ARTS VISUELS  Vladimir Velickovic

La catharsis d’un cercle vicieux

Vladimir Velickovic dit être condamné à représenter les horreurs de l’humanité. Exposé pour la première fois au Canada – au centre d’art 1700 La Poste, jusqu’au 21 juin – le peintre franco-serbe révèle dans de grandes toiles l’espèce humaine qui tourne en rond avec ses monstruosités. Une peinture d’une frappante réalité alors que les conflits meurtriers sont notre actualité quotidienne.

Diplômé en architecture pour faire plaisir à son père, Vladimir Velickovic savait que son destin était de peindre. Ce qu’il fait depuis 70 ans. « Je préférais dessiner plutôt que de jouer aux billes ou au foot avec les copains », dit en entrevue cet artiste né en Serbie.

Ayant grandi dans une famille éprise de culture, au cœur de la Yougoslavie communiste, il a d’abord peint des paysages. Mais ses souvenirs de la Seconde Guerre mondiale, notamment le fait d’avoir vu des citoyens pendus par les nazis dans les rues de Belgrade, l’ont marqué. Son œuvre a fini par en être imprégnée.

« Un vocabulaire et des symboles se sont mis en place de façon spontanée et ont continué de se développer depuis », dit-il. Du coup, les noirs et les gris marquent sa peinture de représentation du corps humain. Avec, ici et là, des touches de bleu et de rouge pour souligner l’espoir et l’horreur mêlés.

SCÈNES DE FIN DU MONDE 

Dans cette exposition de type muséal présentée au 1700 La Poste, des corbeaux aux becs agressifs, des pitbulls enragés et des corps humains nus, étêtés et meurtris valsent dans des mises en scène tragiques. Des hommes pendus par les pieds. Des têtes disloquées. Des mains crispées par la douleur. Des scènes de fin de monde, de dernière guerre mondiale.

Cette peinture de grand format, sombre dans les thèmes et dotée d’une lumière efficace, s’est nourrie des maîtres de la Renaissance, de Dürer, da Vinci ou Michel-Ange, de Goya, de l’imaginaire des surréalistes, de Francis Bacon que Velickovic a fréquenté à Paris et beaucoup d’Otto Dix dont il a le pragmatisme.

Qualifié parfois de figuration narrative, son style expressionniste est signé dans d’immenses paysages désolés, des champs d’horreur où animaux et humains se déchirent.

Il a fait peu de petits formats, mais il expose au 1700 La Poste une impressionnante série de 56 cadres intitulée Sans nom, 56 têtes horriblement mutilées. Des portraits de souffrance, d’effroi, de découragement qui nous frappent et rappellent les images de Touching Reality, l’œuvre que Thomas Hirschhorn exposait à la Biennale de Montréal l’automne dernier.

LE DRAME DE LA VIOLENCE HUMAINE

Vladimir Velickovic a connu des périodes picturales moins ténébreuses, mais il a toujours eu une certaine fidélité à traduire la violence humaine. L’Holocauste, la guerre des Balkans, la guerre du Golfe, etc. Fidélité d’un style en parallèle à l’homme fidèle à lui-même dans la perpétuation de ses violences.

Si son impressionnante peinture en est une de combat, Vladimir Velickovic – qui n’est pas croyant – n’en est pas pour autant torturé. Seulement concentré sur un unique objectif.

« La peinture n’est pas seulement pour le plaisir des yeux, dit-il. Je suis complètement impliqué dans ce drame humain et je ne m’occupe que de ce que l’homme fait à l’homme. Une violence cyclique, une folie, une agressivité qu’on ne peut arrêter, que je ne comprends pas et qui est de pire en pire. »

Intellectuellement et philosophiquement, il est incapable de ne pas voir cette violence chaque jour. Alors, il la traduit dans une peinture qui devient la catharsis d’un cercle vicieux. Le cercle vicieux de la violence qui a provoqué chez lui un autre cercle vicieux, celui de peindre et de peindre encore et toujours nos cruautés maladives.

« Je suis condamné à continuer d’ajouter quelque chose à ma propre histoire et à celle de l’humanité », dit-il, résigné.

Au centre d’art 1700 La Poste, jusqu’au 21 juin.

VLADIMIR VELICKOVIC

Août 1935 : Naissance à Belgrade (Yougoslavie)

1951 : Expose ses œuvres pour la première fois.

1960 : Diplômé en architecture et expose au Musée d’art moderne de Belgrade.

1965 : Obtient le prix de peinture de la Biennale de Paris.

1966 : S’installe à Paris où il vit et travaille encore.

1983-2001 : Professeur à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris

2009 : Crée le Fonds Vladimir Velickovic pour le dessin, qui récompense de jeunes artistes en Serbie.

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