Emballage neutre des cigarettes

Les faux arguments de l’industrie du tabac

L’industrie du tabac et ses alliés ont entamé une campagne contre l’introduction de l’emballage neutre des cigarettes au Canada. Nous avons soumis leurs arguments à l’épreuve des faits.

Emballage neutre des cigarettes

L’échec de l’expérience australienne

Selon l’Association canadienne des dépanneurs en alimentation (ACDA), l’emballage neutre ne réduira pas le taux de tabagisme. « Les faits prouvent qu’il a échoué dans le seul pays où il a été essayé », lit-on sur son site web, effetsnondésirés.ca, spécialement créé pour combattre cette mesure de santé publique.

Vérification faite

En février 2016, le gouvernement australien a publié un rapport de suivi, quatre ans après l’entrée en vigueur de l’emballage neutre au pays. Ses conclusions sont claires : « Toutes les données majeures examinées montrent des baisses continues dans la prévalence du tabagisme en Australie. » Bien que ces baisses ne puissent être entièrement attribuées à l’emballage neutre – plusieurs mesures antitabac ayant été mises en place en Australie –, des analyses spécifiques montrent qu’il a contribué à ce déclin. Le rapport conclut que « l’emballage neutre réalise son objectif d’améliorer la santé publique en Australie et devrait avoir un impact substantiel pour la santé publique dans le futur ».

Emballage neutre des cigarettes

La flambée de la contrebande

Dans une campagne lancée le 19 septembre, JTI-MacDonald déplore « l’expérience ratée » de l’Australie, où « les ventes illégales ont bondi de 21 %. Si la même situation survient au Canada, il en coûtera 330 millions de dollars de plus aux contribuables canadiens ».

Vérification faite 

Les rapports gouvernementaux réalisés après l’introduction de l’emballage neutre ne révèlent aucune augmentation massive du commerce illicite du tabac en Australie. Selon l’Australia National Drug Strategy Household Survey, moins de 3,6 % des fumeurs ont rapporté faire usage de tabac illicite en 2013. Ils étaient d’ailleurs moins nombreux à le faire qu’avant l’introduction de l’emballage neutre, en 2010. Dans son rapport de suivi, le gouvernement a souligné en février 2016 que toutes les études « révisées par les pairs » n’avaient trouvé « aucune preuve de l’augmentation de l’usage de cigarettes de contrebande ».

Emballage neutre des cigarettes

Les études le prouvent

Sur son site web, l’ACDA va plus loin que JTI-MacDonald en affirmant qu’« une étude de 2015 effectuée par KPMG a démontré que la consommation de tabac illégal de contrebande en Australie avait bondi de 30 % au cours des deux années précédentes ».

Vérification faite

Une série d’études de KPMG laissent entendre que la contrebande a en effet explosé en Australie. Ces études ont été commandées par British American Tobacco, Philip Morris et Imperial Tobacco. Dans un « avis important » publié en préambule, KPMG souligne d’ailleurs répondre au « mandat spécifique » que lui ont donné les trois multinationales ; les études ne devraient donc pas être invoquées « pour tout autre objectif ». En mai 2014, la firme a cru bon prendre ses distances, précisant que son rapport avait été « déformé par d’autres, sans [son] consentement, pour suggérer qu’il soutenait la thèse selon laquelle l’emballage neutre pourrait mener à l’augmentation de la contrebande du tabac ».

Emballage neutre des cigarettes

La violation d’un droit constitutionnel

Imperial Tobacco Canada considère que « la banalisation de l’emballage mène à une privation de droits de propriété intellectuelle importante et constitue clairement une violation de la liberté d’expression, un droit si fondamental qu’il est enchâssé dans la Constitution canadienne ».

Vérification faite

Les multinationales du tabac ont poursuivi les gouvernements d’Australie et du Royaume-Uni sous prétexte qu’ils brimaient leurs libertés en les forçant à vendre leurs cigarettes dans un emballage neutre. Leurs arguments ont été rejetés par les plus hautes cours des deux pays. Ces échecs n’empêchent pas les cigarettiers de songer à poursuivre Ottawa. « Si le gouvernement s’approprie les marques de commerce, c’est certainement une option qu’on sera obligé d’envisager », dit Éric Gagnon, d’Imperial Tobacco. Dans ce cas, les tribunaux devront déterminer si vendre un produit mortel dans l’emballage de son choix est un droit constitutionnel.

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