Quel avenir pour le journalisme ?
Dans un paysage médiatique en profonde mutation, les salles de rédaction souffrent. Leurs revenus fondent et les emplois disparaissent. Quelles seront les prochaines étapes ? Les grands noms des médias québécois réunis hier à l’Université Concordia ont tenté de répondre à cette question lors d’un forum organisé par la Fondation pour le journalisme canadien. Une constatation : il faut en parler plus parce que la population ne se doute pas de la gravité de la situation.
Des pistes de solutions
« Les Google et Facebook ont été très bons pour quantifier le nombre de lecteurs et monétiser le nombre de clics. Notre pari, c’est que la qualité de la relation avec nos lecteurs peut être monétisée, parce que la confiance est là. C’est un trip à trois avec les annonceurs, les lecteurs et les médias. L’annonceur paie avec des bons d’achat et les lecteurs achètent ses produits. »
— Alexandre Taillefer, propriétaire de L’actualité
« Deux dollars sur trois en publicité numérique vont chez Google. Pour nous, l’avenir, c’est le modèle des abonnements. On fait le pari que nos lecteurs vont nous suivre et jusqu’à maintenant, ils nous suivent. »
— Brian Myles, directeur du quotidien Le Devoir
« Le modèle d’avenir est relativement simple. Il s’agit d’avoir une plateforme performante et de le démontrer aux annonceurs. Le problème, c’est que le coût de transformation est élevé. »
— Guy Crevier, éditeur de La Presse
« On propose de se retirer du marché publicitaire, qui nous rapporte 250 millions par année. On pourrait devenir un producteur de contenus comme La Presse canadienne. On a besoin de s’aider entre nous parce que le vent va souffler très fort pour l’ensemble des médias. »
— Michel Bissonnette, vice-président de Radio-Canada
De l’aide, mais laquelle et comment ?
« On fait face à une situation alarmante. C’est aussi la sauvegarde du français [qui est en jeu]. Si le Canada ne taxe pas Netflix, le Québec doit le faire. La question des quotas [en musique] est aussi extrêmement importante. C’est une responsabilité du gouvernement de le faire. »
— Alexandre Taillefer, propriétaire de L’actualité
« On ne veut pas récompenser une industrie qui n’a pas su se réinventer. Postmedia a coupé dans la chair vive de ses ressources. Est-ce qu’il faudrait leur faire un cadeau aujourd’hui ? »
— Colette Brin, directrice du Centre d’études sur les médias de l’Université Laval
« Ce n’est pas parfait, ce que le gouvernement québécois a fait [l’aide financière aux médias contenue dans le dernier budget pour le virage numérique], mais c’est le premier qui l’a fait. Il nous faut un crédit d’impôt sur la masse salariale. La plus grande dépense, c’est la main-d’œuvre. Le crédit d’impôt vient niveler le terrain de jeu pour tout le monde et ça nous protège de cette volonté de l’État de choisir les gagnants et les perdants. »
— Bryan Myles, directeur du quotidien Le Devoir
Indifférence générale
« On [les médias] est des junkies de Google et de Facebook. La seule façon de corriger les junkies, c’est le sevrage. Il faut se dire “no fucking way”. »
— Alexandre Taillefer, propriétaire de L’actualité
« Ce qui me fascine, c’est qu’on fait une contribution importante dans la société et qu’on est incapables d’attirer l’attention des gouvernements, alors que des entreprises comme Ubisoft ont des centaines de millions pour payer leurs opérations. Il y a un débalancement. »
— Guy Crevier, éditeur de La Presse
« Il n’y a pas de préoccupation dans la population en général parce que les contenus sont là et ils sont abondants. Il faudra peut-être un événement dramatique, s’il y a une grande chaîne de journaux qui ferme, par exemple, pour changer ça. »
— Colette Brin, directrice du Centre d’études sur les médias de l’Université Laval