LIVRE QUÉBÉCOIS LES DENIS DROLET

Cinquante nuances de brun

Comme du monde

Les Denis Drolet, illustrations de Vincent Léonard

Les Éditions de l’Homme, 240 pages

Des spectacles devenus DVD ? Les Denis Drolet en ont trois à leur actif depuis 2001. Des albums de chansons ? Trois aussi. Et des émissions télé ? Oui, quatre, sans compter leurs animations de L’Autre Gala de l’ADISQ et quelques webséries. Mais un livre ? Un vrai livre ? Le duo vient tout juste d’en publier un, illustré, pour accompagner la sortie de son troisième DVD, intitulé Comme du monde. Les DD peuvent désormais figurer dans les pages littéraires.

Quand il avait une dizaine d’années, Vincent Léonard, alias le « Denis à palettes », traînait dans son sac d’école le livre Cris et écrits (dits et inédits) de Plume Latraverse (éditions Rebelles, 1983). Un livre dans lequel le grand Plume avait consigné ses textes de chansons, entrecoupés de photos, de reproductions d’articles et de quelques dessins.

LES DD DANS LE TEXTE

« J’ai tellement aimé et tripé sur ce livre, explique Vincent Léonard, qu’à la fin, il était tout “déwrenché”, plus de couverture, les pages déchirées, on l’a tellement lu, Sébastien et moi, on le connaissait par cœur... C’est ce genre de livre-là que je voulais faire pour Les Denis Drolet. Même si ce n’est pas ça que ça donne au final », conclut-il avec humilité.

C’est Vincent qui a en effet abondamment illustré le livre Comme du monde : « Ça fait 15 ans que Vincent veut “ploguer” ses dessins, dit avec affection Sébastien Dubé, le “Denis barbu”. Là, il s’est gâté ! » Et nous aussi, car quoi qu’en pense le modeste Denis à grandes dents, les fans des DD vont tout à fait y trouver leur compte, comme Les DD l’avaient trouvé dans le livre de Plume !

D’abord, pour les fans qui veulent « jouer du Denis Drolet », on y trouve les dialogues de la plupart des sketchs figurant dans leur troisième spectacle et désormais troisième DVD Comme du monde – Le spectacle, créé en février 2012. Ils avaient reçu avec raison deux Olivier, dont celui d’auteurs de l’année. « Nous autres, on jouait du Ding et Dong quand on était jeunes », rappelle Vincent à propos de son confrère Sébastien Dubé et lui.

Ensuite, le livre donne d’étranges clés pour mieux saisir ce qu’il faut bien appeler le tragique des Denis Drolet, bien dissimulé sous l’absurde : après tout, dans Comme du monde, il était question de bipolarité, d’inceste, de père absent, de quête de normalité, d’identité masculine.

« On ne voulait pas mettre l’émotion devant le gag, mais c’est vrai qu’on avait un fil conducteur. Sauf que sur scène, l’énergie agressive, les personnages “over” peuvent distraire un peu du propos ! »

— Sébastien Dubé

LE POIDS DU PAPIER

Impossible sur papier. C’est une chose d’évoquer la mort, comme ils le faisaient dans leur spectacle, c’en est une autre d’intégrer dans le livre une photo de David, le frère de Vincent, décédé à 14 ans. Des photos, de petits hommages, il y en a, entre les nombreuses illustrations parfois burlesques de Vincent.

Qu’on se comprenne bien : ça ne donne pas un livre triste ni « songé », oh que non, mais souligne une profondeur qu’on ne soupçonne pas nécessairement quand on voit le Denis barbu hurler « Francine la chienne » ou le Denis à palettes imiter une perruche !

« Disons que c’est un livre avec des “p’tits bonshommes”, mais qui accompagnent des textes pour 18 ans et plus », résume Vincent, qui s’est permis toutes sortes d’affaires graphiques pour bien servir les gags. Ce n’est pas un hasard s’il a accepté d’être le porte-parole du 3e Festival de la BD de Prévost, fin août !

Chose certaine, en grands amoureux d’Ionesco et de Beckett qu’ils sont, Les Denis Drolet sont ravis d’être imprimés… en brun sur blanc, évidemment (bonjour, magnifique Pantone 4695U).

Oui, ils préparent une nouvelle émission télé, travaillent toujours sur leur projet de BD, pensent au prochain spectacle, élèvent leurs enfants (deux pour Sébastien, trois pour Vincent). Mais disons que cela fait vraiment plaisir aux DD d’être sur papier, eux qui, à leur toute première apparition officielle, en 1999, pendant la finale de Cégeps en spectacle, avaient récité du Claude Gauvreau en langage exploréen !

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