Commerce de détail

Dans un Jardin revient à la vie

L’entreprise revoit l’ensemble de ses activités

Annoncer une mort peut parfois provoquer une résurrection inattendue. C’est ce qui est arrivé aux boutiques Dans un Jardin. Un an après que ses propriétaires eurent fait savoir qu’ils mettraient la clé sous la porte, voilà que les idées et les nouveautés pullulent comme jamais. De fait, à peu près tous les produits offerts à compter d’aujourd’hui ont été revisités. Il est même question d’expansion.

Propriétaire de la chaîne Dans un Jardin depuis 1989, la famille Lafrance – celle-là même qui possède le Groupe Marie-Claire et ses 300 boutiques de vêtements pour femmes – a décidé de changer de rôle.

Après que son entreprise de parfums et produits pour le corps eut frôlé la faillite, elle a choisi celui d’« investisseur-gestionnaire », après avoir longtemps été un « investisseur passif ». Résultat : le président Sylvain Lafrance et son frère Martin (vice-président aux opérations) gèrent désormais le destin de Dans un Jardin depuis le siège social de Marie-Claire, à Anjou.

Dans la dernière année, les deux hommes n’ont pas chômé pour remettre le détaillant sur le chemin de la rentabilité. Ils ont notamment travaillé à créer des synergies, que ce soit dans « le marketing, la distribution ou le transport », précise Sylvain Lafrance en entrevue.

Ils ont aussi allégé la structure de coûts. L’entreprise compte aujourd’hui une centaine d’employés plutôt que 250 ; le nombre de gammes a fondu (de 12 à 8) ; le nombre de produits est passé de 600 à 250.

« On va avoir plus de volume sur les SKU [produits] qu’on offre. Un moment donné, la tarte était trop séparée. » Cette stratégie a aussi l’avantage de simplifier les activités dans l’usine de fabrication, la gestion des stocks et le magasinage pour les clients, fait valoir le dirigeant de 52 ans.

CONSULTER LES EMPLOYÉS

Les consommateurs, eux, verront surtout les nombreux changements dans l’offre de produits (voir autre onglet). Toutes les nouveautés apparaissent d’un coup dans les boutiques à l’ouverture ce jeudi matin, 14 novembre.

Pour que la relance fonctionne, « la condition, c’était de faire beaucoup de changements […]. Et il a fallu qu’on arrête, on avait d’autres idées ! ». Sylvain Lafrance raconte aussi avoir misé sur l’expertise de ses troupes et d’avoir « beaucoup questionné » les employés sur ce qui avait été mal fait, ce qui pouvait être corrigé, ce qui devait être fait pour que l’entreprise reste rentable.

« On a mis toutes les chances de notre bord pour réussir ! »

— Sylvain Lafrance, président de Dans un Jardin

En outre, les produits ne seront plus offerts dans les pharmacies et les boutiques de cadeaux. Ces ventes compliquaient les affaires sans être rentables et provoquaient une certaine cannibalisation. Cela permettra de rouvrir un certain nombre de boutiques.

« Je ne reviendrai pas à 60, mais on pourrait facilement en avoir 25 à 30. » Des inaugurations sont prévues dès 2020.

« IL N’Y AVAIT RIEN À FAIRE AVEC ÇA ! »

Rappelons qu’en novembre 2018, Dans un Jardin annonçait qu’une proposition serait faite aux créanciers, que les 26 boutiques, les 3 centres de liquidation et l’usine de Boucherville allaient cesser leurs activités. L’entreprise croulait sous des dettes de 18,3 millions de dollars, selon le rapport du syndic, Richter (montant qui sera revu à la baisse).

« Notre intention était vraiment de fermer. Il n’y avait rien à faire avec ça ! », raconte Sylvain Lafrance.

Mais voilà, les Lafrance ont découvert, en travaillant dans les magasins « parce qu’il manque de personnel », que la marque jouissait encore d’un excellent capital de sympathie.

« On est allés sur le plancher des vaches. C’est ce qu’on n’avait pas fait dans le passé et qu’on aurait dû faire. »

Sylvain Lafrance, président de Dans un Jardin

De son côté, le syndic a contacté 85 acheteurs potentiels. Mais les « huit offres » reçues « n’étaient pas alléchantes ou substantielles ». Et surtout, la famille – principale créancière garantie – avait « déjà décidé de devenir gestionnaire ». Elle a donc offert 300 000 $ aux créanciers ordinaires, somme qui a été payée « le mois dernier », indique Richter, en précisant que les créances ordinaires totalisaient environ 2 millions.

Même si une dizaine de boutiques ont été fermées, l’entreprise n’a jamais cessé ses activités. Doit-on s’en étonner ? Non, répond Benoît Gingues, associé chez Richter. « La proposition existe justement pour faciliter les relances et éviter des fermetures. » Les entreprises ne peuvent pas faire faillite chaque fois qu’elles traversent une crise, « sinon, ça n’irait pas bien », juge-t-il.

QUOI DE NEUF EN BOUTIQUE ?

Plus naturel, moins cher

Tous les produits pour femmes et enfants ont changé d’allure, quand ce n’est pas aussi de recette. Les flacons sont « plus colorés », « plus faciles d’utilisation ». De nouvelles formules appelées « botabiome » et contenant des plantes qui poussent au Canada ont été créées. En outre, les prix de « certains produits » ont été réduits « de 10 à 20 % ».

Virage vert

L’entreprise propose beaucoup plus d’ingrédients « naturels ». « Tous les produits sont véganes » et non testés sur les animaux, « tous les contenants sont recyclables » et « les crèmes sont biodégradables ». « Avant, on ne faisait pas attention à ça et là, on s’est ajustés », rapporte Sylvain Lafrance. Il est même possible d’acheter des produits pour bébé Pois de senteur « sans fragrance ».

Gamme non genrée

Dans sa volonté de s’adapter aux valeurs de la génération Y, Dans un Jardin va jusqu’à retirer du marché ses collections pour enfant Princesse Jujube et Capitaine Dragon. « On les remplace par une gamme non genrée appelée Jujube les petits monstres et illustrée par Elise Gravel […]. Certains ne voulaient pas les laisser tomber. On a eu beaucoup de conflits à l’interne. »

Et en 2020 ?

« On a l’intention de sortir une gamme pour le visage, un baume à lèvres, de nouvelles fragrances, une crème solaire pour bébé, une pommade pour les fesses des bébés qui portent des couches lavables. La gamme pour hommes sera revampée, c’est la seule qu’on n’a pas refaite au cours des huit derniers mois. On veut aussi relancer le service de parfum sur mesure », énumère Sylvain Lafrance.

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