GABOR SZILASI

Pour l’amour du monde

Après une rétrospective en 2010, le photographe Gabor Szilasi fait l’objet d’une autre exposition au musée McCord. Cette fois-ci, Le monde de l’art à Montréal, 1960-1980 dresse un portrait des grands vernissages s’étant déroulés ces années-là dans la métropole. Une exposition de 43 photos qui attestent, une fois de plus, la passion de Gabor Szilasi pour l’humain. 

Le Musée d’art de Joliette et le Musée canadien de la photographie contemporaine avaient déjà célébré Gabor Szilasi en 2009 avec L’éloquence du quotidien, une rétrospective transférée l’année suivante au musée McCord. Les amateurs du photographe montréalais d’origine hongroise avaient pu se régaler avec plus de 120 clichés de Szilasi pris en Hongrie, à Montréal et dans les campagnes du Québec. 

Le musée de la rue Sherbrooke remet ça cet hiver avec une expo maison cette fois, signée par la commissaire Zoë Tousignant et constituée de photographies de l’artiste en majorité inédites. 

La préparation de cette exposition, Le monde de l’art à Montréal, 1960-1980, a représenté un solide travail de recherche et d’analyse de la part de Zoë Tousignant, conservatrice adjointe de la collection de photographies du musée McCord, que le photographe Michel Campeau avait recommandée à Gabor Szilasi. 

La fille du grand plasticien Claude Tousignant a étudié pendant deux ans toutes les photographies de Szilasi reliées aux vernissages d’expositions des années 60 et 70, soit une centaine de rouleaux de pellicule représentant 3600 négatifs ! 

« On a fait un va-et-vient entre nous deux pour revoir les images et combiner à la fois des personnages intéressants, comme Leonard Cohen, et de belles images montrant des inconnus. »

— Zoë Tousignant, commissaire

Mais d’où est venue l’habitude de Gabor Szilasi de jouer de sa lentille lors des vernissages ? « Je suis un party animal », répond-il. C’est vrai que les habitués des vernissages d’art le rencontrent souvent, encore aujourd’hui, Gabor Szilasi. Il aura beau fêter ses 90 ans au début de février, il adore toujours autant assister à ces célébrations de l’art et du talent humains. Parce que la curiosité est une de ses qualités. Et parce qu’il aime les gens et les rencontrer.

Gabor Szilasi (dont on prononce le nom « silachi », à la hongroise, ce qui lui fait très plaisir !) a pris cette habitude en 1960, trois ans après son arrivée au Québec. Elle lui permettait de se lier d’amitié avec des artistes qui, par la suite, faisaient affaire avec lui pour photographier leurs œuvres ou leur atelier. 

« Ils avaient parfois besoin d’une photo pour une demande de bourse au Conseil des arts, dit-il. J’en ai même profité pour faire des échanges avec eux, si bien qu’aujourd’hui, j’ai une bonne collection d’œuvres d’art ! » 

Dans la salle du musée McCord, Zoë Tousignant a placé les 43 photos par ordre chronologique. On voit ainsi défiler 20 ans de vernissages, notamment dans des endroits disparus tels que la West End Gallery et les galeries Dresdnere, Agnès Lefort, du Siècle, Atelier Graff, etc. 

Et bien sûr, on retrouve un nombre fascinant d’artistes. De Guido Molinari à Edmund Alleyn en passant par Jean McEwen, Ulysse Comtois, Rita Letendre, Marion Wagschal, Jean-Paul Mousseau, Monic Brassard, Yves Gaucher, Karel Appel, Armand Vaillancourt, Charles Gagnon ou encore Marcelle Ferron. Des photographies qui racontent le développement du monde des arts visuels au Québec. Comment, d’un milieu plutôt confidentiel, on est passé quelques décennies plus tard à un bouillonnement d’activités auxquelles participe plus de monde aujourd’hui. 

« Il y a maintenant dix fois plus de vernissages qu’avant, dit Gabor Szilasi. Et c’est moins formel. Les gens prennent des photos avec leur cellulaire ou font des vidéos. C’est plus spontané. Moi, je n’en fais plus ! J’ai assez de négatifs pour m’occuper ! »

Rencontre de sa femme

Le premier vernissage au cours duquel Gabor Szilasi a utilisé son Leica 35 mm était celui d’une exposition consacrée à Jean Dallaire à la galerie Dresdnere. « C’était en mars 1960, dit-il, et c’est là que j’ai rencontré l’artiste Doreen Lindsay, ma future épouse. À l’époque, on n’appelait pas ça des vernissages, mais des previews ! » 

La commissaire Tousignant a choisi de disposer dans la salle d’exposition plusieurs planches contacts, dont certaines agrandies, le Leica de Gabor Szilasi ainsi qu’une vidéo de 27 minutes dans laquelle on la voit rencontrer des personnalités actuelles du milieu de l’art qui réagissent en regardant, à la loupe, de vieilles planches contacts. Des artistes tels que Geneviève Cadieux, Michel Campeau, Pierre Dorion ou encore Jérôme Nadeau.

L’exposition est accompagnée de plusieurs activités culturelles. Gabor Szilasi participera à une conférence en français autour de l’exposition au musée, le 24 janvier à 18 h. Le documentaire Bozarts, de Jacques Giraldeau, portant sur la scène artistique québécoise des années 60, sera projeté au même endroit, le 31 janvier à 18 h. Et le 7 mars, une table ronde abordera l’influence de Gabor Szilasi et d’autres artistes issus de l’immigration sur la photographie québécoise. 

Voici une exposition riche de sens et de mémoire, qui éclaire et honore un homme et un artiste dont la lentille a semé bien des souvenirs…

Gabor Szilasi – Le monde de l’art à Montréal, 1960-1980, au musée McCord (690, rue Sherbrooke Ouest, Montréal), jusqu’au 29 avril

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