Ultra-marathon

138 kilomètres sous la chaleur des tropiques

Des Québécois tenteront de traverser la Martinique au pas de course.

Martinique — Sur le coup de minuit, ce soir, le Montréalais Mathieu Blanchard va s’élancer à l’assaut de la montagne Pelée, dans le nord de la Martinique.

Comme un peu plus de 200 athlètes, il va tenter la traversée complète de l’île au pas de course, dans une chaleur intense, en franchissant des bananeraies, des champs de canne à sucre et en longeant les plus belles plages de sable blanc du monde.

Le jeune ingénieur en énergie thermique est l’invité de la huitième édition de la TransMartinique, qui bat son plein et qui accueille dans la douceur des tropiques environ 800 athlètes tous parcours confondus, surtout locaux ou de la France hexagonale. Les organisateurs ont repéré les succès du jeune athlète de 30 ans tout au long de l’année, et lui ont offert le dossard, l’avion et l’hébergement.

Mathieu Blanchard, qui est d’origine française, mais qui vit et travaille à Montréal depuis quatre ans, vient conclure dans les Antilles une saison de course en sentier extraordinaire.

« Une année comme ça, c’est juste fou. Je n’en referai pas d’autres comme celle-là ! », dit-il en soupirant, et pour cause. Celui qui n’avait jamais couru en trail avant l’an dernier et qui, surtout, n’avait jamais fait d’ultras, a enchaîné une quinzaine de courses au cours de l’année, avec des victoires à la clé, des podiums ou, à tout le moins, des classements fort enviables.

Cette année seulement, celui qui a fait son dernier marathon en 2 h 32 min est arrivé premier au 80 km de Bear Mountain, au Trans Vallée X ainsi qu’à de plus petites courses. Il a remporté, en binôme avec l’athlète Marianne Hogan, la course TransAlpine, soit 270 km en sept jours, avec 16 000 mètres de dénivelé à gravir, de l’Allemagne à l’Italie en passant par l’Autriche et la Suisse.

C’est peu dire qu’à la TransMartinique, il est parmi les favoris. Et Blanchard pourrait surprendre.

« Je suis en pleine forme ! Je ne suis pas fatigué. Je n’ai aucune blessure. J’ai une énergie comme j’en ai rarement eu », dit-il, assis sur la terrasse de la grande villa coloniale luxueuse que lui fournit l’organisation, et qu’il partage avec une dizaine d’amis québécois qui participent aussi à l’une des trois courses du week-end.

« J’aime prendre la tête en début de course et imposer le rythme, dit-il. Ça me stresse de ne pas être dans le groupe de tête. Ce qui me stimule, c’est de mener la course et de contrôler ce qui se passe. »

« C’est le seul truc qui me fait peur »

Pour arriver au bout des 138 km de l’épreuve, au cours de laquelle il faut monter et descendre plus de 5000 mètres de dénivelé positif, Mathieu Blanchard devra franchir de nuit le mythique volcan de la montagne Pelée et affronter la jungle tropicale de la partie nord de l’île.

Au petit matin, il entrera dans la zone centrale, en passant à travers les champs de bananiers et de canne à sucre à perte de vue. « C’est le seul truc qui me fait peur », confie Blanchard, à moins de 24 heures du départ. À cet endroit, la chaleur va monter vite. Il fait en ce moment au-dessus de 30 degrés le jour dans les îles des Antilles.

Pour parer aux coups de chaleur, Blanchard s’est cousu, lui-même, des foulards qu’il remplira de glace dans les points de ravitaillement et qu’il s’enroulera autour du cou et sur la tête.

Le dernier tiers de la course s’effectue au long de la côte de la partie sud de la Martinique, la plus touristique, là où les plages de sable blanc et les palmiers penchés au-dessus des vagues abondent. Sur le plat pendant une trentaine de kilomètres, cette portion arrache un dernier effort aux athlètes qui arrivent au fil d’arrivée, pour les meilleurs, entre 16 h et 17 h.

Il est possible que tout n’aille pas comme sur des roulettes pour Blanchard, puisque dans un ultra, on ne peut rien prévoir. Les montagnes presque verticales, fort glissantes à cause des pluies aussi intenses que courtes des derniers jours, seront à prendre avec précaution.

Souvenirs d'enfance

Mais peu importe le résultat : Mathieu Blanchard est ici pour célébrer ses 30 ans, qu’il a eus il y a quelques jours, par un retour aux racines qui le rend très émotif. En effet, il y a 30 ans, ses parents vivaient en Guadeloupe, l’île juste à côté, dont le climat et la nature sont identiques à ceux de la Martinique.

« Il y a des odeurs que j’ai senties quand j’étais petit, je les reconnais. Les odeurs d’acras, de poulet boucane, des fruits. Je vois les couleurs des fleurs, le rose-rouge des bougainvilliers, ça me fait du bien, dit Blanchard. Ça va me donner un “power” incroyable le jour de la course ! Je vais avoir un avantage par rapport aux autres Européens. »

Pour l’occasion, sa mère Caty et son frère Thomas ont fait le voyage de la France métropolitaine. Une façon de célébrer avec du « ti-punch », des ananas et des grillades de langoustes les retrouvailles, le 30e anniversaire, Noël, et la conclusion d’une année sportive couronnée de succès.

« Gagner cette course, ce serait un beau cadeau d’anniversaire », conclut Blanchard. C’est un cadeau que personne, toutefois, ne va lui donner. Il devra aller le chercher lui-même, au sommet des volcans et à travers l’humidité de la jungle.

Les conséquences de l’ouragan Maria

L’organisation a eu une petite frayeur en septembre, lorsque l’ouragan Maria est passé au large de l’île. Il y a eu des dégâts dans le Nord, ce qui a forcé les organisateurs à déplacer le point de départ de la course, à cause des arbres tombés dans les sentiers et des glissements de terrain.

Huit Québécois au départ

Huit athlètes québécois prennent le départ de la plus longue course du week-end, la TransMartinique, qui fait 138 km avec 5000 mètres de dénivelé positif. Quelques conjointes participent au Défi bleu, un ultra plus abordable qui emprunte les 58 derniers kilomètres de l’épreuve.

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