LGBT

Encore difficile de sortir du placard au travail

Plus de 10 ans après la légalisation du mariage entre conjoints de même sexe, un très grand nombre de lesbiennes, de gais, de bisexuels et de transgenres (LGBT) préfèrent encore rester dans le placard au travail.

Quelque 34 % des répondants LGBT à un sondage, qui sera publié aujourd’hui et qui a été mené le mois dernier, ont indiqué n’avoir jamais révélé leur orientation ou leur identité sexuelle à leurs collègues. À cela s’ajoutent 23 % des répondants qui ont dit avoir « en quelque sorte » dévoilé leur secret. Seuls 43 % des répondants ont soutenu être complètement sortis du placard au travail.

Pourquoi cette discrétion ? Dans 77 % des cas, les répondants jugent que leur orientation ou leur identité sexuelle ne regarde pas leurs collègues. Les autres raisons invoquées sont la crainte de créer un environnement de travail inamical, voire hostile (22 %), le fait que parents et amis ne sont pas au courant (16 %), la crainte de répercussions professionnelles négatives (14 %), des préoccupations de sécurité (10 %) et l’incertitude quant à sa propre identité sexuelle (10 %).

Le sondage a été mené par la firme MARU/VCR&C pour le compte de Telus. L’échantillon de 814 répondants comportait au moins 407 personnes LGBT.

Quelque 30 % des personnes LGBT sondées ont confié avoir déjà été témoins ou victimes de gestes ou de paroles discriminatoires, voire de harcèlement.

L’enquête confirme que la situation est particulièrement difficile pour les personnes transgenres. Alors que 75 % des répondants (membres ou non de la communauté LGBT) estiment que leur milieu de travail est « sécuritaire et inclusif » pour les gais, lesbiennes et bisexuels, seulement 56 % d’entre eux sont du même avis pour ce qui est des transgenres. À peine 47 % des répondants croient que les transgenres sont susceptibles d’être promus à des postes de direction, contre 69 % pour ce qui est des gais, lesbiennes et bisexuels.

PAS SURPRISE

Martine Roy, membre du conseil d’administration de l’organisme Fierté au travail Canada, n’est malheureusement pas surprise par les constats du sondage.

« C’est une réalité qui est particulièrement présente chez les lesbiennes, affirme-t-elle au cours d’un entretien téléphonique avec La Presse. Elles se disent : “Comme femme, j’ai déjà assez de misère.” »

Or, même des jeunes qui ont grandi avec le mariage gai préfèrent taire leur orientation ou leur identité sexuelle au travail.

« Il y a des milléniaux qui craignent la réaction de leur patron ou qui sont gênés d’aborder la question avec leurs coéquipiers. Il y en a beaucoup qui restent prisonniers de leurs peurs. »

— Martine Roy, membre du conseil d’administration de Fierté au travail Canada

« D’autres ne veulent tout simplement pas avoir à refaire un autre coming out après celui qu’ils ont fait auprès de leur famille et de leurs amis », ajoute Mme Roy.

S’affirmer comme membre de la communauté LGBT est plus difficile dans des milieux comme la construction ou les usines, constate Mme Roy, qui est directrice de comptes chez IBM. En revanche, des entreprises de secteurs comme les services financiers ou les télécommunications rivalisent entre elles pour ce qui est de l’ouverture à l’égard des LGBT.

Martine Roy se réjouit que 77 entreprises soient désormais membres de Fierté au travail Canada, alors qu’il n’y en avait qu’une poignée lors de la fondation de l’organisme, en 2008. Elle se désole toutefois de la sous-représentation de Québec inc. À peine six entreprises et institutions québécoises font partie du regroupement, dont Desjardins, la Banque Nationale et l’Université Laval. « Où sont Bombardier, Gaz Métro, Hydro-Québec et la SAQ ? », demande la militante.

Celle-ci reconnaît que plusieurs entreprises ne savent pas comment s’y prendre pour devenir plus accueillantes à l’endroit des personnes LGBT. « Les responsables des ressources humaines ne doivent pas hésiter à demander de l’aide à des entreprises qui ont plus d’expérience dans le domaine », dit Martine Roy, tout en encourageant les membres de sa communauté à sortir de leur placard professionnel.

« Si je suis compétente, mes collègues ne m’aimeront pas moins parce que je leur dis que je suis une personne LGBT », souligne-t-elle.

Chez Telus, les employés LGBT peuvent compter sur un groupe de ressources baptisé Spectrum, qui compte plus de 1100 membres. C’est environ 4 % des 27 100 salariés canadiens de l’entreprise.

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