Financement des productions de langue française

Téléfilm confirme que son fonds est à sec

Saint-Sauveur — Dans une courte allocution, un représentant de Téléfilm Canada a confirmé hier matin ce que La Presse a écrit la semaine dernière : l’enveloppe 2019-2020 de l’organisme vouée à la production de films en français est à sec, sauf en ce qui a trait à quelques projets dits prioritaires.

Concrètement, cela signifie que plusieurs nouveaux projets de longs métrages québécois dont la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) annoncera le financement le 10 mai prochain risquent de ne pas avoir un sou de Téléfilm, du moins cette année. Or, pour la majorité des projets de longs métrages, le montage financier dépend de la participation des deux institutions.

Faite hier matin au congrès annuel de l’Association québécoise de la production médiatique (AQPM), l’annonce a été accueillie avec beaucoup de réserve. À micro ouvert, les producteurs essaient de demeurer optimistes. Mais les visages étaient longs et, dans l’anonymat, quelques-uns ont fait part de leur déception à La Presse.

L’annonce d’hier matin devait être faite par la directrice générale de Téléfilm Canada, Christa Dickenson, qui était présente au congrès mercredi soir. Mais une urgence l’a appelée ailleurs. C’est le directeur du financement des projets chez Téléfilm, Michel Pradier, qui s’est adressé aux congressistes.

« Je sais que plusieurs d’entre vous avaient espoir que Téléfilm se présente devant vous aujourd’hui avec une annonce de fonds nouveaux pour bonifier notre capacité d’investissement. La réalité est que nous devons continuer à fonctionner, cette année encore, avec le même crédit parlementaire », a déclaré M. Pradier.

Ce dernier a cependant fait une autre annonce, qu’il a qualifiée de bonne nouvelle. « Nous avons obtenu l’aval du conseil d’administration pour faire certains réajustements budgétaires de manière à nous dégager une petite marge de manœuvre qui nous permettra de soutenir quelques projets en plus des 25 soutenus d’avance [ceux que Téléfilm a financés l’an dernier en pigeant à l’avance dans son enveloppe 2019-2020] et dont le tournage aura lieu cet été. »

De quel ordre est cette « petite marge de manœuvre » ? Michel Pradier n’a pas voulu le dire, ni préciser à quel moment cette information serait transmise aux producteurs. « Je vais laisser à notre directrice générale le soin de vous informer de cet investissement. »

La Presse a posé ces mêmes questions à Téléfilm Canada, mais l’organisme est demeuré vague dans ses réponses, affirmant que les événements de dernière minute concernant la directrice générale avaient bouleversé les plans.

M. Pradier a aussi annoncé que Téléfilm avait amorcé une révision exhaustive de l’ensemble de ses programmes dans le but de définir de nouvelles pistes de solutions de financement. C’est une des premières tâches auxquelles s’est attaquée Christa Dickenson à son arrivée à la tête de l’organisme, en juillet dernier.

Déception et optimisme

Personne n’a voulu l’exprimer officiellement, mais la déception était palpable chez les producteurs à la suite du peu de nouveautés annoncées.

Au terme du discours de M. Pradier, l’animateur Patrick Masbourian a demandé aux participants : « Êtes-vous sustentés ? » Assise juste à côté du représentant de La Presse, la directrice générale de l’AQPM, Hélène Messier, a dit : « Non. »

Quelques minutes plus tard, en entrevue, Mme Messier a insisté sur l’importance de continuer à se faire entendre. « Ce qui est positif dans ce qu’on a annoncé est de s’apercevoir que Téléfilm est en train de réviser ses programmes et ses pratiques pour dégager une marge budgétaire et remédier à une partie de la situation, a dit Mme Messier. On a hâte d’en savoir plus. »

« On pensait effectivement [hier] matin connaître un peu plus de détails à cet égard et on va continuer à faire des démarches pour appuyer Téléfilm dans ses efforts, auprès du Cabinet et de Patrimoine canadien, pour s’assurer que les sommes vont répondre aux besoins. »

— Hélène Messier, directrice générale de l’AQPM

Rappelons que c’est à la demande même de Téléfilm que l’allocution de Mme Dickenson a été ajoutée au programme du congrès. Une période de 15 minutes avait été aménagée dans l’horaire. Michel Pradier a parlé durant un peu moins de cinq minutes et demie et il n’y a pas eu de période de questions du public. Il n’était pas non plus disponible pour répondre aux questions de La Presse.

Dans un échange de courriels avec La Presse en fin de journée hier, Francesca Accinelli, directrice de la promotion nationale et des communications à Téléfilm, a laissé entendre que si elle avait été présente, Mme Dickenson aurait donné plus de détails.

« Nous avions plus d’information à donner à l’industrie, mais, pour des raisons personnelles sérieuses, Mme Dickenson [était] dans l’incapacité de s’adresser à l’industrie [hier]. Malgré ce revirement de situation, nous souhaitions tout de même prendre la parole et faire savoir à l’industrie que cette situation est bel et bien prise en main par l’organisation », a-t-elle écrit.

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