À BIEN Y PENSER

Indépendants ou pas ?

La rémunération des médecins est une préoccupation récurrente. La question fondamentale qu’il faut poser : sont-ils des travailleurs indépendants ? Ils ont un seul payeur ; sur le plan fiscal, ils sont les seuls contribuables à bénéficier de ce statut, tout employé autonome avec un seul payeur étant considéré employé. Il est grand temps de réévaluer leur statut.

— Claude Leblanc Montréal

RÉPLIQUE RÉMUNÉRATION DES MÉDECINS

L’échec de l’État avant tout

L’auteur réagit au texte « Les salaires des médecins, l’échec de l’État », publié lundi

Pour un ex-fonctionnaire de carrière au ministère de la Santé, qui souhaite visiblement se mêler au débat actuel entre les médecins de famille et le ministre de la Santé, le titre de la lettre ouverte de Daniel Poirier est un bien mauvais début puisque les médecins au Québec ne touchent pas un salaire, mais bien un revenu annuel. Ce sont des travailleurs autonomes comme les pharmaciens et les dentistes.

Ainsi, chacune des cliniques médicales au Québec est une entité privée qui crée des emplois et qui participe à l’activité économique. Chacune des cliniques est une PME dans laquelle les médecins doivent investir une part importante de leur revenu pour payer un loyer, du personnel et de l’équipement, entre autres frais d’exploitation. En Ontario, on chiffre cette activité à plus de 5,5 milliards et on indique qu’elle crée 100 000 emplois.

Cette réalité est la même dans toutes les provinces canadiennes, le Québec y compris. À l’exception que l’État, au Québec, est beaucoup trop présent dans les cliniques médicales par toutes sortes de formes de réglementation et de législation. Donc, si M. Poirier souhaite écrire sur l’augmentation des revenus, il faudrait à la base parler des vraies affaires.

Ces précisions faites, il y a de quoi rester dubitatif devant le peu d’analyses et de nuances de M. Poirier. Voyons un peu pourquoi.

D’abord, il mentionne que le nombre de médecins était au Québec de 14 501 en 2000 et que ce nombre a augmenté à 18 455 en 2013. Il oublie cependant de préciser qu’en 2000, le nombre de médecins de famille et de médecins spécialistes était identique, soit 7 250 médecins pour chacune des deux fédérations de médecins au Québec. Il y avait donc autant de généralistes que de spécialistes en 2000.

Avions-nous autant de problèmes d’accès en première ligne à l’époque ? Je ne crois pas. On devait donc être près d’un ratio idéal en fonction des besoins de la population, non ? Surtout qu’encore aujourd’hui, dans le reste du Canada, il y a davantage de médecins généralistes que de spécialistes. En Colombie-Britannique, par exemple, province dont le système de santé est souvent cité en exemple, le ratio est aujourd’hui de 55 % de médecins généralistes et de 45 % de spécialistes.

Pourtant, au Québec, en 2013, en l’espace d’une décennie, en raison de la gestion déficiente des effectifs et des savantes projections de l’équipe de M. Poirier à la direction de la main-d’œuvre médicale du ministère de la Santé, le nombre de médecins de famille était de 8 720 et de spécialistes, de 9 735.

On est donc passé, sous le leadership de M. Poirier, d’un nombre équivalent de généralistes et de spécialistes, en 2000, à un avantage numérique de 1000 médecins spécialistes aujourd’hui ! Quel manque de vision et quel échec lamentable en termes de gestion des effectifs médicaux, c’est le moins que l’on puisse dire.

Dans ce contexte, tous conviendront qu’il est pathétique que le principal bureaucrate derrière cet échec, soit Daniel Poirier lui-même, profite de sa retraite anticipée pour faire des analyses bâclées plutôt que de faire son mea-culpa sur sa propre responsabilité dans les difficultés d’accès aux soins de première ligne rencontrées aujourd’hui par nos concitoyens.

Une telle introspection aurait le mérite, en plus, de lui permettre d’éviter de dire n’importe quoi au sujet de la productivité des médecins de famille qui, si on tient compte des nouvelles nomenclatures en place et de la multiplication des patients vulnérables, n’est pas à la baisse du tout, mais plutôt légèrement en hausse.

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