Bonification des régimes de pensions

Huit provinces s’entendent, mais sans Québec

OTTAWA – Alors que huit provinces se sont entendues hier pour bonifier de façon importante le Régime de pensions du Canada (RPC), le Québec se retrouve exclu de cette entente, ayant vu sa proposition rejetée par Ottawa et l’Ontario. Québec ne s’est pas entendu avec le groupe des huit provinces, car il ne voulait pas d’une hausse de cotisations pour les personnes gagnant moins de 25 000 $ par an.

Québec apportera au Régime de rentes du Québec (RRQ) plusieurs modifications identiques à celles de l’entente du groupe des huit provinces. Le taux de cotisation au RRQ passerait ainsi de 10,8 % actuellement (5,4 % pour l’employé et 5,4 % pour l’employeur) à 13 % (6,5 % pour l’employé, 6,5 % pour l’employeur) en 2025. Mais Québec tenait absolument à ce qu’Ottawa bonifie le Supplément de revenu garanti – un programme fédéral – de façon à ce que les Québécois gagnant moins de 25 000 $ ne subissent pas de hausses de cotisations au RRQ. La proposition de Québec n’a pas été retenue.

« Je ne suis pas enthousiaste, mais je ne suis pas surpris non plus, a dit le ministre des Finances du Québec, Carlos Leitao, en entrevue à La Presse. À la fin de la journée, nous avons été capables de protéger les Québécois à plus bas revenu. À notre avis, ce n’était vraiment pas approprié que les cotisations additionnelles commencent tout de suite [pour les personnes] avec les revenus plus bas et les PME. »

Le ministre fédéral des Finances Bill Morneau estime que ce « jour historique » fera « une différence réelle dans la vie de nos enfants ». « Nous allons améliorer la retraite pour les prochaines générations de Canadiens », a-t-il dit en conférence de presse à Vancouver au terme de la réunion des ministres des Finances du pays. L’entente entre les huit provinces s’appliquera uniquement dans ces provinces, graduellement à partir de 2019 et de façon complète en 2025. Le Québec et le Manitoba, les deux provinces qui n’ont pas signé l’entente, pourront faire leurs propres changements.

Le ministre Leitao n’est « pas nécessairement déçu » du résultat des négociations, mais admet que c’est « dommage ». « Beaucoup de mes collègues [ministres provinciaux des Finances] ont trouvé notre solution intéressante », a-t-il affirmé, indiquant que sa proposition n’avait pas reçu l’appui du gouvernement fédéral et de l’Ontario.

HAUSSE « MODESTE, CIBLÉE ET GRADUELLE »

Le gouvernement Couillard est d’accord sur le principe d’une « hausse modeste, ciblée et graduelle » des régimes de retraite financés par les employés et les employeurs (le Régime de rentes du Québec au Québec, le Régime de pensions du Canada dans les autres provinces). « Ces éléments-là se trouvent dans l’entente. La différence, c’était de faire attention aux personnes avec un revenu inférieur à 25 000 $. Pour ces personnes à bas revenu, les revenus additionnels [du régime de pension] vont être annulés par une réduction du Supplément de revenu garanti. C’est pourquoi nous n’endossons pas [ce plan] », a précisé le ministre Leitao.

Pour éponger le choc, Ottawa a accepté de hausser la Prestation fiscale fédérale pour le revenu de travail et d’offrir une déduction d’impôt pour certaines cotisations. Une offre insatisfaisante pour le ministre Leitao, qui la qualifie de « patente un peu complexe » et aurait préféré la bonification du Supplément du revenu garanti, une solution « beaucoup plus simple et efficace ».

Le Conseil du patronat du Québec s’est dit « inquiet des nouvelles orientations pour le Régime de pensions du Canada et de ses impacts sur l’économie canadienne », tout en précisant qu’il « apprécie la prudence du gouvernement du Québec » dans ce dossier.

DE 25 % À 33 %

Ottawa a réussi à obtenir un nombre suffisant de provinces (huit provinces représentant 50 % de la population, alors qu’il en fallait sept) pour faire adopter les changements au régime. Sans une entente, l’Ontario voulait établir son propre régime de pension dès l’an prochain. L’Ontario a indiqué hier qu’il abandonnera son projet si l’entente est ratifiée comme prévu par les huit provinces. Le ministre Morneau a d’ailleurs souligné hier « le leadership » de l’Ontario dans ce dossier.

L’entente des huit provinces prévoit que les cotisants recevront 33 % de leur revenu cotisable jusqu’à un revenu cotisable de 82 700 $, au lieu de 25 % de leur revenu cotisable de 54 900 $ comme c’est le cas actuellement. Les cotisations augmenteront en conséquence (au Québec, elles sont payées moitié-moitié par l’employé et l’employeur).

Le gouvernement Couillard a l’intention de proposer les mêmes modifications que l’entente des huit provinces (33 % du revenu cotisable jusqu’à 80 000 $ au lieu de 25 % du revenu cotisable jusqu’à 54 900 $), mais à une importante exception près : il n’y aura pas de changements pour la tranche de revenus inférieure à 27 500 $ (cette tranche de revenus sera à 35 000 $ lorsque les modifications entreront pleinement en vigueur en 2025). Résultat : les cotisations des Québécois augmenteront et leur régime de retraite sera bonifié en conséquence (de 25 % à 33 %) seulement dans la tranche entre 27 500 $ et 80 000 $ de revenu cotisable. Le gouvernement Couillard fera à l’automne des consultations sur les modifications proposées. Québec envisage de prendre le même échéancier que l’entente des huit provinces (changements graduels de 2019 à 2025).

Selon ce scénario envisagé par Québec, il y aurait une « hausse modeste » de 2,2 % de taux de cotisation à partir du seuil de revenu de 27 500 $ (ce seuil sera de 35 000 $ en 2025 quand le régime entrera pleinement en vigueur). Après ce seuil, le taux de cotisation passerait de 10,8 % (taux actuel, soit 5,4 % pour l’employé et 5,4 % pour l’employeur) à 13 % (6,5 % pour l’employé, 6,5 % pour l’employeur) en 2025.

Québec examinera aussi la possibilité de bonifier les revenus de retraite des personnes gagnant moins de 25 000 $, ce que le gouvernement Trudeau a refusé de faire hier. « Pour l’instant, [Ottawa] n’était pas intéressé à ça, mais on va continuer de leur parler », a dit le ministre Leitao.

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