TÉMOIGNAGE

L’aide médicale à mourir vue de l’intérieur

Mardi dernier, j’ai lu l’article sur l’aide médicale à mourir « Le médecin qui aime la vie » avant de prendre le chemin pour le CHUM.

Je m’y rendais, non pas pour faire la file aux urgences ou consulter un spécialiste. Je m’y rendais pour un oncle très cher qui a choisi d’avoir recours à l’aide médicale à mourir (AMM) ce matin même.

Quelques semaines auparavant, dans la tourmente de la douleur, il avait pris sa décision en toute lucidité avec l’accord de ma tante. J’allais ainsi peut-être comprendre pourquoi le Dr Julien Auger, cité dans l’article, affirmait qu’il est « dur de donner la mort ».

Ce matin-là, mon oncle était fin prêt, serein. Toute une équipe, pleine de compassion, nous attendait pour nous accompagner. Rien n’était laissé à l’improvisation. Nous avons eu le temps de le saluer, parfois de façon maladroite, parfois dans un débordement émotionnel. Peu importe la manière, c’était maintenant ou jamais, puisque la mort programmée nous rappelle qu’il n’y a pas de lendemain. 

Ironiquement j’ai eu la chance de lui lire son éloge funèbre la veille de son départ. Étrange, direz-vous ? Et pourquoi pas ? Il avait droit de l’entendre, étant la principale personne concernée. D’ailleurs, à la suite de ses commentaires, je vais faire quelques ajustements. Ce sera donc à son goût.

Mon oncle s’est éteint le mardi 4 décembre 2018 dans… la dignité. Je saisis maintenant un peu mieux l’expression « mourir dans la dignité ».

Encore sous l’effet de la veille, j’ai lu le lendemain un second article sur l’AMM intitulé « Aide médicale à mourir : pas toujours un choix éclairé, révèle une étude ». Dans cet article, Lori Seller, chercheuse en éthique, expliquait que « selon les directives cliniques, les médecins et les patients souffrants en fin de vie sont incités à considérer l’ensemble des interventions de soins et de traitements qui peuvent être opportuns, afin que le recours à l’AMM demeure exceptionnel ».

Exceptionnel ? Vraiment ? Pourquoi ? Après avoir vécu l’AMM de l’intérieur, je réalise qu’il s’agit d’une mesure parfaitement humaine qui fait contraste avec notre approche traditionnelle de la mort. Celle de soulager le patient du mieux que la science le permet jusqu’à ce qu’il sombre dans l’inconscience et que le corps dise finalement « J’en peux plus, goodbye ». Une situation que j’ai vécue trop souvent et qui m’a toujours fait voir la mort comme une ennemie que l’on s’efforce d’éloigner alors qu’elle peut être libératrice.

Je vois maintenant l’AMM comme un recours naturel qui humanise davantage le passage de la vie à la mort.

Et je qualifierais plutôt d’exceptionnels tous ceux qui ont le courage de faire ce choix, car en lisant vos articles, je constate que l’AMM suscite encore bien des malaises. Il faut démystifier l’AMM. Curieusement, c’est aussi beau que douloureux. R.I.P., mon onc’.

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