La Ferme de la Vallée verte

Le yaourt n’est pas toujours pareil… et c’est normal

Chaque semaine cet été, Marie-Claude Lortie nous présente une entreprise innovante dans le secteur de l’agroalimentaire au Québec. Cette semaine, elle nous parle de la Ferme de la Vallée verte.

Pourquoi cette entreprise ?

Depuis 2014, la Ferme de la Vallée verte, une entreprise de Saint-Jean-de-Matha installée dans un de ces jolis rangs bucoliques à mort de Lanaudière, est arrivée graduellement sur le marché des épiceries fines, granos et des fromageries, avec plusieurs produits laitiers uniques dans leur catégorie. Ils sont en effet préparés avec du lait absolument entier, pasteurisé à basse température et, surtout, non homogénéisé. L’innovation de cette entreprise, c’est d’avoir eu le courage et le pif nécessaire pour aller de l’avant et remettre sur le marché, avec succès, des produits réellement traditionnels, mais on ne peut plus au goût du jour. Les frères David et Samuel Gadoury, qui ont repris la ferme ancestrale de leur père Richard, dans la famille depuis 1912, ont senti que le marché était prêt pour leurs yaourts et leurs laits avec une couche de crème sur le dessus – et le goût de terroir que cela marque – et ils se sont lancés, un commerce à la fois, en commençant par la boutique sur leur propriété.

Les produits

La Ferme de la Vallée verte met en marché uniquement des produits laitiers transformés à partir du lait de la ferme familiale. Parfois, on appelle la Ferme pour dire que le lait ou le yaourt n’est pas toujours pareil d’une fois à l’autre. C’est normal. Ce n’est pas industriel. Les saisons changent, les vaches varient leur alimentation, leur production. « Il y a toute une éducation à faire là-dessus », note David Gadoury, responsable de la production laitière. La ferme a déjà été certifiée biologique. Actuellement, la certification n’est pas en vigueur, pour des raisons administratives, explique David. Il se peut qu’il relance le processus, dit-il. Parce que toutes les méthodes de production prônées par le bio sont déjà en place.

Les vaches sont en liberté à l’intérieur d’une grange ouverte, elles sont traites à la demande par des robots non intrusifs, elles mangent du foin naturel renforcé à la luzerne, au mil et au maïs d’ensilage, elles ne prennent ni antibiotique ni hormone pour la reproduction. Les Gadoury ont éliminé OGM, engrais chimiques et pesticides de leurs champs… Bref, les produits laitiers sont naturels, écologiques. Il y a des yaourts, du lait en bouteille, du lait au chocolat, des fromages. Et tout cela est emballé avec des pots de verre récupérable et un étiquetage authentiquement artisanal – dessiné par une amie et par maman Gadoury – qui renforcent l’identité non industrielle des produits. On peut maintenant trouver ces laitages dans 180 points de vente au Québec.

Les gens

La ferme est sous la direction de David pour la production laitière, alors que Samuel s’occupe des champs, de la transformation et de la gestion. Richard, le père des deux hommes, est aussi au boulot. Il y a aussi sept employés. Le fils de 17 ans de David, Yohan, a en outre commencé à travailler à la ferme.

Les défis

Au départ, la ferme Guillaume-Tell était uniquement une ferme de subsistance pour la famille Gadoury. Les ancêtres des exploitants actuels n’allaient même pas au marché chercher des liquidités. Tranquillement, c’est la vente du bois qui s’est imposée comme source de revenus familiale. Puis, en 1996, alors que David Gadoury avait à peine 18 ans, il a décidé de faire le saut et d’acheter des quotas pour produire du lait de façon industrielle. Bonjour les dettes. Avec l’aide de la Financière agricole Desjardins, il a acheté pour 150 000 $, puis 300 000 $ en droits de production. Et il s’est lancé dans la grande production, avec l’herbicide Roundup dans les champs, le maïs OGM, les hormones de reproduction pour stimuler les vaches, les antibiotiques et tutti quanti. « Mais j’ai commencé à faire de l’argent quand j’ai commencé à retirer tout ça », explique-t-il. C’est arrivé environ sept ans plus tard. Parce qu’au lieu d’augmenter la productivité, ces méthodes coûtaient une fortune et causaient des problèmes. Les vaches étaient malades, avortaient, développaient de la résistance aux antibiotiques, etc. « C’est un cercle vicieux », dit David. « Et maintenant, c’est tellement plus agréable. » Mais les vaches produisent 27 ou 28 L de lait par jour, contre 30 avant. Et la ferme compte 60 vaches en lactation, au cœur d’un troupeau de 150 têtes si on inclut les bébés, les jeunes, les vaches taries. Pour augmenter leurs revenus, les Gadoury ont donc décidé de transformer leur lait.

L’avenir

David Gadoury a plusieurs projets. Obtenir de nouveau l’accréditation bio, ouvrir l’étable pour que les vaches puissent aller librement au pâturage, poursuivre la croissance de la distribution des produits laitiers de la Vallée verte. L'entreprise ne fait pas de marketing, mais la demande augmente sans cesse. Elle reçoit les appels. Survivant de la maladie de Lyme, père de trois enfants, David Gadoury est lui-même un consommateur de produits bios et naturels – même s’il va très peu à l’épicerie. Il croit que la demande va et doit augmenter pour ce type de produits et il compte sur les consommateurs pour demander que ces produits locaux, naturels, socialement, écologiquement et économiquement cohérents soient demandés. Il espère que l’Union des producteurs agricoles, « qui travaille pour nous mais ne fait pas vraiment de place à la relève et aux jeunes innovateurs », comprendra cela et aidera réellement les petits à participer à cette réponse à la demande des consommateurs. « Comme c’est là, si vous saviez le nombre de fermiers artisans qui feraient plus d’argent s’ils étaient sur l’aide sociale… » Ce sont ces gens-là, dit-il, qui portent le renouveau sur leurs épaules.

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