Éditorial  Communications

Le droit à l’internet

L’internet à haute vitesse n’est pas encore considéré comme un service essentiel au Canada, mais ça pourrait venir

L’internet à haute vitesse est-il un droit fondamental, comme l’a affirmé récemment le premier ministre britannique ? On devrait au moins reconnaître qu’il s’agit d’un service essentiel, et s’organiser pour le rendre disponible dans les régions qui en sont privées.

« L’accès à l’internet ne devrait pas être un luxe, mais un droit – absolument fondamental en Grande-Bretagne au 21e siècle, a déclaré David Cameron dans un communiqué. De la même façon que nos ancêtres ont amené le gaz, l’électricité et l’eau à tous, nous allons amener large bande rapide à tous les foyers et les entreprises qui le désirent. »

Le premier ministre britannique veut instaurer une « obligation de service universel » pour l’accès à large bande, comme cela existe déjà pour le service postal. De la même façon que la Royal Mail doit offrir la livraison du courrier six jours par semaine à toutes les adresses du Royaume-Uni, chaque résidant serait en droit d’exiger une connexion internet avec une vitesse de téléchargement minimale de 10 mégabits par seconde (Mb/s)* d’ici 2020.

« Nous mettons toute la Grande-Bretagne en ligne, et en route pour devenir l’économie la plus prospère de toute l’Europe », claironne David Cameron.

Les critiques n’ont pas manqué de rappeler que la dernière promesse du genre (le réseau le plus rapide d’Europe d’ici 2015) n’est toujours pas remplie : avec une vitesse de téléchargement moyenne de 11,8 Mb/s, le Royaume-Uni se classe de justesse dans le top 10 européen. D’autres trouvent au contraire que 10 Mb/s est une cible trop modeste, puisque c’est en dessous de la moyenne actuelle.

Cette sortie fort remarquée a au moins le mérite de ramener le sujet sur le tapis. Il est quand même incroyable que des pays considérés comme très développés (le sien, le nôtre) laissent des régions entières sans accès à l’internet digne de ce nom.

Il ne s’agit pourtant pas d’un gadget.

La disponibilité de la haute vitesse a un effet direct sur l’attraction et la rétention de jeunes travailleurs – c’est la retombée la plus souvent mentionnée au dernier congrès annuel de la Fédération canadienne des municipalités. Et il faut au moins 25Mb/s, ont indiqué la majorité des délégués.

On est encore loin du compte. Si presque tous les résidants des grands centres ont accès à cette vitesse au Canada, moins du tiers des ménages des zones rurales peuvent en dire autant. Et pas besoin d’aller au fond des rangs : dans les petites agglomérations (moins de 29 000 habitants), un ménage sur six n’a pas accès à cette vitesse.

En Ontario, la moitié des agriculteurs doivent se contenter de moins de 5Mb/s et les deux tiers disent que leur connexion n’est pas fiable, montre une enquête réalisée cette année par leur fédération. La haute vitesse est pourtant essentielle à une foule d’activités à la ferme. Elle sert aussi bien à suivre la météo et les cours des denrées qu’à faire du commerce en ligne et à gérer des équipements sophistiqués. Un meilleur accès multiplierait les occasions d’affaires, ont d’ailleurs indiqué la majorité des répondants.

L’internet à haute vitesse n’est pas encore considéré comme un service essentiel au Canada, mais ça pourrait venir. La question est au cœur d’une vaste consultation entreprise par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. Le CRTC se demande notamment si l’accès à large bande devrait être ajouté à son « objectif du service de base » – une sorte de panier de télécoms auquel tous les Canadiens devraient avoir accès.

Plusieurs, dont le Centre pour la défense de l’intérêt public (PIAC), plaident qu’il n’y a pas d’accessibilité sans prix raisonnables. Les fournisseurs devraient-ils être obligés d’offrir un forfait de base, avec des vitesses minimales et un bloc de gigaoctets mensuel, à des tarifs encadrés par le CRTC, sur le modèle des lignes téléphoniques résidentielles ? C’est une question de volonté politique, d’organisation et de financement… à condition que le service soit disponible.

C’est ce dont il faut s’occuper en priorité, et au plus vite : assurer des connexions acceptables dans les régions négligées. Autrement, le service continuera à s’améliorer dans les centres qui sont déjà les mieux desservis, et à traîner de la patte dans les zones éloignées ou moins densément peuplées.

* La cible comprend aussi une vitesse de téléversement. C’est un facteur important, notamment pour les travailleurs à domicile, mais nous nous en tiendrons ici aux vitesses de téléchargement.

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