États-Unis

Les hauts et les bas de l’Obamacare

C’était la mesure phare du président Obama, celle sur laquelle il a tout misé dès son arrivée, en 2009, et celle qui restera, aux yeux des Américains, son principal accomplissement. Avant lui, nombre de ses prédécesseurs avaient échoué à donner aux Américains un meilleur accès aux soins de santé. Le jeu en a-t-il valu la chandelle ?

À répétition, pendant la campagne qui l’a mené à la Maison-Blanche, Donald Trump s’est attaqué à la pierre angulaire de l’administration Obama, promettant « d’abolir et de remplacer » l’Obamacare dès le premier jour de sa présidence. « C’est un désastre », a-t-il dit encore et encore sous les acclamations de ses partisans. Les faits, cependant, ne lui donnent pas raison.

Mis en place d’abord et avant tout pour élargir à tous les Américains la couverture d’assurance maladie, l’Obamacare, ou l’Affordable Care Act, son nom officiel, est en voie de remplir sa principale promesse.

Depuis son entrée en vigueur, en janvier 2014, la proportion d’Américains ne possédant pas d’assurance maladie a chuté de 17,3 % à 10,8 %, selon des données recueillies par la maison de sondages Gallup à la fin de l’été dernier.

« Dans un pays où tellement de gens n’étaient pas assurés et dans lequel des gens font faillite pour payer leurs factures de soins médicaux, c’est tout un exploit d’avoir réussi à faire adopter une loi. »

— Casey Selwyn

« Et 20 millions de personnes de plus qui sont assurées, ce n’est pas rien ! », ajoute Mme Selwyn, une experte de la santé publique qui dirige les programmes d’innovation à CAI Global, une organisation internationale travaillant à l’amélioration des soins de santé pour les populations vulnérables.

Cet exploit, plusieurs présidents américains ont tenté de le réussir depuis qu’Harry Truman, en 1945, a rêvé d’un système de santé universel. « Avant Obama, presque tous les présidents démocrates depuis Truman ont essayé, mais ont échoué », note Christophe Cloutier, chercheur à l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM.

Après les fleurs, le pot

Les deux experts s’entendent pour dire cependant que le programme d’Obama ne récolte pas que des fleurs. Les débuts du programme, qui ont été accompagnés par un grand cafouillage informatique, en ont dérouté plusieurs. « L’administration Obama n’a jamais fait un super boulot pour expliquer le programme. La loi est très compliquée et le programme de subventions qui l’accompagne l’est tout autant. Beaucoup de gens n’ont jamais compris à quoi ils avaient droit », note Casey Selwyn.

Des coûts en hausse

L’Obamacare tarde aussi à remplir deux autres de ses objectifs : la diminution des coûts de la santé et l’amélioration de leur qualité. Selon les statistiques de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les Américains paient toujours plus cher que tous les autres citoyens occidentaux pour se faire soigner.

Si, en 2010, les États-Unis consacraient 16,4 % de leur produit intérieur brut à la santé, l’an dernier, soit un an après l’entrée en vigueur de l’Obamacare, le chiffre atteignait 16,9 %. En comparaison, le Canada a vu ses dépenses en santé reculer de 10,6 % de son PIB à 10,1 % pendant la même période.

Au chapitre de la qualité des soins, un sondage Gallup réalisé l’été dernier démontre que le taux de satisfaction des Américains n’a presque pas bougé.

Attaqué de tous côtés

Le président Obama doit-il être blâmé pour le succès mitigé du programme ? Sur ce point, Christophe Cloutier rappelle que le programme a été la cible d’attaques groupées des républicains qui ont tout fait pour le torpiller. Notamment, rappelle-t-il, 19 États ont refusé les subventions du gouvernement fédéral pour étendre la couverture de Medicaid – le programme de santé destiné aux Américains les moins bien nantis – à une plus grande part de la société, et ce, sans proposer de solution de rechange. 

« Sur le terrain, il y a eu beaucoup de résistance, note M. Cloutier. Ceux qui s’opposent à l’ingérence du gouvernement dans la vie des gens ont fait du programme leur bouc émissaire alors que beaucoup d’autres ne le trouvaient pas assez ambitieux. Au bout du compte, ça fait beaucoup de gens mécontents. »

Les chiffres semblent lui donner raison. Depuis que le projet de loi a été adopté, en 2010, l’appui à l’Obamacare n’a jamais dépassé 44 %, selon Real Clear Politics, qui a compilé tous les sondages réalisés sur le sujet.

Un avenir dangereux

Aussi imparfait soit-il, l’Obamacare ne sera pas facile à remplacer. Plusieurs études démontrent que si le programme est abandonné, 30 millions d’Américains perdront leur couverture d’assurance d’ici 2019. « Les républicains disent qu’ils vont l’abolir, mais pour le moment, ils ne s’entendent pas du tout sur les politiques à adopter pour le remplacer », dit Casey Selwyn, qui croise les doigts pour que l’administration Trump ne jette pas le bébé avec l’eau du bain. 

États-Unis

Dernier appel d’Obama à sauver sa réforme

Barack Obama a qualifié de désinvolte et d’irresponsable, hier, le plan républicain consistant à abroger sa réforme de l’assurance maladie pour la remplacer plus tard, affirmant que ce remplacement pourrait ne jamais venir. La veille, le président sortant a défendu son bilan dans une lettre aux Américains, en particulier l’Obamacare. « Alors que je me prépare à passer le relais et à faire mon devoir en tant que citoyen, je suis fier de dire que nous avons construit de nouvelles fondations pour l’Amérique », écrit le 44e président des États-Unis. « L’abrogation d’Obamacare est la première chose à l’ordre du jour », a pour sa part déclaré cette semaine le vice-président désigné, Mike Pence. Les leaders républicains espèrent pouvoir déposer une nouvelle loi sur le bureau de Donald Trump dès la fin du mois prochain.

— Jean-Thomas Léveillé, La Presse, avec l’AFP

États-Unis

Comment fonctionne l'Obamacare ?

L’Obamacare ou l’Affordable Care Act (loi sur les soins abordables) a pour principal objectif d’étendre la couverture d’assurance maladie aux quelque 20 % d’Américains qui n’étaient pas assurés lors de son adoption. Chaque personne se voit obligée d’avoir une police d’assurance, sans quoi le gouvernement impose une amende. Pour les moins bien nantis, la loi élargit l’accès à Medicaid, le programme de santé gouvernemental, à une plus grande frange de la population. Ceux qui ne se qualifient pas ont accès, à travers l’Obamacare, à un marché centralisé de polices d’assurance qui doit leur permettre de choisir la meilleure couverture. L’Obamacare permet aussi aux jeunes d’être couverts par la police de leurs parents jusqu’à 26 ans, empêche les compagnies d’assurances de discriminer les individus qui ont des conditions préexistantes ou encore d’imposer des primes plus élevées aux femmes qu’aux hommes. — Laura-Julie Perreault, La Presse

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