Opinion  Éducation

« El renouvo pedagogico »

Vous connaissez la chanson El Niño de Plume Latraverse ? À la suite du déluge médiatique à propos de la réforme en éducation, je me suis surpris à fredonner l’air en remplaçant le titre original par « El Renouveau ». Est-ce que l’explication de l’état actuel du système d’éducation au Québec est attribuable à cette réforme ? J’en doute. Pour ma part, je m’inquiète davantage de l’éducation à deux vitesses. En parallèle à cette réforme, c’est toute la marchandisation de l’école qui s’est fortement implantée depuis 10 ans. Dans une perspective de l’approche client, l’école publique a fait le choix de multiplier les projets pédagogiques particuliers.

À cet effet, le Conseil supérieur de l’éducation a publié un avis au printemps 2007. À cette époque, il mettait en garde le ministre de l’Éducation contre les risques de dérive du choix de la diversification. Voici quatre extraits de cet avis prophétique : 

L’exclusion de certains jeunes : la sélection et l’étiquetage des élèves se font de plus en plus tôt dans le cursus scolaire, soit dès le primaire, et les exigences sont de plus en plus élevées. La sélection des élèves se fait sur la base des résultats scolaires ou en fonction des revenus des parents.

L’écrémage de la classe ordinaire : en retirant les élèves plus performants des classes ordinaires, on prive les autres élèves d’un effectif souvent mieux adapté à l’école. Les résultats des recherches sur les modes de regroupement des élèves convergent sur ce point : les regroupements hétérogènes d’élèves n’affectent pas la progression des élèves plus performants sur le plan scolaire, mais ils exercent une influence positive sur les élèves plus faibles (Dupriez, 2004).

La répartition inégale du poids de l’intégration des élèves handicapés ou des élèves en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage : en raison de l’absence des élèves « performants sur le plan scolaire », le poids de l’intégration des élèves handicapés ou des élèves en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage repose entièrement sur les élèves de la classe ordinaire.

L’iniquité dans la tâche d’enseignement : le personnel enseignant des classes ordinaires voit sa tâche s’alourdir et il se crée une discrimination au sein même du personnel enseignant.

Certains enseignent à des élèves performants et motivés, alors que d’autres se retrouvent avec plus d’élèves en difficulté ou à risque et des ressources insuffisantes pour répondre à leurs besoins.

Aujourd’hui, il est facile d’affirmer que ces risques de dérive sont chose faite. 

C’est donc toute la philosophie de notre système éducatif qu’il faut revoir. On oublie souvent que l’école a une triple mission : instruire, socialiser et qualifier. Dans l’optique d’améliorer notre système d’éducation, il serait également souhaitable de discourir de l’impact du pourcentage très élevé d’élèves au privé, de l’incapacité de la Commission de révision des programmes à formuler des recommandations quant au financement des écoles privées, de la définition de la réussite, de la supposée décentralisation des pouvoirs vers les écoles, de l’intégration à outrance des élèves ayant des difficultés, etc.

À titre d’enseignant, j’ai une vision de ce que devrait être l’éducation au Québec. Par contre, j’attends toujours celle de mon ministre. Quel sera le fameux remède administré par mon médecin de famille ? J’ignore pourquoi, mais je crois que l’école ne guérira pas de sitôt. Pour reprendre une expression populaire : ensemble, on règle rarement les vraies affaires.

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