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La fin du monopole de la SAQ est toujours à l’étude, dit Leitao

QUÉBEC — Mettre fin au monopole de la Société des alcools du Québec (SAQ) dans la vente de vins et de spiritueux est toujours une option à l’étude au gouvernement, a affirmé hier le ministre des Finances, Carlos Leitao, après le dépôt d’un rapport de la vérificatrice générale sur la société d’État dont il a mis en doute certaines conclusions.

Guylaine Leclerc soutient que la SAQ ne prend pas tous les moyens à sa disposition pour obtenir le meilleur prix auprès de ses fournisseurs. En fait, « elle n’a pas intérêt » à acheter son vin moins cher, a-t-elle déclaré en conférence de presse, car si la SAQ obtient d’un fournisseur un prix à la baisse, sa rentabilité diminue tout comme les revenus versés au gouvernement sous forme de dividendes, à volume égal de ventes.

La VG met en lumière le grand « paradoxe » de cette société d’État, qui est tiraillée entre deux objectifs : offrir le vin au meilleur prix aux consommateurs et verser des dividendes au gouvernement, qui se fait toujours plus gourmand dans ses demandes année après année. Les politiques de la SAQ, autant en matière d’achat que de vente, doivent être révisées, selon elle.

La VG reconnaît que « pour le gouvernement, la structure actuelle a été intéressante ». Les revenus tirés de la SAQ ont bondi de 64 % au cours des 10 dernières années. Le gouvernement devra, selon elle, déterminer à qui profiteront les économies découlant d’une révision des pratiques à la SAQ : aux consommateurs ou à lui-même.

LEITAO SCEPTIQUE

Carlos Leitao est sceptique devant les conclusions de la VG indiquant que la SAQ « n’a pas intérêt » à obtenir un prix moins élevé pour le vin auprès des fournisseurs. « J’aurais besoin qu’elle m’explique comme il faut, je ne suis pas son raisonnement », a-t-il dit.

La VG ne se prononce pas sur la pertinence de maintenir le monopole de la SAQ. L’an dernier, la commission Robillard avait recommandé de le briser dans un rapport très critique sur la société d’État. Le gouvernement Couillard avait affirmé que cette option allait être étudiée. Mais il n’a toujours pas tranché à ce jour, a indiqué Carlos Leitao. Mettre fin au monopole, « c’est un scénario qui est regardé. Ce n’est pas exclu, mais ce n’est pas non plus assuré qu’on va le faire ». La Coalition avenir Québec demande au gouvernement d’abolir le « monopole malsain » de la SAQ qui « fait toujours plus d’argent sur le dos des consommateurs ».

Pour l’heure, la SAQ prépare un nouveau « plan d’affaires » qui permettra de répondre aux critiques de la VG, selon M. Leitao. Dans un communiqué, la SAQ a dit accueillir « favorablement » les recommandations de Guylaine Leclerc.

QUATRE CONSTATS DE LA VG

LES QUÉBÉCOIS ONT PAYÉ LEUR VIN 219 MILLIONS PLUS CHER QU’EN ONTARIO

Il y a des écarts de prix de détail, certains « anormaux », entre la SAQ et la LCBO pour les vins d’entrée de gamme et de milieu de gamme, souligne la VG. Mais si la SAQ révisait ses prix à la baisse, sa rentabilité diminuerait aussi. En fonction des données de 2015-2016, la SAQ subirait une baisse de ses ventes brutes annuelles d’environ 219 millions si elle affichait les mêmes prix qu’en Ontario, dans l’hypothèse où il n’y a pas d’augmentation du volume de ventes. C’est donc la somme que les Québécois paient de plus que les Ontariens pour les mêmes bouteilles. La VG signale également qu’à la SAQ, en 2014, « il y avait un risque de non-respect de la clause du meilleur prix départ (payé au fournisseur) pour 82 de quelque 600 produits courants disponibles à la LCBO, soit 14 % ». Pour sept produits, « rien n’était réglé » au 31 mars 2015.

UNE STRUCTURE DE MAJORATION À REVOIR

La VG recommande que la SAQ révise sa structure de majoration sur le prix de base, inchangée dans ses fondements depuis des années. Cette majoration vise à couvrir ses frais, à verser des dividendes au gouvernement, et tient compte des promotions. Cette majoration vient augmenter le prix d’une bouteille de 66 % à 131 %. En Ontario, la majoration est fixe (71,5 %). « Plus le prix de départ (payé au fournisseur) descend, plus la majoration appliquée par la SAQ baisse ce qui, par le fait même, diminue sa rentabilité », écrit la VG. Dès 1999, un rapport recommandait à la SAQ de revoir la structure de majoration. Or la société d’État a conclu que les consommateurs sont « plus réceptifs aux promotions qu’aux baisses de prix permanentes ».

APPELS D’OFFRES DÉFICIENTS

Dans ses appels d’offres, la SAQ définit une fourchette de prix à l’intérieur de laquelle elle veut vendre aux consommateurs un type de produit en particulier, un vin rouge de Bourgogne, par exemple. Elle « annonce à l’avance le prix qu’elle veut payer », déplore la VG. Un fournisseur est même exclu de l’appel d’offres s’il fait une proposition inférieure à la fourchette. Conséquence : il majore son prix pour satisfaire aux exigences de la SAQ. « Ça ne favorise pas les économies » lors de l’achat, et les consommateurs sont lésés, selon la VG.

MANQUE DE CONTRÔLE

La SAQ n’effectue pas tous les contrôles nécessaires pour vérifier si le prix qu’elle a payé est le même que dans d’autres marchés canadiens comme la LCBO, en Ontario. Pour des appels d’offres effectués en 2014-2015, le prix de détail de la LCBO n’est consigné que dans 19 % des dossiers et les simulations des prix de départ obtenus par la société ontarienne ne se trouvent nulle part, a découvert la VG.

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