Opinion : Parti démocrate

Viser l’impeachment ou la victoire en 2020 ?

En ce début d’année 2019, il est juste de s’interroger sur l’avenir de Donald Trump. Compte tenu du contrôle de la Chambre des représentants désormais aux mains des démocrates, Donald Trump fera-t-il l’objet du processus de destitution prévu à l’article II, section 4 de la Constitution américaine ?

Malgré le futur dénouement de l’enquête Mueller, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions. De toute façon, un vote majoritaire en Chambre ne fait que provoquer un procès au Sénat où les deux tiers des membres (majoritairement des républicains, le parti de Trump) doivent accorder leur assentiment à la destitution.

Destituer un président aux États-Unis n’a pas beaucoup de précédents. Les présidents Andrew Johnson et Bill Clinton, qui furent l’objet d’un vote majoritaire à la Chambre des représentants, ont gagné leurs procès au Sénat. Richard Nixon, quant à lui, a préféré démissionner après un vote en faveur de sa destitution par le comité judiciaire de la Chambre des représentants. Donc, à ce jour, nous sommes loin d’un tel scénario.

L’année 2019 est aussi le début officieux de la campagne des démocrates pour trouver un candidat à la présidence de 2020.

Pour le moment, aucune candidature n’a été officialisée, malgré l’annonce de la sénatrice Elizabeth Warren, du Massachusetts, le 31 décembre dernier, qu’elle explorait ses chances. On peut d’ores et déjà prévoir que plusieurs annonces se feront dans les semaines à venir.

Le président Trump, par son impopularité et sa gouvernance chaotique, est considéré comme vulnérable pour les élections de 2020 par plusieurs observateurs. La victoire décisive des démocrates le 6 novembre 2018 à la Chambre des représentants porte à croire que leurs gains de 2018 sont de bon augure pour 2020. Reste à voir si les démocrates vont faire de l’impeachment leur obsession ou s’ils vont s’atteler à préparer leur accession à la Maison-Blanche en 2020.

Sans aucun doute, le choix de Nancy Pelosi comme présidente de la Chambre m’apparaît judicieux. Elle est expérimentée (ayant rempli ce rôle de 2006 à 2010) et très disciplinée. Elle est également stratège et reconnue pour mener ses troupes avec une main de fer. De plus, elle n’a pas l’ambition d’accéder à un autre poste et assure que sa priorité sera de mettre en œuvre une approche pour remplacer l’occupant actuel de la Maison-Blanche.

Cela dit, il reste que la base démocrate souhaite le départ de Trump le plus rapidement possible et la tentation de lancer des enquêtes tous azimuts sur les avoirs de Trump, ses déclarations fiscales, ses affaires à l’étranger, et l’implication de ses proches dans des manœuvres plus ou moins douteuses pourrait être prioritaire pour certains démocrates.

Ainsi, entamer une démarche pour réaliser l’impeachment pourrait prendre le dessus sur la présentation d’une solution de rechange démocrate sérieuse à l’administration de Donald Trump.

Ce dernier, habile à jouer la victime, pourrait démontrer que les démocrates n’ont pas de vision ou de politiques pour faire avancer l’économie en particulier et le pays en général. La victoire des démocrates du 6 novembre – qui fut largement attribuée à un discours axé sur les besoins pratiques de leurs concitoyens comme les soins de santé, l’environnement, les inégalités sociales et la sécurité économique – ne doit pas se transformer en une croisade anti-Trump sans présenter une solution de rechange aux politiques du président actuel.

Les démocrates auront à faire un choix : faire tomber Trump en 2019 ou se concentrer à le battre aux élections de 2020. Je crois que les électeurs américains seront sévères envers les démocrates surtout si l’économie continue de montrer un rythme de croissance respectable, que Trump négocie un programme d’infrastructures avec des démocrates et qu’il réussit une entente convenable avec la Chine. Bref, si les adversaires de Trump n’ont rien à proposer pour inspirer et mobiliser les électeurs, la victoire souhaitée sera certainement compromise.

Des failles chez les républicains

Néanmoins, Trump est battable et il se peut aussi qu’une dissidence républicaine se manifeste à la veille de l’année électorale. Tout récemment, le nouveau sénateur Mitt Romney (ancien candidat républicain à la présidentielle de 2012) a publié une chronique contre le style et le comportement de M. Trump.

On a par ailleurs constaté que le récent départ du général James Mattis (secrétaire à la Défense) durant la période des Fêtes avait laissé des séquelles au sein du Parti républicain, et particulièrement au Sénat. Si l’enquête Mueller démontre une forme de corruption ou de collusion avec les Russes (après tout, quatre de ses proches collaborateurs ont plaidé coupable à différentes accusations), il se peut que l’électorat n'exige rien de moins que le départ immédiat de Trump. Mais les démocrates seront mieux avisés de planifier une lutte corsée à l’interne avec des débats politiques susceptibles de présenter un véritable choix face aux politiques de Trump.

Il est encore tôt pour prédire qui sera l’adversaire démocrate de Trump. Il y aura certainement des noms bien connus qui seront tentés – en plus de celui de Mme Warren. Je pense à l’ancien vice-président Joe Biden, au sénateur Bernie Sanders et à l’ancien maire de New York Michael Bloomberg, mais aussi à des élus actuels du Sénat comme Kirsten Gillibrand (New York), Amy Klobuchar (Minnesota) et Sherrod Brown (Ohio). Sans oublier la sensation du dernier scrutin de mi-mandat de novembre au Texas, Beto O’Rourke, qui continue d’attirer l’attention et d’attiser l’intérêt.

Peu importe, cette course ne doit pas perdre de vue que l’électeur s’attend à un débat vigoureux quant à l’avenir de son pays et il serait risqué de croire que le scrutin de 2020 portera seulement sur la personne de Donald Trump.

* L'auteur a également été délégué général du Québec à New York.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.