Chronique

Il y a aussi des tatas à pédale

Vous avez été des dizaines à réagir à ma chronique de samedi sur les tatas qui sont ouvertement hostiles aux cyclistes sur les routes du Québec et vous avez confirmé ce que j’avançais dans ce papier : l’immense majorité des automobilistes est bienveillante face aux plus vulnérables de la route.

Ceux qui disent que les cyclistes n’ont pas d’affaire sur les routes, point ? Une minorité. Une minorité très bruyante.

Mais je ne peux pas passer sous silence un grief récurrent soulevé par mes lecteurs. Un grief que je résumerais ainsi : il y a aussi des tatas à vélo, aussi…

Oui.

Il suffit d’ouvrir les yeux pour voir des cyclistes faire des bêtises dans les rues de Montréal, comme chantait Corbeau. Chacun a son histoire d’horreur de cycliste qui se magasine activement un séjour au centre de réadaptation Lucie-Bruneau.

Je ne suis pas aveugle, je les vois aussi, ces cyclistes qui brûlent les rouges, zigzaguent entre les voitures, ces slalomeurs de trottoirs, des Lance Armstrong qui roulent à une vitesse ne leur laissant aucune marge de manœuvre pour les obstacles urbains : chien lâché lousse, banlieusarde cherchant l’adresse de sa belle-soeur en traversant la piste de la rue Rachel, la voiture qui force sa jaune, nid-de-poule, écureuil fuyant le chien lâché lousse, portière qui s’ouvre dans sa face…

J’essaie patiemment d’expliquer à ces lecteurs-là que dans la plupart des cas, le cycliste qui déconne ne met en danger que sa propre sécurité.

La différence entre ce tata à pédale et le tata en Toyota, c’est évidemment que si le tata à pédale frappe mon auto par imprudence, statistiquement il ne blessera personne. 

Le tata en Toyota, il peut blesser des automobilistes, des piétons et des cyclistes. Il en blesse d’ailleurs régulièrement, et même s’il n’est pas tata au fait.

Mais au-delà des blessures que les cyclistes peuvent s’attirer s’ils déconnent sur les routes, il y a toute la question de la perception du public : chaque cycliste qui traverse en fou une traverse à piétons au mépris des poussettes et des mémés salit la réputation des cyclistes, de tous les cyclistes. Il confirme les préjugés que même les automobilistes les plus bienveillants peuvent avoir face à notre présence sur les routes…

Je l’ai dit, je le répète : il n’y a pas de guerre sur les routes de Montréal entre vélos et autos. Il y a une cohabitation difficile, comme chaque fois depuis la nuit des temps que les êtres humains sont en concurrence pour occuper l’espace.

Et une des meilleures façons d’atténuer les tensions de cette cohabitation roulante, à mon sens, reste d’aménager nos routes et nos intersections intelligemment.

Prenez l’accident de vendredi dernier, près de la Grande Bibliothèque, le camion a coupé la voie du cycliste, qui avait encore 200 mètres de droite ligne avant d’arriver à Maisonneuve.

Je ne vois pas comment le cycliste peut être dans le tort. Le chauffeur est venu couper la ligne droite d’un autre usager de la route : sa faute. Mais…

Parce que oui, il y a un mais…

Mais c’est un exemple d’aménagement urbain stupide que de pousser des camions de livraison à traverser une piste cyclable comme s’il s’agissait d’une manœuvre naturelle. Ce ne l’est pas.

Le chauffeur, nonobstant sa prudence ou sa témérité, doit d’abord jauger s’il a le temps de traverser la voie inverse de Berri, avec les voitures roulant en direction sud.

Il doit simultanément jauger s’il a le temps de passer dans la piste cyclable en regardant devant lui pour les cyclistes qui roulent vers le sud. Ce n’est pas tout : il doit regarder derrière lui pour les cyclistes roulant vers le nord.

C’est une opération complexe, d’un point de vue de conduite automobile. Et la solution, ici, n’est pas d’espérer que chaque livreur d’un chargement destiné à la Grande Bibliothèque réussisse à emprunter le chemin de service sans tuer ou écraser un cycliste.

C’est de faire passer les camions par la petite rue Savoie, juste à l’ouest de Berri, loin de la piste cyclable.

Je répète : aménagement, aménagement, aménagement. On ne parle pas ici d’envoyer un homme, sa femme et leur chat sur Mars. Juste d’organiser l’espace, ce que l’être humain fait depuis la nuit des temps. On devrait y arriver, mais il faut de la volonté… politique.

À LA FIN, LA FAIM

On regarde dans le rétroviseur de l’Histoire, et on s’étonne de la bêtise qui prévalait, jadis.

Hein, les femmes ont dû se battre pour avoir le droit de vote ?

Hein, le travail des enfants fut naguère chose répandue ?

Hein, les gens disaient vraiment « Un dernier drink pour la route » aux convives déjà ivres qui s’apprêtaient à prendre le volant ?

Et c’est ainsi que, perchés sur le piédestal des années, on trouve parfois nos aïeux un peu niaiseux…

Dans quarante, dans cinquante ans, je me demande comment nos descendants nous jugeront, nous, citoyens de 2016, quand ils réfléchiront aux conditions de fin de vie imposées aux malades.

Avez-vous lu cette lettre du Dr Pierre Viens, dans l’édition de lundi de La Presse+ ?

Il y décrit l’histoire d’Hélène L., une de ses patientes qui s’est laissée mourir de faim. Souffrant de sclérose en plaques, cette femme de 70 ans était emprisonnée dans son corps. Seule sa main gauche pouvait à peine, faiblement, se faufiler entre les barreaux de sa prison.

Hélène L. aurait dû pouvoir mourir en vertu des lois provinciale et fédérale qui encadrent l’aide médicale à mourir…

Elle n’y a pas eu droit, parce que les élus du fédéral ont depuis 10 ans manqué le bateau de la fin de vie. Les conservateurs, pour des raisons idéologiques, d’abord, n’ont jamais voulu arrimer le cadre législatif à l’évolution des mœurs canadiennes là-dessus. Forcé d’agir par l’arrêt Carter, le gouvernement Harper a encore résisté et mis de l’eau dans le gaz. Ensuite, ce fut aux libéraux d’agir, pressés par l’échéancier de la Cour suprême dès leur arrivée au pouvoir. La loi fédérale imaginée par les libéraux est un moignon de dignité offert à un nombre restreint de malades. Si vous êtes emprisonné dans votre corps, comme Hélène L., tant pis. La loi n’est pas pour vous. Crevez dans d’atroces souffrances.

Et c’est ainsi qu’Hélène L. a dû se laisser mourir de faim pour quitter sa prison. Deux semaines de privation, pas d’eau, pas de nourriture.

La mort à petit feu.

Le contraire de la dignité.

FRANÇOIS LEGAULT, ÉGALITAIRE

Le chef de la CAQ a pris le ballon identitaire et il court, il court, il court vers la zone des buts de 2018.

Hier, défendant les tests qu’il veut faire passer aux immigrants pour s’assurer que ceux-ci respecteront « nos valeurs », François Legault a donné l’égalité hommes-femmes comme exemple d’une de ces valeurs.

Ce serait chouette si M. Legault, au nom de l’égalité hommes-femmes, annonçait que les 124 candidats de la CAQ (hormis le chef) seront 62 hommes et 62 femmes en 2018. Et que s’il est élu premier ministre, son cabinet comptera autant d’hommes que de femmes.

Sinon, on pourrait penser que son réveil identitaire n’est qu’électoralisme.

Je dis ça de même.

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