moins pragmatique, nous mettons tout simplement une nouvelle activité sociale quotidienne dans les mains de la médecine. Ce processus est appelé la médicalisation ; celle du sport en l’occurrence.

BIEN UTILISER L’ACTIVITÉ PHYSIQUE

Il est important de nuancer les effets bénéfiques du sport. On entend souvent que l’activité physique, pratiquée modérément, est positive tant sur le plan physique que psychologique. Ceci est généralement vrai pour la santé physique, sauf en cas de surentraînement, qui peut entraîner des risques de dopage sportif ou encore de violence.

Cependant, la littérature scientifique actuelle est ambiguë sur le plan psychosocial. Lorsque les programmes sportifs sont évalués sérieusement, on remarque, par exemple, qu’ils peuvent être positifs pour les jeunes. Une augmentation de la confiance en soi, une diminution des troubles dépressifs ainsi que le développement des habiletés psychosociales ont notamment été remarqués. Toutefois, certains aspects négatifs ont aussi été notés, comme l’accroissement des actes délinquants et des gestes violents.

Il est donc important, dans ce contexte, d’essayer de comprendre les modalités faisant que la pratique sportive est parfois un outil pertinent sur le plan psychosocial et, à d’autres moments, un instrument possiblement néfaste. Le sport doit obéir à certaines règles et modalités pour être bénéfique sur tous les plans. Cet équilibre est difficile à obtenir.

Je reste cependant très enthousiaste à l’idée de redonner à l’activité physique sa place légitime dans nos vies trop sédentaires, même si je ne suis pas assuré que la médicaliser soit une bonne façon d’y parvenir.

Chose certaine, il faudra s’assurer que le contenu des programmes sportifs soit toujours conçu dans le but d’avoir un impact positif à la fois sur les plans physique, social et psychologique. Le sport n’est pas une panacée. Si l’activité physique peut devenir un merveilleux outil de promotion de la santé, et ce, à moindre coût, il faut néanmoins savoir bien l’utiliser.

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