À ma manière

Comment une bonne idée m’a sauvé de la faillite

Chaque semaine, une personnalité du milieu des affaires nous raconte dans ses mots une page de son histoire.

Qui : Julian Maroda, cofondateur et directeur de la création chez Norsfell, un jeune studio de jeux vidéo créé en 2013 par quatre passionnés : Julian Maroda, Arnaud Contri, Régis Cajet et Benjamin Jouan.

Ma première bonne idée, c’est d’avoir quitté la Belgique en 2009 pour Montréal, où je rêvais de faire carrière dans l’industrie des jeux vidéo.

La Belgique ne s’est pas spécialisée dans cette industrie. Là-bas, l’entrepreneuriat est moins valorisé par les pouvoirs publics et la société.

Après un bac en communication, je suis donc venu ici faire le diplôme d’études supérieures spécialisées en design de jeux à l’Université de Montréal. Et je suis resté.

J’ai travaillé trois ans et demi pour deux studios, puis j’ai eu la bonne idée avec des anciens collègues, amis et colocs de créer le studio Norsfell.

Execution Labs a accepté de nous donner du financement et de l’encadrement. Cet accélérateur nous a appris deux choses que je ne croyais pas si importantes : se vendre et réseauter. Onze mois plus tard, on a réussi à sortir le jeu mobile WinterForts, un jeu mobile multijoueur de stratégie.

La deuxième année, l’argent était épuisé. On a fini par remplir nos coffres avec du financement du Fonds des médias du Canada et en faisant des contrats de service pour d’autres studios.

Un contrat avec l’éditeur allemand Kalypso, en 2015 pour le jeu Airline Tycoon – Free Flight nous a donné l’occasion d’être sélectionné Meilleur jeu mobile aux côtés de deux jeux Nintendo à la Gamescom, la plus grande foire mondiale des jeux et divertissements interactifs.

Une belle fierté, de la crédibilité, mais pas de profits.

Dans le rouge

Depuis le début, avec l’approche start-up qu’on a adoptée et le marché multijoueur très compétitif qu’on visait, on savait qu’il nous faudrait investir plusieurs années pour développer notre savoir-faire, notre équipe et nos technologies avant de pouvoir prétendre faire des jeux profitables. Sauf qu’on ne peut pas survivre seulement avec des contrats de service, des subventions, des crédits d’impôt, des bourses et des concours. Un jour, on arrive à un point où on veut que nos jeux fassent des profits.

Avant de participer à la Série indie d’Ubisoft, on avait un problème de liquidités. C’était un moment difficile. On sentait qu’il fallait faire quelque chose.

Quand on a eu l’idée de s’inscrire au concours d’Ubisoft et de présenter un jeu de console PC, nos cinq conseillers au conseil d’administration nous l’ont fortement déconseillé. Ils pensaient qu’on était mieux de continuer à parfaire notre expertise dans le jeu mobile.

À l’interne, cependant, on croyait fortement en notre projet, parce qu’il s’inscrit dans la tendance actuelle de jeu multijoueur et de survie, avec en plus un aspect communautaire. C’est un jeu qui met l’accent sur le social et le coopératif plutôt que sur le compétitif et l’individuel.

Quand on a remporté le concours, c’était amusant de voir à quel point ils étaient tous surpris. Les 50 000 $ sont vraiment arrivés au bon moment.

D’une bonne idée à l’autre

On a réussi à convaincre le jury avec notre art du pitch qu’on a développé grâce à nos coachs d’Execution Labs. Le secret, c’est de ne jamais rien laisser au hasard. Il faut que tous les paramètres soient maîtrisés. Anticiper les questions qui vont être posées, trouver le contre-argument et le glisser dans la présentation.

Tribes of Midgard (Les tribus de Midgard) les a séduits. C’est un jeu de survie communautaire, dans lequel un groupe de joueurs construit un village viking et doit survivre le plus longtemps face à des hordes de géants. Un jeu impossible à réussir, je vous avertis. Il faut juste « tougher » le plus longtemps en tant que village humain.

Il sera prêt en 2019.

Notre objectif cette année, c’est de lever une deuxième ronde de financement. On a eu des discussions avec de grosses entreprises chinoises qui souhaitent investir dans notre studio.

J’espère que la marque Norsfell sera là dans 10 ans. Est-ce que les fondateurs y seront encore ? Je ne sais pas. On a toujours eu comme vision de faire grossir l’entreprise pour éventuellement se faire racheter par un plus gros.

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