Chronique

Lettre aux desperados du vélo…

Chers desperados du vélo,

Oui, oui, vous qui pédalez en fous, c’est à vous que je m’adresse. Vous qui n’avez aucune considération pour le Code de la sécurité routière. Vous qui ne respectez aucune loi sinon celle du talion. Vous qui faites si mal à la réputation des cyclistes.

Je suis tanné de casquer pour vous.

Je suis tanné d’avoir à répondre de vos comportements déviants. Tanné d’être sur la défensive à cause de votre irresponsabilité. Tanné d’avoir à répéter que les adeptes du vélo ne sont pas tous d’incorrigibles délinquants de la route.

Y en a marre. Les piétons en ont marre. Les automobilistes en ont marre. Et vous l’ignorez peut-être, mais la majorité des cyclistes en a marre elle aussi. Le vélo a gagné en maturité au cours des décennies, il est temps que vous en fassiez autant.

***

Entre vous et moi, quand j’écris sur le vélo, ça ne me dérange pas de répondre aux lecteurs qui m’accusent d’avoir un parti pris pour les cyclistes. J’assume.

Je n’ai pas de misère non plus avec ceux qui me traitent de « désinformateur sur deux roues » ou de « chiqueux de salade » à la solde des lobbies cyclistes. Poubelle.

Mais lorsque j’ai à répondre aux témoignages de lecteurs qui se sont fait heurter par un cycliste délinquant, là, j’ai plus de difficulté. Un peu court de répliquer qu’il y a aussi des automobilistes délinquants…

J’ai reçu quatre messages du genre ces derniers jours, le dernier en date étant celui de Michel Leblanc, le président de la Chambre de commerce de Montréal. Je partage avec vous cette lettre écrite à titre personnel, car c’est celle qui résume le mieux le problème.

« Bonjour François. Dernièrement, tu as chroniqué vélo, casque et pistes cyclables. En ce qui me concerne, le vélo ces jours-ci, c’est celui d’une dame de 50 ans qui “descend” Saint-Laurent à contresens, et qui heurte ma mère de 75 ans devant l’Ex-Centris.

« Blessures mineures au coude et au pied, mais hanche fracturée. On a eu très peur, je t’avoue. À cet âge, ce type de blessures peut être le début de la fin. Mais je te rassure, le pronostic de sa convalescence est bon et elle vient d’être transférée en centre de réadaptation. Son été est scrap, mais elle garde le moral.

« Ce qu’il y a de particulier avec la mésaventure de ma mère, c’est la “banalité” apparente du geste délinquant. On ne parle pas d’un “jeune” qui roulait en fou, mais “juste” d’une dame qui roulait à contresens sur un boulevard à sens unique.

« Or il y a justement des milliers de cyclistes comme ça à Montréal, qui ne se sentent pas concernés par les stops, les feux rouges et le sens des rues. Et la multiplication des vélos en ville, par la force des choses, augmente les probabilités des accidents “au mauvais endroit, au mauvais moment”.

« Je ne connais pas la solution. Mais maintenant que le cyclisme a gagné ses droits et que les ajustements au tissu urbain sont en cours, il me semble qu’il est temps de développer une culture de responsabilité chez les cyclistes, non ? »

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Ouin. Réclamez plus de droits pour les cyclistes après ça…

Je continuerai à le faire, personnellement. Je considère que la ville s’est développée en tenant compte des automobilistes et des piétons, mais beaucoup moins des cyclistes. Je pense que le Code de la sécurité routière mérite d’être dépoussiéré pour tenir compte de leur présence grandissante. Et je continue à penser que la majorité des adeptes du vélo respectent les règles, de plus en plus même. Il n’y a qu’à voir les files d’attente aux feux de circulation, chose qui n’existait pas il y a quelques années encore.

N’empêche que pour demander plus de respect, il faut en manifester. Et en ce sens, je crois que vous avez un sérieux examen de conscience à faire, vous, les cyclistes sans foi ni loi.

Vous ne pouvez exiger votre place dans la cité… tout en refusant les règles de la cité.

Vous ne pouvez exiger que les voitures respectent les feux rouges et les sens uniques… tout en les ignorant vous-mêmes.

Vous ne pouvez demander aux automobilistes de faire attention à vous sous prétexte que vous êtes plus vulnérables… tout en refusant d’appliquer le même principe avec les piétons.

Bref, vous ne pouvez être en marge des lois et exiger leur respect.

VÉLOS C. AUTOS

C’est terriblement de circonstance. Le Cinéma du Parc présente dès demain le documentaire Bikes vs. Cars. Un film intéressant quoiqu’un peu longuet sur la dure cohabitation des voitures et des vélos en ville. La perspective du chauffeur de taxi de Copenhague est intéressante : il dit vivre un véritable enfer dans la capitale danoise, où il peine à se trouver une place dans le trafic cycliste. L’enfer, décidément, c’est toujours les autres…

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