Grand Prix cycliste de Montréal

« Une super belle victoire »

Le Belge Greg Van Avermaet coiffe ses rivaux dans le sprint final et triomphe pour la deuxième fois sur le mont Royal.

Van Avermaet avait gardé un dernier uppercut

Michael Woods a offert le meilleur résumé du sprint final, le comparant au 12e round d’un combat de boxe, où des belligérants exténués envoient de faibles coups. Un champion poids lourd s’était quand même gardé un dernier uppercut.

Greg Van Avermaet a passé le K.-O. à tous ses rivaux en les débordant à 100 mètres de la ligne pour remporter le Grand Prix cycliste de Montréal, hier après-midi. Le Belge au casque d’or a signé son deuxième succès sur le mont Royal après celui de 2016, dans la foulée de son titre aux Jeux olympiques de Rio.

« J’ai eu plusieurs top 10 et podiums cette année, mais jamais une grande victoire dans une course WorldTour », a rappelé Van Avermaet, troisième l’an dernier sur le même parcours, comme à Québec vendredi.

« Je suis super heureux d’accomplir ça cette année. Heureux pour l’équipe, heureux pour les commanditaires, mais aussi spécialement heureux pour moi ! »

— Greg Van Avermaet

Le représentant de l’équipe CCC s’est montré le plus patient dans le dernier tour, marqué par les attaques du jeune Benoît Cosnefroy (17e) et du numéro un mondial Julian Alaphilippe (13e), coureurs français qui ont uni leurs efforts jusqu’à 200 mètres de la ligne, avant qu’un vent de face ne les condamne.

« Je savais que ce serait serré pour revenir sur Alaphilippe », a expliqué Van Avermaet, qui a devancé l’Italien Diego Ulissi et l’Espagnol Iván García.

« Tout a bien fonctionné à la fin. J’ai essayé de rattraper [Tim] Wellens dans la dernière montée [de Polytechnique], mais c’était toujours étiré avec de petits écarts. Heureusement, on est tous regroupés. Je sais que le final est bon pour moi et que j’ai un bon sprint après une course difficile comme ça. J’ai pu suivre la roue d’Ulissi et sortir à 100 mètres. C’est une super belle victoire. »

Échappée

Bonifié de deux tours pour son 10e anniversaire, pour une distance totale de 219,6 km, le Grand Prix a donné lieu à une longue échappée des Canadiens Nickolas Zukowsky, Charles-Étienne Chrétien, Ryan Anderson et Matteo Dal-Cin, ainsi que du champion israélien Guy Sagiv.

L’avance du quintette a culminé à plus de 10 minutes avant de fondre graduellement sous l’impulsion des Bora de Peter Sagan, des Bahrein-Merida de García et surtout des Sunweb de Michael Matthews, le gagnant de Québec et tenant du titre, un peu juste hier (19e à 50 secondes).

Zukowsky a été le dernier rescapé, repris après avoir roulé 190 km en tête. Le champion canadien des moins de 23 ans a résisté juste assez longtemps pour arracher le prix du meilleur grimpeur au bout d’un vaillant effort (voir autre onglet).

Derrière, la course s’est animée avec une accélération tranchante de Remco Evenepoel, coéquipier d’Alaphilippe chez Quick-Step, en haut de la voie Camillien-Houde. Le jeune prodige belge de 19 ans s’est réessayé un tour plus tard dans la descente de Remembrance, mais une crevaison l’a condamné quelques kilomètres plus loin.

Le Français Nans Peters (AG2R La Mondiale) s’est détaché dans la dernière ascension de Camillien-Houde, où Woods s’est aussi montré le bout du nez, comme l’Italien Vincenzo Nibali, rare gagnant des trois grands tours.

Mais c’est Cosnefroy (AG2R), ancien champion mondial espoir, et Alaphilippe, 14 jours en jaune au dernier Tour de France, qui ont fait durer le suspense. Leur réunion sur le boulevard du Mont-Royal, à trois kilomètres du but, a fait rugir le public massé près de l’arrivée.

Cosnefroy a tout donné, au risque de se faire sauter sur la ligne par son célèbre compatriote, pédalant même assis sur sa barre horizontale pour chercher un maximum d’aérodynamisme. Mais quand il s’est retourné pour demander un ultime relais à Alaphilippe (13e) avec le finish en vue, celui-ci n’en avait simplement plus la force.

« J’aurais rêvé d’un doublé français »

Déçu, Cosnefroy (17e) a tapé son guidon. « Même si on n’est pas de la même équipe, j’aurais bien rêvé d’un doublé français ici à Montréal avec Julian, on avait fait le plus beau, s’est-il désolé. On a ce lien français, et je connais Julian de longue date. Ç’aurait été joli de faire 1 et 2 ici. »

Après avoir profité du travail de chasse de son éternel rival Sagan (18e), Van Avermaet a été le plus malin – et le plus fort ! – dans le faux plat ultime. Ulissi était satisfait de décrocher un troisième podium à Montréal après sa victoire en 2017 et sa troisième place l’année précédente.

En tenant compte du résultat à Québec vendredi, Iván García, 23 ans, est le seul nouvel invité sur le podium des classiques québécoises.

Seul Canadien dans ce groupe de 18 coureurs, Woods a fini huitième, se reprochant une erreur de positionnement dans le dernier virage en épingle.

« J’ai essayé d’attaquer dans Camillien-Houde, mais à cause du vent de face, c’était un peu trop dur d’éviter le retour du peloton, a expliqué le médaillé de bronze des derniers Mondiaux. C’était mon but d’être un protagoniste dans la course. Même si je n’ai pas été capable de gagner, c’était une occasion pour moi de montrer que j’avais les jambes et que les Canadiens peuvent bien courir. »

À lui d’aiguiser son punch pour les Championnats du monde dans deux semaines en Angleterre, où Van Avermaet sera sans doute encore en plein centre du ring.

Nickolas Zukowsky

Porté par tous les siens

Quand son coéquipier Charles-Étienne Chrétien s’est écarté au pied de la côte de la Polytechnique, Nickolas Zukowsky s’est retrouvé seul en tête du Grand Prix cycliste de Montréal, hier après-midi.

Le jeune coureur de 21 ans n’avait alors plus qu’un seul but : se rendre jusqu’au sommet de Camillien-Houde pour décrocher les points qui pourraient lui valoir le titre du meilleur grimpeur. Après 180 kilomètres à rouler devant et une quarantaine de secondes d’avance, il ne savait pas comme il y parviendrait.

« Là, j’ai passé devant toute ma famille et j’ai fait : OK, il faut que je me rende ! J’ai vraiment tout donné… »

Zukowsky s’essuyait le visage en racontant sa journée à Serge Arsenault. Le président du GP était venu lui demander comment il avait vécu cette première épreuve de 220 kilomètres. « Tu ne veux pas trop y penser pendant la course parce que tu ne le sais pas [comment tu vas réagir]. On s’accrochait. Rendu à six heures… »

Roi de la montagne

Porté par les siens, Zukowsky a résisté au retour de ses poursuivants, des champions de renom comme Sep Vanmarcke et Daryl Impey. Les points en poche, son travail était fait, comme il l’a souligné à la caméra. Il ne lui restait plus qu’à se rendre jusqu’au bout de l’épreuve, qu’il a terminée au 82e rang, mais ça n’avait plus d’importance.

Le membre de l’équipe nationale est monté sur la scène pour cueillir le Grand Prix de la montagne, récompense méritée pour l’athlète originaire des Laurentides, qui disputait sa troisième course WorldTour après son baptême l’an dernier.

« Je n’aurais pas pu demander une plus belle façon de finir la course. À Montréal, à la maison, devant tout le monde, c’est vraiment le fun ! »

— Nickolas Zukowsky

Lucide, le champion canadien espoir sait que ses rivaux ne l’avaient pas nécessairement en point de mire.

« La dernière fois que j’ai basculé en premier, j’ai vraiment tout donné parce que je ne savais pas à quel point ils allaient rouler derrière. Leur but n’était pas nécessairement de me rattraper moi, mais plutôt de rendre la course difficile pour leurs leaders. Pour ma part, c’était juste de limiter les dégâts et d’essayer de me rendre le plus loin possible. »

Zukowsky a remercié Chrétien, un autre grand espoir canadien de 20 ans, son dernier compagnon d’échappée qui s’est sacrifié pour le tracter le plus jusqu’au bout de ses forces.

« Si ce n’était pas de Charles, je ne me rendais pas. On était deux [de l’équipe nationale] dans l’échappée, on a roulé un peu plus vite. On a pu mettre plus de pression à la fin. Après ça, faire un tour avec lui, à rouler à bloc, il m’a donné tout ce qu’il avait avant la Polytechnique. Je suis tellement reconnaissant envers lui. Si ce n’était pas de son effort et de son aide, on ne l’aurait pas eu, le Grand Prix de la montagne. »

Zukowsky ne pouvait rêver de meilleure préparation finale pour les Championnats du monde du Yorkshire, où il s’alignera au contre-la-montre et à la course sur route dans la catégorie des moins de 23 ans.

Houle s’est accroché

Pendant toute la semaine, Hugo Houle a joué à merveille son nouveau rôle d’ambassadeur du cyclisme québécois et canadien, répondant aux moindres demandes des médias et du public. Sur la route, le cycliste de Sainte-Perpétue a réussi à livrer de bonnes prestations malgré des jambes un peu lourdes.

Meilleur Canadien avec une 15e place à Québec, Houle a terminé 28e hier à Montréal sur un parcours qui l’avantageait un peu moins.

« J’ai réussi à m’accrocher dans le dernier tour », a commenté le Québécois d’Astana, arrivé dans le deuxième groupe à 50 secondes.

« Il m’en a manqué un peu pour suivre les meilleurs. Quand j’ai vu que Michael Matthews se faisait distancer, je voyais que j’étais limite. J’ai décidé de rester avec lui. Je pensais qu’on aurait peut-être réussi à revenir. Je manquais juste de puissance pour suivre dans le dernier tour quand c’était le moment décisif. Il n’en manquait pas beaucoup, mais il en a manqué. »

Duchesne et Boivin diminués

Antoine Duchesne (Groupama-FDJ) et Guillaume Boivin, les deux autres Québécois qui roulent à temps plein dans le peloton européen, n’avaient pas la santé pour tenir leur niveau habituel. De retour après une opération à une artère, Duchesne s’est accroché jusqu’à une cinquantaine de kilomètres de l’arrivée, qu’il a franchie au 90e rang. Victime d’une grosse chute à Québec, Boivin a tenu une vingtaine de kilomètres de moins et n’a pas terminé la course. Ses coéquipiers d’Israel Cycling Academy ont cependant brillé avec l’échappée de Guy Sagiv, le beau numéro de l’Australien Nathan Earle dans l’avant-dernier tour et la sixième place de l’Italien Kristian Sbaragli. De quoi réjouir le propriétaire montréalais Sylvan Adams, qui vise grand pour l’an prochain. Victime d’un bris de dérailleur, le Montréalais James Piccoli (équipe nationale) n’a jamais pu se faire justice, franchissant le fil l’air dégoûté, 86e à plus de 10 minutes.

Les adieux de Tuft

Véritable légende du cyclisme canadien, Svein Tuft a donné ses derniers coups de pédale à Montréal après une carrière de 17 saisons. Diminué par la maladie depuis le début de la semaine, le Britanno-Colombien de 42 ans s’est fait stopper avant de pouvoir entreprendre le dernier tour. « C’est excitant d’arrêter, mais il y a aussi plusieurs choses qui me passent par la tête », a affirmé avant le départ l’homme aux 11 titres nationaux, qui a aussi une médaille d’argent mondiale au chrono. « Ça fait 20 ans que je fais ça et je sais qu’après aujourd’hui, ces buts, ces ambitions et ces choses que tu dois faire pour te préparer pour le cyclisme professionnel prendront fin. J’adorerais dire que je me sens en pleine forme pour ces dernières courses, mais c’est la réalité de notre travail parfois. Ça ne fonctionne pas toujours selon le scénario. Ce sera un festival de la souffrance… » Tuft en aura lui-même fait souffrir plus d’un à rouler en tête de peloton sur les plus grandes courses au monde.

Le classement

1- Greg Van Avermaet, Belgique 

2- Diego Ulissi, Italie

3- Iván García, Espagne

4- Tim Wellens, Belgique

5- Michael Andersen, Danemark

6- Kristian Sbaragli, Italie

7- Rui Costa, Portugal

8- Michael Woods, Canada

9- Nans Peters, France

10- Bauke Mollema, Pays-Bas

11- Jack Haig, Australie

12- Mathias Frank, Suisse

13- Julian Alaphilippe, France

14- Adam Yates, Grande-Bretagne

15- Caelos Alberto Betancur, Colombie

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