SANTÉ

Clara ou comment parler des troubles alimentaires aux ados

Clara

Vanessa Germain

Midi Trente, 144 pages,

16,95 $

Psychologue, Vanessa Germain vient de faire paraître Clara aux Éditions Midi Trente. Clara est une adolescente anorexique qui envie les filles dont les cuisses « ne se touchent pas lorsqu’elles marchent ». Elle échange des courriels avec Élizabeth, son amie de toujours, qui lui avoue avoir souffert de boulimie. La Presse a joint Mme Germain pour parler de ce récit fictif sur les désordres alimentaires, qui s’adresse directement aux jeunes.

Environ 10 % des adolescentes souffriraient de troubles alimentaires à un niveau plus ou moins alarmant, selon votre éditeur. C’est énorme, non ?

On évalue qu’environ 1 % des gens souffrent d’anorexie, et de 1 à 3 %, de boulimie. Mais la proportion augmente beaucoup si on inclut ceux qui présentent des désordres alimentaires à des niveaux moins élevés. On parle, par exemple, de gens qui peuvent avoir des orgies alimentaires ou des comportements compensatoires moins fréquents que nécessaire pour émettre un diagnostic. Ou encore, de gens qui ont des préoccupations excessives pour leur corps, leur poids ou la nourriture.

Les insatisfactions corporelles et les mesures de contrôle du poids et du corps débutent de plus en plus jeune. Par exemple, se peser de plus en plus souvent, ne plus vouloir se baigner avec les amis, sauter des repas dans le but de maigrir, etc.

Quel était votre objectif en écrivant Clara ?

Il s’agit d’abord et avant tout d’un guide pratique et thérapeutique utile pour mieux comprendre et mieux faire face au problème. Ce n’est pas un récit purement ludique.

Vous n’épargnez pas les lecteurs en mentionnant que l’anorexie a le taux de mortalité le plus élevé parmi les troubles de santé mentale. Qu’au bout de 10 ans, les anorexiques ont 5 % de risque de mourir. Cela vous paraît nécessaire ?

Absolument ! Dans les cas plus sévères, les séquelles physiques et la mortalité représentent malheureusement des dangers bien réels. C’est très important pour moi de mettre l’accent sur les risques associés à certains comportements. Lorsqu’il y a dénutrition ou purges, la vie peut être en danger.

C’est notre responsabilité première, en tant que professionnels de la santé, d’aborder ces risques. Cette prise de conscience est nécessaire, pour éviter le pire à ceux ou celles qui ne réalisent pas l’impact de leurs actions.

Vous conseillez de choisir un psy avec de bonnes compétences pour ce genre de problème. Tous ne font donc pas l’affaire ?

Un psychologue ne peut prétendre être compétent pour traiter tous les types de problèmes. Généralement, nous avons nos champs d’expertise en fonction des formations reçues et de nos champs d’intérêt. Comme les troubles alimentaires constituent une problématique complexe, c’est très important que l’intervenant responsable ait la compétence requise.

Que diriez-vous aux parents de Clara ?

Je dirais aux parents de Clara, ainsi qu’à tous les parents, de ne pas hésiter à ouvrir la porte si vous voyez un problème. Parlez-en ouvertement avec votre enfant, mais sans mettre de pression, sans le blâmer, sans critiquer et sans forcer quoi que ce soit. Je leur dirais également de rester très empathiques et patients, malgré les inquiétudes et l’impuissance qu’on peut ressentir lorsque notre enfant a ce problème.

Et à Clara ?

Je féliciterais Clara d’avoir eu le courage de s’ouvrir à son amie Élizabeth pour parler du problème et d’avoir, finalement, accepté de consulter. Plusieurs vivent le problème dans l’isolement ou dans la honte. Je lui dirais aussi de ne pas perdre espoir, puisqu’il est possible de s’en sortir.

ŒUVRE UTILE

Dans un courriel envoyé à son amie Élizabeth le 23 février à 21 h 2 min 37 s précises, Clara nie être anorexique. « Je fais tout ce qu’il faut pour être en super santé, se défend-elle. C’est écrit partout qu’il faut faire attention à ce qu’on mange et rester actif. » La jeune fille n’a plus ses menstruations, ses parents et son médecin s’inquiètent de sa perte de poids rapide, mais elle rêve d’être plus parfaite, plus populaire, plus désirable. Plus mince.

Au fil des courriels, Élizabeth, qui lui avoue avoir souffert de boulimie en 3e secondaire, amène Clara à voir la réalité. Le récit n’est pas naturel – quelles ados écrivent de longs courriels bien documentés, sans fautes ? –, mais sûrement très utile si, autour de vous, une adolescente vous inquiète. Clara lui donnera une foule d’informations sur les conséquences de ses gestes, des trucs pour calmer son anxiété et des pistes pour se faire aider.

Trois astuces pour t’aider à prendre plus de distance avec les idées destructrices qui te passent par la tête

1. Les chanter sur l’air d’une chanson que tu connais bien (par exemple, chanter « Tu es grosse » sur l’air de Frère Jacques).

2. Utiliser une voix ridicule pour imiter l’idée qui vient d’apparaître (par exemple, emprunter la voix d’un personnage de dessin animé pour dire « Tu es minable »).

3. Remercier tes idées, tout simplement (par exemple, « Merci de l’information, c’est fascinant ! »).

Source : Le piège du bonheur, de Russ Harris, aux Éditions de l’Homme, cité dans Clara de Vanessa Germain, aux Éditions Midi Trente.

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