Délais dans le processus judiciaire

Utile, la nouvelle Charte des victimes ?

Adoptée il y a un peu moins d’un an par le Parlement, la Charte canadienne des droits des victimes améliore-t-elle le sort des victimes d’un crime ?

MIEUX QUE RIEN

Impossible d’être contre cette Charte qui, sur papier, vise à renforcer les droits des victimes et à améliorer leur participation dans le système de justice pénale, lance la présidente de l’Association québécoise Plaidoyer-Victimes, Arlène Gaudreault. Au moment de son adoption en avril 2014, le gouvernement de Stephen Harper l’avait vantée comme un outil qui transformerait le système de justice pénale canadien. Or, dans les faits, cette charte n’accorde pas de nouveaux droits aux victimes ; elle ne fait que regrouper les droits existants dans un même texte de loi, explique la criminologue. Ç’a tout de même le mérite d’être une démarche cohérente et structurée, dit-elle.

ET CES DROITS SONT…

En résumé, les victimes ont le droit d’être traitées avec respect, de recevoir des informations, d’être entendues à certaines étapes du processus, d’être aidées et dédommagées pour les préjudices subis.

AMÉLIORER LES RECOURS

« Il faut reconnaître que le législateur a voulu améliorer les recours pour les victimes qui se sentent lésées dans le système de justice pénale et en faciliter l’exercice, mais malheureusement, les résultats sont mitigés, pour ne pas dire décevants », poursuit la présidente de l’Association québécoise Plaidoyer-Victimes. La police, les poursuivants, la magistrature, le système correctionnel offrent déjà des mécanismes de plainte, fait-elle valoir, mais ils sont complexes. Les démarches sont lourdes à entreprendre et il y a un manque de transparence et de suivi dans le traitement des plaintes, dit-elle. « La Charte précise le cheminement d’une plainte lorsqu’il s’agit d’instances fédérales, mais elle reste très vague concernant les institutions provinciales », déplore la criminologue.

LA GRANDE ABSENTE

La grande absente de la Charte, c’est la justice réparatrice, croit Mme Gaudreault. L’idée, c’est de réunir des personnes ayant subi ou commis des crimes du même type (un agresseur sexuel avec une victime de viol, par exemple) ainsi que des membres de la communauté pour « dialoguer et restaurer ensemble ce que le crime a brisé », selon la définition du Centre de services de justice réparatrice. « Le Canada est un chef de file en la matière. Des gens de partout dans le monde viennent ici pour en apprendre sur nos méthodes. Or la Charte mentionne que ça existe, sans plus », affirme Mme Gaudreault. « Ça ne doit pas être imposé aux victimes. Mais si les mesures de justice réparatrice étaient inscrites dans la loi, ça permettrait d’en faciliter l’accès à celles qui souhaitent y participer », explique le professeur de droit à l’Université de Montréal Pierre Noreau.

L’OPINION D’UNE JUGE

« Les juges ont toujours été très préoccupés par les victimes. Il y a bien des choses dans cette Charte que nous faisions auparavant », affirme la juge en chef adjointe de la Cour du Québec, Danielle Côté. Les victimes avaient déjà le droit de faire une déclaration au moment des plaidoiries sur la peine, par exemple. « La Charte ne leur donne pas de droits nouveaux comme tels, mais clarifie les recours si les victimes sentent que leurs droits sont lésés. Je ne pense pas que ce soit une panacée », dit la magistrate.

SANS FINANCEMENT, POINT DE SALUT

Il est encore trop tôt pour évaluer comment les mesures prévues dans la Charte vont s’implanter sur le terrain, indique la criminologue Arlène Gaudreault. Par exemple, la loi prévoit de faciliter la participation des victimes les plus vulnérables au processus judiciaire en leur permettant d’être accompagnées d’une personne de confiance à la cour. « Qui va leur transmettre l’information ? Le tribunal est-il au courant de ce droit ? Qui va s’assurer que c’est respecté ? », demande-t-elle. Sans l’engagement et un apport financier de tous les ordres de gouvernement, la Charte restera une belle promesse sur le plan politique, mais aura peu d’effets dans la vie des victimes, conclut celle qui s’intéresse au sort des victimes depuis 35 ans.

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