Élections municipales 2017

Plante renverse Coderre

La cheffe de Projet Montréal, Valérie Plante, a remporté une victoire historique, hier soir, devenant la première mairesse de la métropole. Dans son discours de victoire, la femme de 43 ans s’est engagée à être à l’écoute des Montréalais et a promis un « changement de ton ».

Élections municipales 2017

« Montréal a enfin sa première mairesse »

Première mairesse élue de Montréal. Ces mots que Valérie Plante prononçait depuis le début de la campagne sont devenus réalité hier soir, alors que la cheffe de Projet Montréal a défait le maire sortant Denis Coderre.

Un peu plus de 51 % des électeurs ont voté en faveur de Valérie Plante à la mairie de Montréal, tandis que près de 46 % ont coché un X à côté du nom de Denis Coderre. Après un seul mandat à la mairie de Montréal, l’ex-député fédéral devra ainsi céder sa place à la femme de 43 ans.

« 375 ans après Jeanne Mance, Montréal a enfin sa première mairesse », s’est félicitée Valérie Plante, sous les acclamations de ses partisans réunis hier soir au Théâtre Corona. Elle devient du coup la 45e personne à occuper la mairie de Montréal.

Pour Projet Montréal, la victoire est totale alors que le parti a de plus réussi à faire élire une majorité de conseillers à l’hôtel de ville. Au moment de publier, Projet Montréal avait obtenu – ou était en avance – 34 des 65 sièges du conseil municipal.

Valérie Plante s’est engagée à changer l’approche de la Ville de Montréal auprès de ses citoyens, disant vouloir les écouter davantage. 

« Nous avons démontré qu’il ne fallait pas prendre les Montréalais pour acquis. »

— Valérie Plante

La nouvelle mairesse a ajouté qu’« un changement de ton s’impose, de priorités aussi ».

La nouvelle mairesse a aussi eu quelques mots pour rassurer la communauté des affaires, Montréal inc. ayant principalement appuyé son rival. « Montréal est ouverte aux affaires », a-t-elle assuré.

Coderre quitte la scène municipale

Dans son discours concédant la victoire à Valérie Plante, Denis Coderre a quant à lui annoncé qu’il quittait la politique municipale. Il n’occupera donc pas le poste de sa colistière, Chantal Rossi, élue dans Montréal-Nord. Il reste donc à savoir qui le parti Équipe Coderre désignera pour devenir chef de l’opposition.

Denis Coderre a adressé peu de mots à Valérie Plante, se contentant de lui souhaiter « bonne chance ». Il en a plutôt profité pour défendre son bilan. « Ça fait bien rire les caricaturistes, mais ces cônes orange étaient le début de la transformation de Montréal », a-t-il lancé (voir notre dossier sur Denis Coderre en écran 8).

D’importants défis attendent Valérie Plante à la mairie. 

« Nous avons énormément de travail à faire pour les quatre prochaines années. »

— Valérie Plante

Maintenant aux commandes d’une ville minée par les problèmes de circulation, celle-ci s’est engagée en campagne à faire de son premier geste la commande de 300 nouveaux autobus hybrides pour améliorer le service du réseau de surface de la Société de transport de Montréal.

Mais son plus important chantier à ce chapitre s’annonce sous terre. Valérie Plante a ainsi dit qu’elle comptait rapidement s’entretenir avec les gouvernements à Québec et Ottawa afin de lancer les études pour l’aménagement de la ligne rose de métro, entre Montréal-Nord et Lachine, sa promesse phare en campagne.

Valérie Plante a d’ailleurs souligné dans son discours hier soir qu’on ne peut plus construire de nouvelles autoroutes à Montréal. « Mais on peut construire plus de stations de métro. »

Pour l’épauler dans son travail, Valérie Plante pourra compter sur une majorité au conseil municipal. Benoit Dorais, qu’elle a présenté comme son président du comité exécutif, a été facilement réélu à la mairie du Sud-Ouest, avec 72 % des votes. Tous les poids lourds de son parti ont aussi été réélus, dont Émilie Thuillier, à la mairie d’Ahuntsic-Cartierville, qui avait été pressentie pour présider l’exécutif.

Marathon électoral

En défaisant Denis Coderre, Valérie Plante ajoute une autre étonnante victoire à son tableau. Contre toute attente, elle avait d’abord réussi à battre l’ex-ministre Louise Harel en 2013 dans le district de Sainte-Marie. Puis en 2016, elle avait défait Guillaume Lavoie dans la course à la direction de Projet Montréal, lui qui avait pourtant été appuyé par la quasi-totalité des élus du parti.

« Je n’ai jamais perdu une course de ma vie. »

— Valérie Plante, à La Presse durant l’élection

Et elle en a fait la preuve hier soir. Jouissant d’une faible notoriété, Valérie Plante a lancé sa campagne à la mairie en août pour mieux se faire connaître des Montréalais, un véritable marathon de près de trois mois. De sondage en sondage, la cheffe de Projet Montréal a gagné des points pour arriver au coude à coude en fin de course.

Force est de constater que ses appuis ont continué à augmenter dans la dernière semaine, celle-ci ayant gagné avec cinq points d’avance sur son adversaire. Denis Coderre a connu une dernière semaine de campagne difficile, éclaboussé notamment par le dévoilement du faible nombre de billets vendus lors de la première édition de la Formule E.

Dur coup pour Bergeron

Cette victoire de Valérie Plante aura certainement un goût amer pour Richard Bergeron, fondateur de Projet Montréal. Bien que la formation ait fait des progrès à chaque élection depuis sa création, l’homme a lui-même échoué par trois fois à se faire élire à la mairie. En 2014, il a quitté son parti pour rejoindre celui de Denis Coderre.

Ce pari n’a toutefois pas été payant, Richard Bergeron ayant été battu hier par un candidat de Projet Montréal, Robert Beaudry. Il aura certainement écopé pour la controverse entourant la Formule E, qui a eu lieu l’été dernier dans le district qu’il représentait.

Jalon historique pour les femmes

La victoire de Valérie Plante marque aussi un jalon historique puisqu’elle devient la première femme élue à la tête de Montréal. Jane Cowell-Poitras a déjà siégé comme mairesse, mais pendant seulement sept jours en juin 2013, à la suite de l’arrestation et de la démission de Michael Applebaum.

Deux autres femmes s’étaient approchées de la mairie, sans parvenir à se faire élire. En 2009, Louise Harel avait terminé deuxième derrière Gérald Tremblay. En 2013, c’était au tour de Mélanie Joly de créer la surprise en sortant de l’anonymat pour se hisser deuxième dans la course à la mairie.

Rappelons que la première femme à avoir fait son entrée au conseil municipal, Jessie Kathleen Fischer, a été élue en 1940. Il avait fallu ensuite attendre jusqu’en 1990 avant de voir une première femme devenir présidente du comité exécutif, soit Léa Cousineau sous Jean Doré (voir l'onglet 5 sur l'histoire des femmes en politique).

Montréal dur avec ses maires

Si la défaite d’un maire sortant est rare au Québec, un tel événement ne l’est pas à Montréal. Denis Coderre est en effet le huitième maire en 100 ans à se faire déloger de la mairie à une élection. À noter, trois de ses prédécesseurs ayant vécu une telle expérience sont revenus au pouvoir après un interlude d’un mandat.

Il faut toutefois remonter à 1960 pour trouver un maire battu au terme d’un seul mandat, soit Sarto Fournier. Il avait perdu face à Jean Drapeau, qui prenait sa vengeance après avoir lui-même été délogé de la mairie trois ans plus tôt.

Parmi les maires sortants délogés, notons que Pierre Bourque avait échoué en 2001 à diriger son « île une ville ». Lui-même avait délogé Jean Doré, après deux mandats à la tête de la métropole. Fernand Rinfret a lui aussi été délogé du bureau du maire en 1934, après un mandat de seulement deux ans. C’est Camillien Houde qui l’avait vaincu… reprenant le siège dont son adversaire l’avait privé en 1932.

Enfin, Médéric Martin est le seul maire de Montréal à avoir été battu à deux reprises. Il a en effet perdu son poste en 1924, pour le récupérer en 1926 et le perdre de nouveau en 1928.

Élections municipales 2017

Les engagements de Valérie Plante

Aménager une nouvelle ligne de métro « rose » entre Montréal-Nord et Lachine, dont la construction débuterait vers la fin de 2021

Acheter 300 nouveaux autobus hybrides

Modifier les endroits dangereux pour les cyclistes et piétons dès qu’une collision y survient

Créer un réseau express de vélo de 140 km

Plafonner les hausses de taxes à l’inflation

Instaurer le remboursement des droits de mutation immobilière (taxe de bienvenue) jusqu’à 5000 $

Annuler le règlement sur l’interdiction des pitbulls

Déménager la course de Formule E au circuit Gilles-Villeneuve

Tenir un référendum sur le retour du baseball majeur aux prochaines élections

Indemniser les commerçants touchés par des chantiers majeurs

Assurer la construction de 12 000 logements sociaux en quatre ans

Viser la parité hommes-femmes pour l’ensemble des 28 000 employés de la Ville de Montréal

Créer un parc national dans le secteur de Pierrefonds-Ouest

Créer une escouade mobilité pour la surveillance des chantiers

Projet Montréal évalue que ses propositions représentent des dépenses supplémentaires de 55 millions par année.

La Presse

Élections municipales 2017

« Ça fait tellement longtemps qu'on travaille pour ça »

« Mon fils de 14 ans m’a dit tout à l’heure : “Est-ce que tu réalises, maman, que tu vas être dans les livres d’histoire comme étant la première femme à devenir mairesse de Montréal ?” Je crois que je ne le réalise pas encore. Mais c’est un mandat que j’accepte avec beaucoup d’humilité. »

Valérie Plante, tout juste élue à la tête de la ville, semblait passer constamment, hier soir, de l’excitation au sérieux en prenant la mesure de la victoire historique qu’elle vient de remporter.

« Ce soir, on a écrit l’histoire : 375 ans après Jeanne Mance, Montréal a enfin sa première mairesse ! », a-t-elle lancé devant les militants de Projet Montréal, galvanisés par la victoire.

Au théâtre Corona, dans le quartier Saint-Henri, où se trouvaient quelques centaines de bénévoles et d’élus du parti, les sympathisants se sautaient spontanément dans les bras en lançant des cris de victoire. « Ça fait tellement longtemps qu’on travaille pour ça ! », s’est exclamé un militant en retenant à peine ses larmes.

La température et les éclats de voix n’ont cessé de monter pendant toute la soirée, culminant lorsque Valérie Plante a été déclarée élue à la tête de la ville, vers 21 h 15.

Quand elle s’est présentée devant ses partisans, elle a été ovationnée durant de longues minutes. « Va-lé-rie ! Va-lé-rie ! Va-lé-rie ! », scandait la foule, tandis que la nouvelle mairesse se permettait quelques pas de danse et plusieurs éclats de rire.

Mais la nouvelle mairesse de Montréal a souligné à plusieurs reprises que cette victoire était aussi celle de son parti et de ses militants. « Mes amis, nous avons fait une campagne historique, a-t-elle dit. Nous avons démontré qu’il ne fallait pas prendre les Montréalais pour acquis et qu’il fallait proposer des solutions à leurs problèmes au quotidien. »

Elle a promis, dans son discours de victoire, d’être à l’écoute de la population. 

« Pendant longtemps, les élus ne vous ont pas écoutés. Ils doivent maintenant se rendre compte que vous avez votre mot à dire et qu’une élection n’est pas qu’une formalité. Vous avez le droit d’être entendus. »

— Valérie Plante

Elle a répété ses priorités pour les quatre prochaines années, qu’elle et les candidats de son parti ont souligné pendant toute la campagne : transports en commun, accès au logement et transparence, en informant ses « partenaires de Québec et d’Ottawa » que leur aide financière serait sollicitée pour répondre à ces besoins.

« L'homme de la situation »

Comment la nouvelle mairesse, dont plusieurs soulignent le manque d’expérience en politique, démontrera-t-elle qu’elle est bien « l’homme de la situation », comme le clamait son slogan de campagne ? « Pendant la campagne, les gens ont vu que je connaissais mes dossiers, que j’étais rigoureuse, et donc capable de mener la ville », a-t-elle répondu en point de presse avec les journalistes.

Sa victoire peut paraître une surprise pour plusieurs, mais elle n’a pas étonné outre mesure Valérie Plante et les ténors qui ont été élus avec elle.

« On sentait cet engouement sur le terrain », a souligné Benoît Dorais, nouveau président du comité exécutif et maire de l’arrondissement du Sud-Ouest. « Les gens ont vraiment apprécié son authenticité. »

Selon le maire du Plateau-Mont-Royal, Luc Ferrandez, au-delà de la sympathie qu’elle a attiré chez les citoyens, Valérie Plante se montrera à la hauteur. « On vante souvent son sourire, mais elle est plus qu’un sourire. C’est quelqu’un qui va vraiment travailler avec tout le monde, pour le bien de la ville et non pour elle-même. »

Élections municipales

Valérie Plante en quelques dates

1974

Naissance à Rouyn-Noranda, en Abitibi

1994

Arrive à Montréal pour ses études

1997

Obtient un baccalauréat en anthropologie

2001

Termine une maîtrise en muséologie

2006-2011

Travaille à la Fondation Filles d’action, où elle a été directrice du réseau national

Novembre 2013

Se lance en politique municipale et cause la surprise en battant l’ex-ministre Louise Harel

2014

Nommée au conseil d’administration de l’Institut Broadbent

Décembre 2016

Devient cheffe de Projet Montréal malgré l’appui de l’establishment du parti à son adversaire Guillaume Lavoie

— La Presse

Élections municipales 2017

La marche des femmes en politique au canada

1791 

Les femmes propriétaires du Bas-Canada (Québec) obtiennent le droit de vote.

1849

On retire le droit de vote aux femmes.

1887

Les femmes non mariées et veuves qui sont propriétaires obtiennent le droit de vote aux élections municipales du Québec.

1899

Les femmes non mariées et veuves qui sont locataires obtiennent aussi le droit de vote aux élections municipales.

1922

Les femmes de l’ensemble du Canada, à l’exception du Québec, obtiennent le droit de vote.

1934

Les femmes mariées obtiennent le droit de vote aux élections municipales du Québec.

1940

Élection de la première femme au conseil municipal de Montréal, Jessie Kathleen Fisher.

1940

Les femmes obtiennent le droit de vote aux élections provinciales du Québec.

1961

Élection de la première femme députée à l’Assemblée nationale, Marie-Claire Kirkland-Casgrain.

1978

Hazel McCallion est élue pour la première fois mairesse de Mississauga, poste qu’elle occupera sans interruption jusqu’en 2014, à l’âge de 93 ans.

1990

Léa Cousineau devient la première femme nommée présidente du comité exécutif de Montréal.

1991

Toronto élit sa première femme à la mairie, June Rowlands.

1993

Kim Campbell devient la première (et unique à ce jour) femme première ministre du Canada.

2005

Andrée P. Boucher devient mairesse de la ville de Québec.

2012

Pauline Marois devient la première femme élue au poste de premier ministre du Québec.

— Pierre-André Normandin, La Presse

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