Opinion

Pour une (vraie) réforme de l’accès à l’information

Par un vendredi après-midi ensoleillé, juste avant la relâche parlementaire estivale, le gouvernement Trudeau a présenté son projet tant attendu de réforme sur l’accès à l’information, une loi vieille de 34 ans. Avec le dépôt du projet de loi C-58, il s’est permis de cocher une promesse de plus sur sa liste des engagements réalisés.

C-58 est une amélioration par rapport au système existant. Les libéraux ont aussi laissé entendre qu’il s’agissait d’un premier pas, que d’autres changements pourraient suivre. Mais pourquoi attendre ?

Quiconque examine C-58 à la veille de la reprise des travaux parlementaires le 18 septembre constate que le projet libéral n’est pas à la hauteur des promesses de 2015. Comme le notait le Centre for Law and Democracy, ce qui frappe davantage avec C-58, c’est « ce qu’il omet de faire ».

Examinons ces promesses en commençant par celles que le projet de loi semble respecter. Pensons d’abord aux pouvoirs accrus accordés au commissaire à l’information. Le projet de loi C-58 lui donne finalement le pouvoir d’ordonner aux ministères et organisations fédérales de divulguer de l’information.

Les libéraux ont aussi promis d’éliminer les frais associés à une demande d’accès, à l’exception des 5 $ initiaux. Ils ont tenu parole avant même de présenter le projet de loi.

Des occasions ratées

Cependant, le projet de loi permet toujours au gouvernement de refuser de divulguer de l’information sous prétexte qu’il s’agit d’un document confidentiel du Cabinet. En vertu de la loi, ni le commissaire ni la Cour fédérale ne peuvent vérifier si cette classification est justifiée. C-58 consacre le statu quo à cet égard.

C-58 accorderait toutefois au commissaire le pouvoir d’examiner les dossiers que le gouvernement estimerait protégés par le secret professionnel entre un avocat et son client (section 23). Cela était devenu urgent à la suite d’une décision de la Cour suprême du Canada rendue l’an dernier et qui conclut que ce privilège ne peut être abrogé que si la loi le permet de façon explicite.

Les libéraux avaient par ailleurs promis de soumettre le Bureau du premier ministre (BPM) et les cabinets ministériels à la Loi. C-58 ne permet rien de tel. Il maintient là encore le statu quo.

En fait, dans un geste que la BC Freedom of Information and Privacy Association qualifie « d’étrange changement de pure forme », le BPM et les cabinets ministériels seront tenus de divulguer de façon proactive certaines informations, comme les dépenses de voyage et de contrats. Le gouvernement prétend respecter ainsi sa promesse, mais la réalité est que les Canadiens ne pourront toujours pas faire de demandes d’accès pour de l’information détenue par le BPM et les cabinets ministériels. Cela est pourtant possible dans plusieurs provinces.

Les libéraux s’étaient aussi engagés à amender la loi pour que le gouvernement soit « ouvert par défaut ». C-58 l’évoque, mais donne aux ministères et organismes soumis à la loi le pouvoir d’ignorer des demandes qu’ils jugent « frivoles ou vexatoires ». Cette mesure est mise de l’avant sans préavis ni justification alors qu’il s’agit d’un pouvoir que ne devraient pas avoir des ministères et des organisations qui ont tout intérêt à en faire une interprétation très large. Il doit être retiré du projet de loi.

Engagements dilués

Finalement, la révision quinquennale de la loi, promise en 2015, se retrouve dans C-58, mais n’est pas assortie d’une obligation de résultat. Le risque est grand, comme avec d’autres lois, de voir cet examen glisser entre les craques.

D’autres lois, comme celle sur les banques, prévoient une clause crépusculaire si un tel examen est escamoté. La Loi sur l’accès à l’information doit jouir du même statut.

Il était tristement prévisible qu’une fois au pouvoir, les libéraux trouveraient des raisons pour diluer leurs engagements et pour mettre certaines informations à l’abri de la Loi, des informations qu’ils avaient promis de rendre accessibles au public.

Dans les lettres de mandat remises par le premier ministre Justin Trudeau au président du Conseil du Trésor, Scott Brison, et à la ministre des Institutions démocratiques, Karina Gould, il disait qu’il était « temps de sortir le gouvernement de l’ombre pour que celui-ci soit réellement au service de la population ».

Ce temps est venu. Le projet de loi C-58 laisse trop de zones d’ombre. Les Canadiens méritent une loi qui correspond aux aspirations de 2015. De même que le gouvernement.

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