Mine Wallingford Back

Le diamant brut de la discorde

Dynamiter ou mettre en valeur ? Le sort d’une mine abandonnée soudainement devenue une attraction touristique déchire la petite communauté de Mulgrave-et-Derry, en Outaouais, qui souhaite retrouver sa quiétude. Reportage en huit points.

Mine Wallingford Back

Une notoriété Subite

Fermée en 1972, la mine Wallingford Back est fréquentée clandestinement depuis de nombreuses années par des explorateurs à la recherche d’endroits inédits à découvrir. Elle a toutefois vu sa notoriété exploser après la diffusion, l’hiver dernier, d’un reportage sur les ondes de CTV où l’on voyait des gens jouer au hockey sur une patinoire souterraine. Cet été, des centaines de curieux ont ainsi afflué tous les jours pour visiter cette ancienne mine de feldspath.

Mine Wallingford Back

Popularité dérangeante

Cette notoriété soudaine indispose toutefois grandement les voisins de la mine. En effet, un seul chemin d’accès se rend jusqu’au site. Du coup, les résidants du secteur ont dû composer avec des centaines de voitures qui se garaient chez eux. « On est partis de la ville pour avoir la paix, mais c’est rendu qu’on a de la misère à se rendre chez nous », déplore Paul Lavigne, qui a quitté Gatineau il y a 18 ans pour prendre sa retraite à Mulgrave-et-Derry. Signe de leur impatience, une quinzaine d’entre eux ont manifesté hier pour tenter de bloquer le passage après avoir appris que des citoyens de la région organisaient une visite pour sensibiliser des élus au sort de la mine.

Mine Wallingford Back

« Woodstock en Outaouais »

« Il y a de la drogue, de la boisson, du vandalisme, des vols, du monde nous réveille la nuit. Ça n’a pas de sens », lance une voisine, excédée du va-et-vient. À l’intérieur et autour de la mine, on trouve en effet de nombreux restes de feux autour desquels des bouteilles d’alcool vides traînent au sol. « Cet été, j’appelais ça Woodstock en Outaouais », dit Pascal Samson, qui fréquente la mine depuis une dizaine d’années. Lors du passage de La Presse hier, de nombreux curieux ont en effet défilé, dont un groupe d’une dizaine d’Ontariens venus boire des bières au fond de la mine abandonnée.

Mine Wallingford Back

Dynamitage envisagé

Pour calmer le va-et-vient, un garde de sécurité a été embauché pour empêcher les automobilistes de se garer n’importe où. Mais la marche de quelques kilomètres ainsi imposée n’a pas calmé l’appétit des explorateurs avides d’endroits inédits. Une clôture ceinture l’entrée de la mine afin d’en bloquer l’accès, mais celle-ci est constamment cisaillée. Les craintes pour la sécurité des visiteurs clandestins étant sérieuses, le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN), propriétaire de la mine, envisage de dynamiter les piliers soutenant la voûte, ce qui provoquerait un effondrement et en bloquerait l’entrée.

Mine Wallingford Back

Un projet touristique proposé

Le dynamitage envisagé a toutefois soulevé l’indignation de nombreux habitués de la mine. Un groupe de citoyens s’est formé, Les Amis de la mine Back, pour tenter de la préserver. Ils proposent de développer un projet récréotouristique pour mieux encadrer la présence des visiteurs. Un nouveau chemin d’accès serait également aménagé pour éviter de nuire aux voisins et leur redonner leur quiétude. Mais pour le moment, aucun promoteur ne s’est manifesté. Et les voisins se montrent peu enclins à ce projet pour le moment, même s’ils préféreraient éviter le dynamitage. Les élus de la MRC de Papineau, qui gèrent le site pour le MERN, doivent statuer le 19 octobre si ce projet est viable.

Mine Wallingford Back

Présence d'une espèce menacée

Donnée qui pourrait venir brouiller les cartes, des biologistes ont confirmé cette semaine pour la première fois la présence d’une espèce de chauve-souris menacée. Des détecteurs ont en effet établi que des bêtes y avaient établi domicile pour l’hiver. « Si elles sont ici à ce moment de l’année, c’est qu’elles vont y hiberner », s’emballe le biologiste Pascal Samson, spécialiste des chauves-souris. L’une des espèces recensées est menacée par la maladie du museau blanc, un champignon qui attaque les voies respiratoires. Détruire un tel refuge d’une espèce menacée devient ainsi « inacceptable » pour le biologiste.

Mine Wallingford Back

Un site unique 

La mine, qui a été en exploitation de 1924 à 1972, a aussi une grande valeur historique et minéralogique. Avec ses quatre piliers soutenant une voûte – ce qui lui donne un aspect spectaculaire –, elle est un témoignage unique d’une méthode d’excavation utilisée à une époque, dit André Desrochers, professeur de géologie à l’Université d’Ottawa. « C’est vraiment un diamant brut qu’il faudrait polir. » Il ajoute que la mine a été la principale source de feldspath en Amérique du Nord à une certaine époque. On s’en servait pour faire de la céramique, des produits nettoyants ou même des prothèses dentaires.

Mine Wallingford Back

Mines touristiques dans le monde

L’idée de transformer l’ancienne mine Back en site récréotouristique est loin d’être saugrenue. D’autres projets du genre ont vu le jour ailleurs. Le Québec en compte au moins six, selon les données du MERN, dont la Cité de l’or, à Val-d’Or, et l’Épopée de Capelton, à North Hatley. La plus célèbre mine touristique dans le monde est probablement la mine de sel de Wieliczka, en Pologne. Plus d’un million de visiteurs viennent chaque année arpenter une partie de ses 300 km de galeries souterraines dans lesquelles des douzaines de statues ont été sculptées à même le roc. Elle abrite aussi une immense salle au plafond de 35 mètres de haut. La mine est inscrite depuis 1978 sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.