Cyberharcèlement

Personnalité publique, messages toxiques

L’image est violente, mais elle n’est surtout pas inhabituelle pour Pénélope McQuade. Dans la boîte de réception d’un de ses réseaux sociaux, un homme lui a envoyé une vidéo. On le voit se masturber.

« J’ai reçu trois vidéos [récemment] où un homme se masturbait. Quand j’ai voulu le signaler, j’avais deux choix : bloquer l’utilisateur, ce qui ne l’empêche pas de continuer à faire ce qu’il fait, ou le signaler comme spam. Mais ce n’est pas du [pourriel], c’est du harcèlement », dénonce vivement l’animatrice de l’émission Les échangistes.

Sur l’internet et sur les réseaux sociaux, les personnalités publiques sont souvent la cible des misogynes. Pénélope McQuade estime qu’environ 20 % des messages qu’elle reçoit sont sexistes, dégradants ou carrément violents. Depuis quelques semaines, plutôt qu’ignorer ceux qui l’invectivent sans vergogne, elle repartage leurs messages pour les dénoncer publiquement.

« Au printemps, quand j’ai ‘‘retweeté’’ la vidéo qu’un homme m’avait envoyée, les gens me répondaient que c’était dégueulasse et qu’ils cesseraient de me suivre. Mais un instant : c’est ma réalité que je vous montre. Évidemment que c’est choquant, mais si ça vous dérange quand je le dénonce, ça me dérange quand je reçois ces messages. Je veux dénoncer et je veux que ma dénonciation soit efficace », explique-t-elle.

DES MESSAGES HARGNEUX QUI SE RÉPÈTENT

Les femmes qui font carrière en télévision et dans les médias ne sont pas les seules à être victimes de cyberharcèlement. C’est entre autres pour donner une voix à celles qui le vivent dans l’anonymat que Pénélope McQuade prend parole et dénonce la présente situation.

« Nous sommes tous confrontés sur les réseaux sociaux à des commentaires agressifs et méchants. […] Ce qui se passe en ligne existe aussi dans la société. Comme bien des filles, il m’est aussi arrivé de me faire mettre la main aux fesses par un patron ou de me faire suivre dans une ruelle. C’est la réalité des femmes. »

— Pénélope McQuade

Quand elle traite de sujets politiques à son émission, Pénélope McQuade se fait parfois invectiver sur l’internet. Lui reproche-t-on ses opinions ? Pas du tout, explique-t-elle. Plutôt qu’attaquer ses idées, certains internautes tentent de la dénigrer par rapport à son sexe.

« Les commentaires qui sont faits aux femmes sont souvent de nature sexuelle. On va attaquer mon look plutôt que mon contenu. […] Pourquoi me traites-tu de chienne, de vache, de frustrée, alors que je te parle de politique ? », s’interroge-t-elle.

Quand les commentaires dégradants deviennent violents, Pénélope McQuade croit qu’il faut réagir. Elle encourage toutes celles et tous ceux qui vivent du cyberharcèlement à porter plainte à la police, quoique ce type de dénonciation n’est pas toujours pris au sérieux, déplore l’animatrice.

« Il y a quelques années, quand j’ai reçu une menace de viol, je suis allée voir la police. L’agent m’a fait comprendre que si je ne me sentais pas physiquement menacée, ma déposition n’irait nulle part. Souvent, ces [cyberprédateurs] ouvrent d’ailleurs des comptes anonymes », raconte-t-elle.

DU SEXISME EN TÉLÉVISION ?

Au-delà du cyberharcèlement et des commentaires de nature sexuelle que reçoivent les femmes régulièrement, qu’elles soient des personnalités publiques ou non, l’animatrice des Échangistes profite de sa tribune pour rappeler que le sexisme est toujours présent dans notre société, même en 2016.

« On est dans une société où la domination masculine est évidente à plein de niveaux. Notre système économique et politique perpétue les inégalités », dénonce la féministe, dont le milieu de travail, la télévision, n’est pas à l’abri de cette réalité.

« Pour ce qui est du salaire, oublie ça ! Je n’ai pas le même [cachet] que mes collègues masculins. […] [À l’époque où nous animions une émission ensemble], Jean-Luc Mongrain et moi n’avions pas le même salaire, je peux te l’assurer ! Pour toutes sortes de raisons, notamment en raison de sa notoriété. Ça finit toujours pas s’expliquer bien logiquement, mais en même temps, ce n’est pas du tout logique. En coanimation, un n’est pas plus important que l’autre », dit-elle avec assurance.

Puis, au-delà des conditions d’emploi, il y a aussi la question du corps, où les femmes doivent se poser des questions que des hommes ne se poseraient pas, croit Pénélope McQuade.

« [Une comédienne] m’a récemment raconté s’être fait dire au début de sa carrière qu’elle aurait besoin de coucher avec quelqu’un pour avoir des rôles, ou sinon d’avoir de plus gros seins. Je parlais aussi [il n’y a pas longtemps avec une autre actrice] qui s’est fait dire de s’habiller plus ‘‘sexy’’ quand elle montait sur scène. C’est assez fascinant qu’on en soit toujours là », estime-t-elle.

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