OPINION

Télé-Québec a fait son temps

Le contexte de ce début de siècle commande de nouvelles priorités et une allocation différente des fonds publics

L’État québécois consacre un budget d’environ 55 millions par année à Télé-Québec. En cette période de réévaluation des programmes, il convient de considérer trois arguments qui remettent plutôt en question son existence.

Télé-Québec a été créée en 1968. Sa pertinence était évidente alors que l’offre télévisuelle en français se limitait à Radio-Canada et Télé-Métropole (aujourd’hui TVA). Son contenu était très original notamment avec la diffusion de séries dans les écoles (Les Oraliens, par exemple).

Cinquante ans plus tard, la situation est très différente. L’offre est abondante. Un nouveau réseau généraliste a pris sa place (V-Télé, autrefois TQS) et le nombre de chaînes a explosé. Les chaînes de nouvelles en continu (RDI, LCN, Euro News, etc.) rivalisent avec les canaux spécialisés (RDS, Canal Vie, Explora, etc.) pour accrocher les téléspectateurs. Le CRTC peine à étudier les nouvelles demandes.

Dans ce contexte, la valeur marginale de Télé-Québec s’amenuise. Les cotes d’écoute ne dépassent pas 3 %. Ses contenus sont-ils à ce point distincts et nécessaires à l’épanouissement culturel des Québécois ? Pas vraiment. Et il ne faut pas craindre pour l’avenir des bonnes émissions de TQ. Elles sont souvent produites par des maisons de production indépendantes et, advenant sa disparition, elles trouveront leur chemin vers d’autres chaînes.

L’utilité d’une télévision publique de qualité est cependant évidente pour un peuple de huit millions de francophones sur un continent anglophone. Il n’y a pas à en douter. Le problème, c’est que le contribuable québécois ne paye pas pour un, mais pour deux réseaux publics de télévision : Télé-Québec et Radio-Canada.

Il y eut un temps où le nationalisme québécois s’exprimait toujours en opposition à ce qui était fédéral. Il fallait se payer notre propre télévision. Nous n’en sommes plus là aujourd’hui. C’est un luxe qu’il faut reconsidérer vu l’état de nos finances publiques. En plus, chacun de nos deux réseaux doit composer avec des compressions budgétaires. S’il est vrai, par exemple, que la couverture régionale en souffre, n’y aurait-il pas lieu d’unir les forces ? L’État québécois pourrait par exemple prendre entente avec Radio-Canada pour financer une meilleure couverture médiatique de ses régions. Il serait possible d’arriver à de bien meilleurs résultats pour une fraction du budget actuel.

UNE NOUVELLE ÈRE

Enfin, l’ère numérique transforme notre culture. Posez quelques questions à vos enfants, neveux et nièces. Ils consacrent beaucoup de temps à des discussions en réseau (textos, Facebook) au détriment de la télévision. Ils passent aussi beaucoup de temps à la navigation sur l’internet, en particulier sur des jeux en réseau (dont la plupart sont en anglais) et des émissions en flux continu.

Mon fils consacre moins de deux heures par semaine à la télévision. J’y consacre moi-même moins de temps au profit de la navigation web. L’importance de la télévision dans la création et la diffusion culturelle tend à diminuer. Les médias numériques gagnent du terrain et des besoins nouveaux surgissent qui appellent aussi une intervention plus grande de l’État (l’hégémonie de l’anglais, la sécurité web, la qualité du contenu). Il faut faire des choix.

L’abondante offre télévisuelle, l’existence de deux chaînes publiques et la montée des nouveaux médias militent en faveur d’une sérieuse remise en question. Non pas que Télé-Québec ait échoué à la tâche, bien au contraire. Elle s’est bien acquittée de son mandat. Mais le contexte de ce début de siècle commande de nouvelles priorités et une allocation différente des fonds publics. Télé-Québec a fait son temps.

À bien y penser

Un verre, deux coups

Il faudrait que tous les produits de la SAQ soient vendus dans les supermarchés. Cela représenterait une grosse économie, autant pour le gouvernement que pour les clients. Nous n’aurions plus besoin de payer pour les infrastructures de la SAQ. En cette période d’austérité, faisons d’une pierre deux coups !

— Alain Pelletier

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