Volaille

L’oie
en trois
plats

Deux oies, trois recettes, plusieurs repas ! Voici ce que nous vous proposons pour arriver à Noël avec des réserves particulièrement gourmandes, généreuses et originales.

UN DOSSIER D'ÈVE DUMAS et edouard Plante-fréchette

Le confit d’abord

Une oie entière au centre de la table, ça peut flatter l’œil. Mais une oie dont chaque partie a été cuisinée de manière optimale, ça flatte le palais, ce qui est encore mieux !

L’éleveuse Fernande Ouellet (Rusé comme un canard), le boucher David Aghapekian (Dans la côte) et le chef John Winter Russell (Candide) se sont réunis pour cuisiner la bête en trois recettes. Deux d’entre elles se préparent d’avance, dont le simplissime confit qui suit.

Il faut compter au moins 25 $ le kilo, pour une oie qui pèse en moyenne 4 kg (donc 100 $ au total). Mais sachez que vous pourrez facilement faire une dizaine de portions par oie, toutes parties confondues. Pour les grosses familles, nous suggérons deux volatiles. On peut même remplacer l’oie par du canard, dans toutes les recettes de ce dossier.

Si vous n’êtes pas à l’aise avec la découpe, demandez à votre boucher ou bouchère. On veut retirer les cuisses et les poitrines. Les ailes ? Ajoutez-les au confit ou faites-les cuire au four, façon Super Bowl de luxe. Et les carcasses ? Imaginez le beau bouillon que vous pourrez faire avec les os…

David Aghapekian, de la boucherie Dans la côte, propose même de laisser les poitrines vieillir un peu sur coffre dans sa chambre froide, si jamais cela vous dit de les garder pour plus tard, plutôt que de les manger le soir même, comme nous vous le proposons.

En ce qui concerne le confit, David Aghapekian s’est amusé à tester différentes méthodes pour arriver au meilleur résultat. À la boucherie, le cuisinier de formation et (anciennement) de profession (Olive + Gourmando, Au Pied de Cochon, Le Réservoir) prépare son confit sous vide. Avec cette méthode, il n’a pas besoin d’ajouter de gras, une denrée quand même rare lorsqu’on fait affaire avec de tout petits producteurs. Sous vide, les cuisses peuvent être confites dans leur propre gras.

Pour nous, il a aussi testé la cuisson en gros pots Mason. Ce fut concluant. Il s’est intéressé à la méthode de son ami John Winter Russell (chef du Candide), qui fait confire de petites quantités de cuisses au four, dans un linge, puis dans un emballage de papier d’aluminium. Cette méthode est idéale pour les petites quantités (deux cuisses, par exemple). Mais la manière qui mariait mieux simplicité et résultat moelleux était sans conteste… la mijoteuse ! À vos Crock-Pot !

Confit d’oie à la mijoteuse

Par David Aghapekian

Cette recette peut facilement nourrir 8 personnes à Noël, s’il y a plusieurs autres plats sur la table.

INGRÉDIENTS

35 g de gros sel de mer

25 g de cassonade

25 g de genièvre

25 g de poivre noir en grains

15 g de sapin baumier séché ou de romarin

4 belles cuisses d’oies, entières, avec peau (ou 6 cuisses de canard)

100 ml de vin rouge

PRÉPARATION

1. Dans un bol, combiner le sel, la cassonade, le poivre, le genièvre et le sapin baumier.

2. Compter 25 g de mélange par kilo de viande (on conserve ce qui reste dans un petit contenant hermétique).

3. Frotter les cuisses avec le mélange et laisser reposer au réfrigérateur pendant deux heures.

4. Dans la mijoteuse, disposer les cuisses, bien tassées, chair vers le bas. Verser le vin rouge.

5. Cuire pendant quatre heures à « low ». Au besoin, arroser les cuisses avec leur propre liquide de cuisson. Veiller à ce que la viande soit souple et se détache de l’os.

6. Refroidir les cuisses et les emballer délicatement avec leur gras et le jus de cuisson dans un contenant hermétique. Congeler jusqu’à Noël !

7. Au moment du service, dans une poêle antiadhésive, colorer les cuisses côté peau en les arrosant avec leur gras de cuisson. Des légumes marinés ajoutent une touche d’acidité au plat.

D’autres options

• Au goût, les pilons d’aile peuvent être cuits avec les cuisses. Les cœurs et les gésiers aussi ! Même temps de cuisson.

• Pour la cuisson sous vide, procéder de la même façon. Emballer hermétiquement les cuisses (ou les abats) dans un ou des sacs pour la cuisson sous vide. Cuire pendant une douzaine d’heures, à 70 °C (160 °F).

• Essayez la méthode John Winter Russell en emmaillotant deux cuisses dans un linge, puis dans du papier d’aluminium. Cuire à 150 °C (300 °F) pendant trois heures et demie. Faire le test du pouce : il faut que la viande cède sous le pouce.

• On peut acheter les produits de Rusé comme un canard à la boucherie Dans la côte. On pourra aussi se les procurer au Marché de Noël de la Haute-Yamaska, qui se tient encore aujourd’hui et demain, au Marché d’hiver de la Ferme Héritage Miner, le 22 décembre, ainsi qu’au Marché des saveurs du marché Jean-Talon, également le 22 décembre.

• La boucherie Lawrence prend les commandes pour des oies de la Ferme Au pied levé jusqu’au 12 décembre.

• Pascal le boucher tiendra les oies de la nouvelle ferme Les canards d’abord.

Des poitrines à griller

Gâtez-vous le soir même en faisant cuire pour souper une ou deux des quatre poitrines des bêtes dont vous venez de confire les cuisses. Magret ou poitrine ? Le magret est la poitrine d’une oie (ou d’un canard) qui a été gavée, pour produire du foie gras. Les oies blanches de Rusé comme un canard n’ayant pas été gavées, nous parlons de poitrine. Mais les recettes qui suivent peuvent également être préparées avec des magrets de canard.

Oie, pommettes et oignons

Par John Winter Russell

Pour 2 à 4 personnes, selon l’appétit

Une poitrine d’oie nourrira facilement deux personnes, peut-être même trois ou quatre, s’il y a d’autres services ou des accompagnements. Doublez la recette si vous avez deux poitrines (et de nombreux convives à table). Vous pouvez aussi emballer soigneusement les poitrines et les placer au congélateur pour les cuisiner plus tard. Le chef John Winter Russell propose d’utiliser le barbecue une toute dernière fois avant de le ranger pour l’hiver. Si vous utilisez du charbon, gardez-le à l’intérieur. Il s’allumera ainsi plus facilement.

INGRÉDIENTS

1 poitrine d’oie, débarrassée de son excédent de gras

400 g de pommettes ou de pommes acidulées plutôt que sucrées (Granny Smith plutôt que Cortland, par exemple)

1 poignée d’airelles ou de canneberges

20 très petits oignons ou oignons perlés

200 g de beurre non salé

Sel

Huile de tournesol

Vinaigre de cidre

PRÉPARATION

Pour la sauce aux pommettes

1. Préchauffer le four à 200 °C (400 °F). Déposer les pommettes ou des pommes en quartiers dans un petit récipient allant au four. Ajouter un tout petit peu d’eau, couvrir et faire cuire à la vapeur, au four, jusqu’à ce qu’elles éclatent. Passer les pommettes au moulin ou au presse-purée pour retirer les pépins, puis transférer au mélangeur tandis qu’elles sont encore chaudes, avec le beurre et une pincée de sel. Garder au chaud.

Pour les oignons

2. Laver les oignons, les couper en deux, les enduire d’huile et saler légèrement. Griller au barbecue jusqu’à ce qu’ils soient bien marqués. Déposer les oignons dans un contenant avec couvercle et laisser la cuisson se poursuivre à la vapeur pendant au moins 20 minutes. Défaire les oignons en pétales. Ajouter un peu de vinaigre de cidre, de sel et garder au chaud.

Pour l’oie

3. Saler la poitrine généreusement et laisser chambrer. Sur un barbecue bien chaud, cuire la poitrine en commençant côté peau, de 20 à 30 secondes, avec de 20 à 30 secondes de pause entre les saisies. Cela permettra au gras de commencer à fondre. Au bout d’une dizaine de saisies, commencer à faire cuire la viande en la tournant toutes les 30 à 40 secondes, ce qui assurera une cuisson bien égale. Pour une grosse poitrine d’oie, cela peut prendre jusqu’à 20 minutes.

Si le barbecue est déjà rangé, on peut faire cuire la poitrine dans une poêle en fonte. Commencer côté peau et bien dorer. Retourner la poitrine et enfourner à 200 °C (400 °F) pour une quinzaine de minutes.

PRÉSENTATION

1. Laisser l’oie reposer pendant 5 à 10 minutes, puis la trancher. Déposer quelques bonnes cuillerées de purée de pommettes au fond de l’assiette. Disposer des tranches de poitrine en éventail sur la sauce.

Faire chauffer les airelles dans un peu de beurre. Recouvrir les poitrines avec les oignons et disposer les airelles dans les pétales. Servir immédiatement.

Le « jambon » d’oie de Fernande Ouellet

La poitrine (ou le magret) d’oie (ou de canard) séchée est sans doute la charcuterie la plus simple à réaliser à la maison. Pourquoi ne pas l’essayer ? Il suffit de travailler avec des mains, des ustensiles et des surfaces propres pour éviter la contamination.

INGRÉDIENTS

2 poitrines d’oie

2 kg de sel casher

Épices au choix, concassées au mortier (thym, romarin, sapin, genévrier, laurier, etc.)

PRÉPARATION

1. Dans un grand plat, verser la moitié du sel. Y déposer les poitrines, côté chair, puis recouvrir du reste du sel.

Couvrir et réfrigérer pendant 24 heures.

2. Retirer les poitrines du sel, rincer à l’eau froide. Éponger, puis frotter le côté chair avec le mélange d’épices.

3. Envelopper la poitrine dans un linge propre ou dans de l’étamine (coton à fromage), puis laisser sécher au réfrigérateur pendant au moins deux à trois semaines. On veut idéalement éviter de surcharger son réfrigérateur pour que l’air continue de circuler.

4. Au moment de servir, couper en tranches fines. Vous pouvez laisser sécher la deuxième poitrine jusqu’au Nouvel An, ou plus longtemps encore !

Portrait

Les vœux de Fernande

Depuis 2011, Fernande Ouellet et Francis Laroche élèvent des oies et des canards de la manière la plus respectueuse qui soit. Quelques années plus tard, leurs produits sont dans plusieurs des meilleurs restaurants du Québec – Manitoba, Candide, Mon Lapin, etc. – et sur les tables des maisonnées les plus gourmandes.

Ces délices d’exception n’ont pas à être réservés aux grandes occasions, mais ils rehaussent si bien un souper de Noël ou du Nouvel An. Nombreux sont les Québécois qui souhaitent fêter avec du magret, du foie gras, des rillettes et d’autres richesses.

Les Fêtes sont donc naturellement une période fort occupée pour les artisans de gourmandises que sont Fernande et Francis, deux ex-urbains qui travaillaient dans le domaine de la photographie. En décembre, on peut désormais les croiser dans quelques marchés de Noël et épiceries fines, ou à la ferme, sur rendez-vous. Ils prennent également les commandes sur leur site web.

Bref, le 24 décembre au soir, ils sont bien vannés ! Le réveillon se tient toujours dans la famille de Francis, où ils ont congé de popote. Le 25, c’est Noël en pyjama avec les enfants, pour le traditionnel festival de dessins animés au salon.

Dans les jours qui suivent, il se peut que des amis se pointent à la maison. On remplit alors la table d’« œufs à la diable » et d’autres recettes un peu « kitschs », de magrets fumés, de pâtés, de saucissons et de foie gras. Peut-être qu’on préparera aussi un tartare de canard minute. « Même si on est un peu tannés de manger nos produits, Francis, les enfants et moi, ça fait toujours plaisir à la visite », admet Fernande.

Chez Rusé comme un canard, le plaisir du gourmand éclairé et exigeant est décuplé par le fait que l’on connaît les pratiques agricoles impeccables du couple. Ici, carnivorisme et bien-être animal vont de pair.

Les bêtes – environ 600 par année – passent leurs journées au champ. Le gavage des canards et des oies grises dure 12 ou 13 jours, juste avant l’abattage, tandis que le volatile est âgé de 12 à 14 semaines. Il se déroule dans de grands parcs, manuellement, 50 bêtes à l’heure. Contrairement à ce qui se fait dans les productions industrielles – où l’on nourrit plutôt 500 bêtes à l’heure avec des gaveuses pneumatiques, Francis ne remet pas de maïs si le repas précédent n’a pas été digéré. Ici, le taux de mortalité est à zéro.

À terme, on se retrouve avec de belles bêtes de 4 kg (dans le cas des oies) et des foies d’une moyenne de 885 g qui ne fondent pas du tout à la cuisson.

La prochaine étape dans l’amélioration du bien-être animal, selon Fernande ? S’attaquer au dossier du manque d’abattoirs au Québec. L’agricultrice et mère de deux garçons a récemment terminé sa maîtrise en développement rural intégré, à l’Université Laval. En plus de pratiquer l’agriculture, elle la pense. Nous lui avons donc permis de formuler quelques souhaits pour une agriculture meilleure. Les voici.

« Chère mère Noël,

Mes enfants écrivent leurs souhaits à votre mari, tandis que je les regarde et réfléchis à leur avenir. Vivront-ils en ville, à la campagne, en ville construite sur la campagne qui les a jadis nourris et où ils ont grandi ? J’ai moi aussi des souhaits à formuler, pour eux dans l’avenir, et pour nous comme collectivité maintenant. Je prends donc la plume et je vous écris. Vous êtes sûrement moins sollicitée et peut-être qu’entre femmes nous comprendrons-nous lorsqu’il s’agit du bien commun.

La transition vers la durabilité comprend l’émergence d’une agriculture à échelle humaine qui nourrit son territoire, la terre comme les communautés. Voici, entre autres, ce qui pourrait permettre aux citoyens d’y participer.

Faciliter l’accès à la terre en permettant de morceler de petits lots de 10 hectares en région dévitalisée, pour le démarrage de projets à échelle humaine, et accorder le droit de s’y construire, tout en accompagnant ce droit d’une obligation de produire ou de laisser produire. En ce moment, on ne peut morceler et construire une maison sur moins de 100 hectares sans être soumis à un processus administratif qui entrave les initiatives régionales, mais qui n’arrive pas pour autant à protéger efficacement les terres agricoles en zone périurbaine.

L’accès au droit de produire plus de 100 poulets et 99 pondeuses permettrait d’installer des habitants sur les territoires. Mais encore faut-il avoir le droit de vendre. En ce moment, les quelques projets pilotes qui haussent les seuils sans avoir à acquérir de quotas permettent la vente uniquement dans les marchés publics (donc quelques heures par semaine), dans les paniers bios, ou dans le fond de son rang. Ouvrir une fenêtre pour mieux y poser un grillage, ça n’est pas permettre l’envol de qui que ce soit.

Au Québec, l’agriculture de proximité n’est qu’un vœu pieux lorsqu’il est question de la viande. On achète à son voisin, mais les animaux parcourent généralement des centaines de kilomètres vers les trop rares abattoirs disponibles dans la province, où d’ailleurs les petites quantités s’insèrent mal dans un flot de production à plus grande échelle. Essayons autre chose : l’installation de cinq microabattoirs préfabriqués, répartis sur le territoire, comme projets pilotes avant de construire dans le solide, et de déplacer ces incubateurs vers d’autres régions pour y développer. Ces installations existent, coûtent peu cher, sont sécuritaires. Il y en a d’ailleurs une au Vermont, sous inspection fédérale, à 1 h 30 min de chez moi. Je sais que le Québec en est capable lui aussi.

On dira que je crois trop en votre mari. On verra. Je vais accrocher une chaussette à l’antre de notre foyer collectif, le feu y brûle déjà. »

– Fernande Ouellet

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