Une cinquantaine d’associations patronales demandent au premier ministre désigné de ne pas retarder la mise en place de la Stratégie nationale sur la main-d’œuvre dévoilée en mai dernier par l’ancien gouvernement. Avec la difficulté grandissante de recrutement de personnel dans plusieurs secteurs, elles rappellent qu’il est urgent d’agir.
Le Conseil du patronat du Québec a fait parvenir une lettre, aujourd’hui, au premier ministre désigné. La déclaration est signée par 55 associations, dont la Fédération des commissions scolaires du Québec, l’Association de la construction du Québec, l’Association de l’aluminium du Canada, le Conseil québécois du commerce de détail et l’Union des municipalités du Québec.
En entrevue avec La Presse, le président-directeur général du Conseil du patronat du Québec (CPQ), Yves-Thomas Dorval, rappelle que la Stratégie est le fruit de plusieurs mois de travail en concertation avec tous les acteurs du milieu du travail et de l’éducation.
« Ce qu’on dit au gouvernement, c’est que la Stratégie fait l’unanimité. »
— Yves-Thomas Dorval, président-directeur général du Conseil du patronat du Québec
« Les mesures ont été adoptées de façon consensuelle par tous les groupes de la société. Il faut aller de l’avant, parce qu’il y a un grand défi pour les employeurs qui ont des problèmes. Il y a 1,3 milliard dans ces mesures-là et c’est urgent. »
Pénurie ou pas
Lors de la campagne électorale, François Legault a été attaqué à plusieurs reprises par Philippe Couillard parce qu’il ne parlait pas assez de pénurie de main-d’œuvre. Le chef du Parti libéral du Québec l’a aussi critiqué au sujet des seuils d’immigration que la Coalition avenir Québec (CAQ) souhaitait abaisser alors que les entreprises visaient plutôt l’embauche d’immigrants.
Le président-directeur général du CPQ affirme qu’il n’a pas senti que le chef de la CAQ minimisait la pénurie de main-d’œuvre.
« Statistiquement, globalement, pour le Québec, il n’y a pas de vraie pénurie de main-d’œuvre parce qu’il y a des endroits où il y a des professions qui sont en surplus, même s’il y a des régions et des professions qui sont en déficit. L’idée, c’est que le marché du travail est dysfonctionnel. »
Il explique qu’en région, il y a un manque de main-d’œuvre dans plusieurs professions, tandis qu’à Montréal, certaines personnes ont des professions qui sont en surplus. Cependant, les postes de préposés aux bénéficiaires et ceux dans les technologies de l’information sont difficiles à pourvoir dans toute la province.
L’efficacité de l’immigration
« Le seul endroit où on était plus inquiet du côté patronal, c’était concernant l’efficacité de l’immigration », soutient Yves-Thomas Dorval.
« On est d’accord avec la CAQ qu’il faut une meilleure sélection des immigrants en fonction des besoins du marché du travail, une meilleure intégration et aussi aider l’immigration à s’en aller en région. Mais il ne faut pas réduire. Ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas garder le même seuil. »
— Yves-Thomas Dorval
Selon la Stratégie nationale sur la main-d’œuvre, l’immigration compte pour 25 % de la main-d’œuvre qui sera nécessaire pour combler les besoins dans les 10 prochaines années. Une autre part de 25 % devra être comblée par des bassins moins représentés, comme les autochtones, les personnes handicapées et les personnes proches de la retraite. La grande partie de la solution, soit 50 %, vient du secteur de l’éducation, des élèves qui sont actuellement sur les bancs d’école.
« Il faut s’assurer que pour ces élèves, la formation de base soit adéquate, que la formation spécialisée, le soutien au décrochage scolaire et que l’orientation dans les métiers en demande soient au rendez-vous. La CAQ a fait des propositions dans le domaine de l’éducation qui sont très bonnes. »
Deux promesses du nouveau gouvernement sont dans l’esprit de la Stratégie, soit des mesures incitatives fiscales pour les travailleurs âgés et un meilleur soutien pour les personnes ayant des contraintes graves à l’emploi.
La Stratégie nationale sur la main-d’œuvre 2018-2023 en bref
1. La stratégie comporte 47 mesures qui seront portées par 11 ministères et organismes gouvernementaux.
2. Les mesures visent à avoir une meilleure connaissance des besoins actuels et futurs du marché du travail et à les diffuser. Par exemple en promouvant et en valorisant les métiers et professions demandés.
3. Certaines mesures se concentrent sur l’adaptation des milieux de travail en favorisant la qualité de vie au travail.
4. Des mesures visent à disposer de suffisamment de travailleurs en facilitant l’attraction des travailleurs qualifiés en région.
5. On souhaite aussi améliorer la flexibilité et l’agilité dans l’acquisition des compétences en adaptant l’offre de formation aux réalités de chaque région et en augmentant l’offre de stages et de formations continues.