Chronique

Si votre garantie fait défaut

Il y a des commerçants qui ne badinent pas avec le service à la clientèle. J’en ai eu la preuve cette semaine.

Il y a trois ans, j’avais installé chez moi des encastrés DEL qui devaient pratiquement durer pour l’éternité. Constatant que 12 ampoules étaient déjà brûlées, j’ai téléphoné au fournisseur qui m’a demandé de lui envoyer des photos des ampoules défectueuses avec le numéro de série et mon adresse. Tenez-vous bien, deux jours plus tard, des ampoules neuves étaient livrées à ma porte. Gratuitement. Merci beaucoup !

Mais tous les commerçants ne sont pas de cette trempe. Certains se font tirer l’oreille lorsqu’un de leurs produits rend l’âme prématurément. Ce n’est pas pour rien que les problèmes liés à l’application de la garantie représentent plus de 20 % des plaintes reçues par l’Office de la protection du consommateur (OPC).

Je vous rappelle qu’au Québec, tous les produits sont couverts par la « garantie légale », qui stipule qu’un bien doit pouvoir servir à un « usage normal » pour une « durée raisonnable ».

Mais au lieu de s’entendre avec les consommateurs, bien des commerçants les forcent à aller en cour pour faire respecter cette garantie… comptant sur le fait que les clients baisseront les bras plutôt que d’aller aux petites créances, ce qui prend du temps, de l’argent et un minimum de connaissances.

Pour mieux outiller les consommateurs, l’OPC a développé un outil fort utile qui est disponible sur son site internet.

Il s’agit d’une série de résumés de jugements portant sur différentes catégories de produits qui donnent des balises aux consommateurs aux prises avec un problème semblable.

Vous avez un problème de lave-vaisselle, de frigo, de téléviseur ? Allez faire un brin de lecture. « Chaque cause a sa subtilité et recèle des informations précieuses sur ce qu’il est raisonnable de demander », dit Charles Tanguay, porte-parole de l’OPC.

La question qui tue

D’abord, quelle est la durée de vie raisonnable d’un produit ? C’est la question qui tue ! Il n’y a pas de réponse claire, mais la lecture des jugements démontre que les produits sont garantis bien plus longtemps que le commerçant ne voudrait nous le faire croire et bien au-delà de la garantie du manufacturier.

Pour les cuisinières, par exemple, la durée de vie normale oscille autour d’une dizaine d’années. Mais tout dépend du prix payé.

Au prorata

Quand le consommateur a déjà utilisé le produit, il est rare que le tribunal accorde un remboursement entier. Généralement, le juge octroie un remboursement au prorata de l’utilisation.

Prenez un consommateur qui avait acheté une laveuse Kenmore haut de gamme pour 1000 $. La cuve s’est mise à fuir après 13 mois, à cause d’un défaut de fabrication. Sears a refusé d’aider son client parce que la garantie conventionnelle était échue depuis un mois. Faut le faire !

En estimant la durée de vie raisonnable à 10 ans, le juge a finalement accordé 875 $ au client en considérant qu’il avait utilisé 12 % de la valeur de l’appareil.

Coût des réparations

Dans d’autres circonstances, le tribunal accordera simplement le prix d’une réparation, comme dans le cas d’un client qui avait acheté une cuisinière Samsung chez Corbeil Électroménagers pour 1200 $. Cinq mois plus tard, la plaque de cuisson en vitrocéramique a craqué. Le client voulait récupérer le prix d’une cuisinière neuve. Mais comme il suffisait de changer cette pièce, le juge lui a accordé seulement 360 $ pour la réparation.

Perte de temps et inconvénients

Appels, déplacement, attente du technicien… Les consommateurs perdent un temps fou à faire réparer les objets qui ont un défaut de fabrication. Sans compter qu’ils sont privés de l’usage du produit pendant ce temps, ce qui peut leur faire subir des inconvénients majeurs.

Mais les juges peuvent dédommager les consommateurs pour ces ennuis. Parfois, les dommages accordés vont au-delà du prix de vente du produit. C’est ce qui s’est produit pour une mère célibataire de quatre enfants, dont un souffrant d’énurésie nocturne.

La dame s’est retrouvée dans de beaux draps quand la laveuse qu’elle avait payée 517 $ a fait défaut. Obligée d’aller au « lavomat » quotidiennement pendant deux mois, elle a obtenu du tribunal un dédommagement de 1450 $ pour les frais de buanderie, de 1370 $ pour le temps qu’elle y a perdu et de 130 $ pour l’essence afin de s’y rendre.

Usage abusif

Mais les consommateurs n’ont pas toujours gain de cause. Les commerçants rejettent souvent la faute sur le dos du client pour ne pas avoir à réparer le produit. Dans l’électronique, par exemple, ils diront que l’appareil a été brisé par une surtension ou qu’il a subi un choc.

« Ces arguments sont souvent reçus avec froideur par le tribunal », constate M. Tanguay.

Mais quand le commerçant peut effectivement prouver que le consommateur n’a pas fait un usage normal du produit, la cause tombera à l’eau. C’est ainsi qu’un client est ressorti bredouille de la cour, car il avait admis avoir utilisé la fonction autonettoyante de son four à nombreuses reprises sans retirer les grilles de l’appareil, contrairement aux recommandations du fabricant. L’expansion des grilles durant le nettoyage était responsable du bris.

Délais et procédures

D’autres justiciables perdent leur recours parce qu’ils ont attendu trop longtemps avant de réagir. D’autres se font avoir pour des questions de procédures. Notamment, la loi oblige l’acheteur à envoyer une mise en demeure écrite au commerçant pour lui faire part du vice qu’il a découvert.

Le propriétaire d’une thermopompe qui avait flanché après sept ans l’a appris à ses dépens. Au téléphone, le commerçant avait refusé de l’aider, disant que sa garantie de cinq ans était échue. Le client en a donc acheté une neuve, puis il l’a poursuivi pour 2000 $. Mais sa demande a été rejetée parce qu’il n’avait pas fait de mise en demeure en bonne et due forme. Quel dommage !

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.